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Là où l'ordinateur s'avère utile, pourquoi ne pas le mettre au service des malades ? Face à une décision cruciale, combien de paramètres un être humain peut-il traiter? Pas des centaines, seules quelques données pertinentes se dégagent au terme de la consultation et une sélection de "small" data détermine la suite. Combien d'informations utiles échappent-elles à l'attention ? Sans big data, impossible de le dire.Aujourd'hui, à côté de quelques données paraissant essentielles, d'autres observations des médecins, des soignants et des malades ou des signaux captés par des appareils, peuvent recéler des pépites uniquement décelables grâce aux méthodes du big data. Reste à savoir comment permettre à chacun de trouver le meilleur pour sa santé dans les circuits de données auxquels il participe. Revoyons ces circuits. En haut, des spécialistes procèdent à des analyses dont ils renvoient les résultats en bas, vers les personnes du terrain, puis des données nouvelles repartent vers le haut pour ajuster les big data qui redescendent influencer les décisions médicales futures et ainsi de suite. Il y a là, entre les lieux de soins et les étages supérieurs, une dynamique incessante de circuits courts et longs. Jusqu'ici, peu d'attention est accordée aux personnes qui, tant côté malades que côté médecins et soignants, participent de proche en proche à ces relais de messages.Deux remarques. 1° Le processus n'est pas nouveau. La vie pratique a toujours fait appel à des bagages théoriques et des retours d'expérience. La nouveauté réside dans les outils multipliant de façon exponentielle la quantité de données analysables, les modèles prometteurs et la vitesse de circulation entre des intervenants eux aussi de plus en plus nombreux. 2° Des flots de données convergent vers les ultimes décideurs politiques. Où il y a des big data, il y a de la politique. Le récent slogan "PRAF, la politique? Plus rien à faire, plus rien à foutre !", exprime combien, à force d'abandonner la politique aux professionnels, nous avons oublié la part que nous y prenons.Que vient faire la politique dans la question des big data ? La dépersonnalisation de la médecine souvent perçue comme une menace des technologies n'est qu'un cas particulier de la déconnexion entre les citoyens et les politiques. Or, à bien considérer ce que nous pourrions faire grâce à l'informatique, nous, les médecins et les soignants, et aussi les malades, avons une formidable chance à saisir pour mieux influencer les hautes sphères des décideurs. Nous voulons mieux être entendus ? Pour cela, il faut être plus attentif à la qualité des informations dont nous sommes la source et à la manière dont nous les échangeons entre nous avant de les fournir aux circuits longs du big data pour en devenir la cible. Dans les soins de santé comme ailleurs, la rupture entre la base et le sommet ne peut être attribuée aux seuls politiques. Mieux expliquer les contraintes de la lutte contre les maladies est un défi permanent. Prêter plus d'attention aux échanges de données compréhensibles entre malades et médecins, entre médecins, pharmaciens et soignants, à travers des circuits courts, maîtrisables par tous ceux qui le souhaitent, voilà, en espérant que cela soit plus qu'une vision naïve, une formidable occasion de rééquilibrer les rapports entre les malades et les praticiens en bas, les politiques en haut. Et si les technologies de l'information mises au service de chaque individu considéré dans toute sa personne arrivaient à point pour nous aider à atteindre cet objectif ? Ce défi ne se situe pas en haut, mais en bas, dans la qualité des informations fournies aux malades.