Le 7 décembre 2017, a été déposée une proposition de résolution concernant l'évaluation de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, modifiée par la loi du 28 février 2014, par deux parlementaires CD&V, Else Van Hoof et Nathalie Muylle. Ces deux dames viennent d'être rejointes par leur collègue NVA Valerie Van Peel. L'on voudrait croire aux bonnes intentions de nos représentantes : nulle question en effet de nier la large assise politique et sociale dont bénéfice la dépénalisation de l'euthanasie, affirment-elles. Il s'agirait plutôt de veiller à l'amélioration de la loi, compte tenu notamment du rôle de pionnier joué par la Belgique dans cette question éthique. Formidable !
Le 7 décembre 2017, a été déposée une proposition de résolution concernant l'évaluation de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, modifiée par la loi du 28 février 2014, par deux parlementaires CD&V, Else Van Hoof et Nathalie Muylle. Ces deux dames viennent d'être rejointes par leur collègue NVA Valerie Van Peel. L'on voudrait croire aux bonnes intentions de nos représentantes : nulle question en effet de nier la large assise politique et sociale dont bénéfice la dépénalisation de l'euthanasie, affirment-elles. Il s'agirait plutôt de veiller à l'amélioration de la loi, compte tenu notamment du rôle de pionnier joué par la Belgique dans cette question éthique. Formidable !
Si ce n'est qu'une lecture attentive de la résolution permet d'identifier les " problèmes " retenus par ces parlementaires. C'est ainsi qu'il est écrit qu'il s'agit de clarifier les choses " pour les patients qui pensent à tort qu'il peut être accédé à toute demande d'euthanasie ". Rassurez-vous, Mesdames, la course d'obstacles que les patients ont à affronter remet très vite les choses en perspective... Pas un mot concernant les refus d'euthanasie... En revanche, mille soupçons à l'égard de la Commission d'évaluation et de contrôle de la loi relative à l'euthanasie - CFCEE - qui a commis le crime de ne renvoyer qu'un seul dossier aux autorités judiciaires. En filigrane, également, l'on peut percevoir les oppositions de ces dames au fondement des demandes d'euthanasie pour cause de polypathologies ou pour troubles psychiques. Quand elles critiquent la sédation palliative, ce n'est pas pour dénoncer les sédations palliatives imposées aux patients en dépit de leur demande d'euthanasie mais bien pour stigmatiser " l'usage abusif de la sédation palliative en tant que moyen actif de mettre un terme à la vie ". En d'autres termes, des euthanasies déguisées...
J'ai envie de leur répondre : chiche, allons à une étude à l'instar des Pays-Bas [1], citée en exemple par elles, une étude quinquennale portant sur toutes les décisions médicales en fin de vie et incluant, pas seulement les médecins, mais aussi les citoyens. Je crains pour ces dames qu'elles n'aient pas tiré les enseignements de ces études quinquennales et en particulier de la troisième étude publiée en mai 2017. Il est vrai que l'étude comporte quelque 332 pages.
L'examen de cette 3ème étude quinquennale mériterait plus que l'espace d'une chronique. Je ne pourrai donc relever que quelques éléments pertinents.
Décisions médicales ayant un impact sur la fin de la vie
58 % des décès seraient précédés d'une décision médicale :
- Euthanasie : 4,5 %
- Suicide médicalement assisté : 0,1 %
- Interruption de vie sans demande expresse du patient : 0,3 %
- Augmentation des traitements antidouleurs (= double effet) : 36,00 %
- Arrêt ou abstention d'un traitement : 17,00 %
- Sédation profonde et continue : 18,00 %
Rien que ce tableau mériterait une analyse pour chacune de ces décisions médicales. Mais soulignons déjà deux points :
1°) le nombre sans cesse grandissant de décès induits de manière plus ou moins directe par une décision médicale et parallèlement, l'augmentation des sédations continues et profondes (en 2010, 12 % et en 2005, 8,2 %) et des euthanasies (en 2010, 2,8 % et en 2005, 1,7 %) ;
2°) seuls l'euthanasie et le suicide médicalement assisté font l'objet de contrôle, que ce soit aux Pays-Bas ou en Belgique.
Seuls l'euthanasie et le suicide médicalement assisté font l'objet de contrôle, que ce soit aux Pays-Bas ou en Belgique.
