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"La loi sur l'avortement, c'était déjà ma priorité depuis la législature précédente ", annonce-t-elle. " On a vu la loi de 2018 comme une tromperie parce que la majorité s'est servie du débat relatif à la dépénalisation de l'avortement pour nous faire croire que la loi avait été dépénalisée, alors que pas du tout. Ils se sont retranchés derrière des améliorations purement cosmétiques et sur le maintien des sanctions pénales à l'encontre des femmes et des médecins. "Aujourd'hui, la députée estime que le débat est assez mûr pour aller vers une vraie dépénalisation et un assouplissement des conditions. " C'est exactement ce qu'avaient demandé les experts, pour qui faire uniquement sortir l'IVG du code pénal sans toucher aux conditions serait une mesure tout à fait symbolique alors qu'il est nécessaire d'aller plus loin. " Défi va donc demander l'examen prioritaire de ce texte en commission de la santé. " C'est notre priorité en santé, sachant que l'année passée le débat avait eu lieu en commission de la Justice. Cela avait été difficile à accepter car nous considérons que cette question relève de la santé publique et non pas de la justice et encore moins du droit pénal. "Sophie Rohonyi pointe entre autre le danger de la loi actuelle sur l'avortement : " Tout ce que les experts ont dénoncé durant les quatre séances d'audition, dont plus de 20 médecins, a été maintenu dans une nouvelle loi pénale. Et c'est dangereux parce que jusqu'à présent les parquets considéraient cette disposition comme désuète. Et là, on a relancé le signal que dès qu'une femme avorte ou un médecin aide une femme à avorter à 13 semaines de grossesse, ils peuvent être poursuivis. "Le délai légal de 12 semaines, beaucoup trop court, avec par conséquent l'exposition des femmes et des médecins à des situations difficiles, sans oublier le délai de réflexion de six jours - beaucoup trop infantilisant pour les femmes - font partie des conditions à assouplir, explique la députée. " On se retrouve face à des femmes qui sont à 13 ou 14 semaines de grossesse et qui doivent recourir à des avortements clandestins. Et à des médecins qui s'exposent à des sanctions, lorsqu'ils acceptent de procéder à des avortements hors délais, et des femmes enceintes lorsqu'elles sont bien informées ou ont un niveau de vie suffisamment élevé, qui se rendent à l'étranger, en particulier aux Pays Bas pour pratiquer l'avortement. "Ce que propose Défi, c'est un délai légal d'avortement de 18 semaines et un délai de réflexion de 48 h. Sachant que ce délai pourrait être raccourci dès le moment où la santé de la femme est en danger, ou pour des raisons exceptionnelles, comme la loi l'a prévu d'ailleurs. " Ce délai de réflexion ne se justifie plus à mon avis, mais on se range derrière l'avis des experts pour qui il s'agit d'un bon compromis que de prévoir 48 h, sachant que ce délai peut encore être raccourci pour des raisons exceptionnelles. Mais six jours c'est totalement disproportionné selon moi. Souvent, lorsque la femme se rend chez le médecin, elle y a déjà réfléchi. La réflexion ne commence pas au moment où elle s'entretient avec le médecin. "Pour Défi, la femme qui souhaite avorter doit pouvoir être réorientée s'il y a une objection de conscience du médecin. " On ne remet absolument pas en cause la liberté de choix de chaque médecin de pratiquer ou non un avortement. Mais il ne faut pas que cela mette les femmes dans des conditions où sous couvert d'objection de conscience, elles ne puissent pas faire valoir leur droit à l'interruption de grossesse. C'est pour cela qu'on propose toutes les balises qui avaient été avancées par les experts. A savoir de faire connaître l'objection de conscience sans délai, de repérer un médecin qui pratique l'IVG dans la zone géographique de la femme et de souligner le caractère illégal de toutes clauses institutionnelles prévues interdisant les médecins de pratiquer l'IVG au sein même d'une institution. Ces clauses sont contraires à la philosophie même de l'objection de conscience qui doit s'exercer de manière personnelle. Un médecin peut refuser de pratiquer une IVG mais une institution n'a pas la compétence pour interdire à un médecin de le faire, c'est un délit d'entrave en notre sens. "Un texte pour le délit d'entrave envers les femmes a été prévu, pour toute personne qui souhaiterait empêcher une femme de pratiquer un avortement, mais rien n'est prévu à l'égard de toute personne ou institution qui empêcherait un médecin de pratiquer un avortement. Nous l'avons inclus dans la proposition, explique Sophie Rohonyi." Ce qui a accéléré le dépôt de proposition de loi en 2016, c'est cette petite phrase selon laquelle on accordait un statut aux enfants mort nés. Très clairement nous nous sommes aperçus qu'un consensus avait été conclu par les partenaires de la majorité sur la question du foetus et de l'IVG, alors que les deux questions n'ont rien à voir ", commente la députée de Rhode Saint Genèse. " On a eu le sentiment qu'on nous confisquait la liberté de débat au Parlement à ce sujet. Pour le PS et notre parti, le texte sur l'IVG était prioritaire en commission, mais très souvent les députés, en particulier CD& V, nous expliquaient que l'examen ne pouvait pas avoir lieu car un autre projet de loi très important était attendu. Nous avons très vite sentis qu'il serait impossible de débattre à ce sujet tant que le projet de loi sur les foetus n'était pas présenté et même voté. Et donc ce n'est qu'après le vote qu'on a pu enfin travailler sur la question de l'IVG, quelques semaines après. Preuve que le calendrier était vraiment lié. "Bannir l'IVG est contraire aux droits humains pour l'ONU, lit-on. Mais baliser l'avortement de manière austère l'est-il ?" Des organismes comme l'ONU se concentrent sur des pays où les lois sont radicales. On ne se penche pas sur notre cas puisque dans la pratique on peut avorter. " commente Sophie Rohonyi. " Notre législation est hypocrite. Il y a des conditions légales mais en même temps, c'est considéré comme une infraction pénale. En ce qui concerne notre pays, je ne pense pas que les droits sexuels et reproductifs fassent partie d'un examen. Il y a des questions plus importantes... Mais la Belgique rend son propre rapport chaque année, et c'est peut être aux organisations telles que des plannings familiaux d'alerter les institutions internationales de notre situation ? Tous les deux ans, l'ONU procède à l'examen périodique universel par pays. Ça serait intéressant qu'il se penche sur cette question lors du prochain examen. "