Afin d'éviter les confusions, tant l'euthanasie que le suicide assisté ont été définis auprès des personnes qui ont participé à cette étude. Euthanasie : "opzettelijk levensbeëindiging op uitdrukkelijk verzoek van de patiënt waarbij de arts het laatste middel toedient". Hulp bij zelfdoding : "opzettelijk levensbeëindiging op uitdrukkelijk verzoek van de patiënt waarbij de patiënt zélf het laatste middel " toedient "".
En fait, la différence entre euthanasie et suicide assisté réside dans la méthode : euthanasie par voie intraveineuse : perfusion ou injection versus suicide assisté per os : préparation d'un sirop de barbituriques que le patient ingurgitera. En Belgique, tant l'Ordre des Médecins que la CFCEE ont intégré ces notions, le suicide assisté étant assimilé à une euthanasie pour autant que les conditions de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie aient été respectées. Cela implique notamment que le médecin donne le sirop de barbituriques au patient et reste à son chevet jusqu'au constat de la mort.
Déclarations ou non des euthanasies ou suicides médicalement assistés
Pour chaque décision médicale de fin de vie, il était demandé au médecin de préciser s'il avait déclaré le cas auprès de la Commission régionale de contrôle. Monsieur de la Palice aurait trouvé son compte : 99 % des cas où le médecin avait qualifié son acte d'euthanasie et 100 % des cas de suicide médicalement assisté ont fait l'objet d'une déclaration ! Encore faut-il s'entendre sur la définition de ces notions. A voir les résultats de cette étude, il apparaît que les médecins avaient bien intégré les définitions légales avec pour conséquence que tant la demande expresse du patient que les médicaments utilisés se retrouvaient en adéquation avec leurs déclarations. 97 % de déclarations dans l'hypothèse d'administration de barbituriques et de curarisant. Autrement dit, a contrario, lorsque les médecins avaient administré soit de la morphine, soit des benzodiazépines, à l'exclusion de barbituriques et de curarisant, ils n'en faisaient pas la déclaration.[2]
Euthanasie et psychiatrie
Tout comme en Belgique, la question de l'euthanasie de patients atteints de troubles psychiatriques soulève des questions. Un questionnaire spécifique a été adressé à un échantillon de 500 psychiatres avec un taux de réponses de 49%. Les demandes de patients atteints de troubles psychiatriques sont incontestablement en hausse. Dans les conclusions de l'étude, sont repris les arguments des psychiatres qui adoptent une attitude ouverte quant à ces demandes ainsi que ceux des psychiatres qui s'y opposent. Un constat cependant : les refus d'euthanasie par des psychiatres sont souvent motivés par des raisons personnelles. Un chiffre qui donne à réfléchir : après le refus d'euthanasie qui concernait 66 patients, 11 sont décédés par suicide.
Et le public, les citoyens ?
L'université de Tilburg a été chargée de ce volet de l'étude qui a démontré une fois de plus l'importante adhésion des citoyens à la réglementation actuelle en matière de fin de vie à la demande de la personne. Les questions sensibles n'ont pas été évitées : affections psychiatriques, patients atteints de démence, vie accomplie, euthanasie pour des enfants âgés de moins de 12 ans, la clinique de fin de vie.
Tout comme en Belgique, la question de l'euthanasie de patients atteints de troubles psychiatriques soulève des questions aux Pays-Bas.
La tentation est grande de reprendre l'intégralité des conclusions et recommandations de cette étude. Il est par exemple recommandé que les autorités informent les citoyens sur l'importance de la déclaration anticipée et que les associations professionnelles médicales invitent les médecins à aborder à temps avec leurs patients soit âgés, soit atteints de pathologies incurables la question des soins qu'ils souhaitent ou qu'ils refusent, la nécessaire formation des médecins et soignants en général pour faire la distinction entre des décisions médicales mettant fin à la vie d'une part et d'autre part le traitement de symptômes de douleur ou la sédation palliative, tout en précisant que devrait être évité le surdosage de morphine avec l'intention de mettre fin à la vie.
Dans de telles conditions, une évaluation de la loi relative à l'euthanasie prend tout son sens.
[1] Le titre de la loi est très précisément : Wet toetsing levensbeëindiging op verzoek en hulp bij zelfdoding. Le Code pénal néerlandais comporte deux préventions portant l'une sur le fait de mettre fin volontairement à la vie d'une personne à sa demande et l'autre sur l'assistance au suicide. La loi du 12 avril 2001 a prévu les conditions à respecter par le médecin qui soit pratique une euthanasie, soit aide son patient à se suicider pour que son acte ne soit pas sanctionné pénalement.
[2] Aux Pays-Bas, les associations professionnelles des médecins et des pharmaciens ont établi des protocoles pharmaceutiques pour l'euthanasie et le suicide assisté. Pour l'euthanasie, il est expressément requis des médecins qu'ils administrent un curarisant après avoir induit le coma par le thiobarbital ou tout autre anesthésiant. A défaut, le médecin peut voir son dossier transmis par la Commission régionale de contrôle au Parquet. En Belgique, dans de très nombreux cas, il n'est pas fait usage du curarisant. Et la mort n'en est pas moins sereine...
Le 7 décembre 2017, a été déposée une proposition de résolution concernant l'évaluation de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, modifiée par la loi du 28 février 2014, par deux parlementaires CD&V, Else Van Hoof et Nathalie Muylle. Ces deux dames viennent d'être rejointes par leur collègue NVA Valerie Van Peel. L'on voudrait croire aux bonnes intentions de nos représentantes : nulle question en effet de nier la large assise politique et sociale dont bénéfice la dépénalisation de l'euthanasie, affirment-elles. Il s'agirait plutôt de veiller à l'amélioration de la loi, compte tenu notamment du rôle de pionnier joué par la Belgique dans cette question éthique. Formidable !Si ce n'est qu'une lecture attentive de la résolution permet d'identifier les " problèmes " retenus par ces parlementaires. C'est ainsi qu'il est écrit qu'il s'agit de clarifier les choses " pour les patients qui pensent à tort qu'il peut être accédé à toute demande d'euthanasie ". Rassurez-vous, Mesdames, la course d'obstacles que les patients ont à affronter remet très vite les choses en perspective... Pas un mot concernant les refus d'euthanasie... En revanche, mille soupçons à l'égard de la Commission d'évaluation et de contrôle de la loi relative à l'euthanasie - CFCEE - qui a commis le crime de ne renvoyer qu'un seul dossier aux autorités judiciaires. En filigrane, également, l'on peut percevoir les oppositions de ces dames au fondement des demandes d'euthanasie pour cause de polypathologies ou pour troubles psychiques. Quand elles critiquent la sédation palliative, ce n'est pas pour dénoncer les sédations palliatives imposées aux patients en dépit de leur demande d'euthanasie mais bien pour stigmatiser " l'usage abusif de la sédation palliative en tant que moyen actif de mettre un terme à la vie ". En d'autres termes, des euthanasies déguisées...J'ai envie de leur répondre : chiche, allons à une étude à l'instar des Pays-Bas [1], citée en exemple par elles, une étude quinquennale portant sur toutes les décisions médicales en fin de vie et incluant, pas seulement les médecins, mais aussi les citoyens. Je crains pour ces dames qu'elles n'aient pas tiré les enseignements de ces études quinquennales et en particulier de la troisième étude publiée en mai 2017. Il est vrai que l'étude comporte quelque 332 pages.L'examen de cette 3ème étude quinquennale mériterait plus que l'espace d'une chronique. Je ne pourrai donc relever que quelques éléments pertinents.58 % des décès seraient précédés d'une décision médicale :- Euthanasie : 4,5 %- Suicide médicalement assisté : 0,1 %- Interruption de vie sans demande expresse du patient : 0,3 %- Augmentation des traitements antidouleurs (= double effet) : 36,00 %- Arrêt ou abstention d'un traitement : 17,00 %- Sédation profonde et continue : 18,00 %Rien que ce tableau mériterait une analyse pour chacune de ces décisions médicales. Mais soulignons déjà deux points :1°) le nombre sans cesse grandissant de décès induits de manière plus ou moins directe par une décision médicale et parallèlement, l'augmentation des sédations continues et profondes (en 2010, 12 % et en 2005, 8,2 %) et des euthanasies (en 2010, 2,8 % et en 2005, 1,7 %) ;2°) seuls l'euthanasie et le suicide médicalement assisté font l'objet de contrôle, que ce soit aux Pays-Bas ou en Belgique.Afin d'éviter les confusions, tant l'euthanasie que le suicide assisté ont été définis auprès des personnes qui ont participé à cette étude. Euthanasie : "opzettelijk levensbeëindiging op uitdrukkelijk verzoek van de patiënt waarbij de arts het laatste middel toedient". Hulp bij zelfdoding : "opzettelijk levensbeëindiging op uitdrukkelijk verzoek van de patiënt waarbij de patiënt zélf het laatste middel " toedient "".En fait, la différence entre euthanasie et suicide assisté réside dans la méthode : euthanasie par voie intraveineuse : perfusion ou injection versus suicide assisté per os : préparation d'un sirop de barbituriques que le patient ingurgitera. En Belgique, tant l'Ordre des Médecins que la CFCEE ont intégré ces notions, le suicide assisté étant assimilé à une euthanasie pour autant que les conditions de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie aient été respectées. Cela implique notamment que le médecin donne le sirop de barbituriques au patient et reste à son chevet jusqu'au constat de la mort.Pour chaque décision médicale de fin de vie, il était demandé au médecin de préciser s'il avait déclaré le cas auprès de la Commission régionale de contrôle. Monsieur de la Palice aurait trouvé son compte : 99 % des cas où le médecin avait qualifié son acte d'euthanasie et 100 % des cas de suicide médicalement assisté ont fait l'objet d'une déclaration ! Encore faut-il s'entendre sur la définition de ces notions. A voir les résultats de cette étude, il apparaît que les médecins avaient bien intégré les définitions légales avec pour conséquence que tant la demande expresse du patient que les médicaments utilisés se retrouvaient en adéquation avec leurs déclarations. 97 % de déclarations dans l'hypothèse d'administration de barbituriques et de curarisant. Autrement dit, a contrario, lorsque les médecins avaient administré soit de la morphine, soit des benzodiazépines, à l'exclusion de barbituriques et de curarisant, ils n'en faisaient pas la déclaration.[2]Tout comme en Belgique, la question de l'euthanasie de patients atteints de troubles psychiatriques soulève des questions. Un questionnaire spécifique a été adressé à un échantillon de 500 psychiatres avec un taux de réponses de 49%. Les demandes de patients atteints de troubles psychiatriques sont incontestablement en hausse. Dans les conclusions de l'étude, sont repris les arguments des psychiatres qui adoptent une attitude ouverte quant à ces demandes ainsi que ceux des psychiatres qui s'y opposent. Un constat cependant : les refus d'euthanasie par des psychiatres sont souvent motivés par des raisons personnelles. Un chiffre qui donne à réfléchir : après le refus d'euthanasie qui concernait 66 patients, 11 sont décédés par suicide.L'université de Tilburg a été chargée de ce volet de l'étude qui a démontré une fois de plus l'importante adhésion des citoyens à la réglementation actuelle en matière de fin de vie à la demande de la personne. Les questions sensibles n'ont pas été évitées : affections psychiatriques, patients atteints de démence, vie accomplie, euthanasie pour des enfants âgés de moins de 12 ans, la clinique de fin de vie.La tentation est grande de reprendre l'intégralité des conclusions et recommandations de cette étude. Il est par exemple recommandé que les autorités informent les citoyens sur l'importance de la déclaration anticipée et que les associations professionnelles médicales invitent les médecins à aborder à temps avec leurs patients soit âgés, soit atteints de pathologies incurables la question des soins qu'ils souhaitent ou qu'ils refusent, la nécessaire formation des médecins et soignants en général pour faire la distinction entre des décisions médicales mettant fin à la vie d'une part et d'autre part le traitement de symptômes de douleur ou la sédation palliative, tout en précisant que devrait être évité le surdosage de morphine avec l'intention de mettre fin à la vie.Dans de telles conditions, une évaluation de la loi relative à l'euthanasie prend tout son sens.[1] Le titre de la loi est très précisément : Wet toetsing levensbeëindiging op verzoek en hulp bij zelfdoding. Le Code pénal néerlandais comporte deux préventions portant l'une sur le fait de mettre fin volontairement à la vie d'une personne à sa demande et l'autre sur l'assistance au suicide. La loi du 12 avril 2001 a prévu les conditions à respecter par le médecin qui soit pratique une euthanasie, soit aide son patient à se suicider pour que son acte ne soit pas sanctionné pénalement.[2] Aux Pays-Bas, les associations professionnelles des médecins et des pharmaciens ont établi des protocoles pharmaceutiques pour l'euthanasie et le suicide assisté. Pour l'euthanasie, il est expressément requis des médecins qu'ils administrent un curarisant après avoir induit le coma par le thiobarbital ou tout autre anesthésiant. A défaut, le médecin peut voir son dossier transmis par la Commission régionale de contrôle au Parquet. En Belgique, dans de très nombreux cas, il n'est pas fait usage du curarisant. Et la mort n'en est pas moins sereine...