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Comme nous l'analysions récemment (lire jdM 2455 et 2456), les suppléments demandés par les chirurgiens plasticiens au quelque 2.000 femmes qui décident d'une reconstruction mammaire après ablation d'un ou deux seins, notamment autologue, sont considérés comme exorbitants par les mutuelles. L'AIM s'est penchée notamment sur l'intervention DIEP (qui consiste à utiliser uniquement des tissus corporels) et a conclu que les suppléments d'honoraires dans les chambres où cela est autorisé pouvaient varier de 1.620 à 7.680 euros. "En fonction du type de chambre et du nombre de seins reconstruits, il s'agit de 2.000 à 4.000 euros de frais supplémentaires à la charge des patientes", pointe l'AIM. Entre 2009 et 2013, "toutes les patientes ont payé plus que le montant prévu par l'assurance maladie pour des reconstructions mammaires, à savoir 15 millions d'euros contre 11 millions".Pour y pallier, des négociations ont donc été menées entre Jo De Cock, président de la médico-mut et les médecins afin de leur assurer une revalorisation des honoraires (2,4 millions injectés par l'assurance maladie) et assurer d'autre part aux patients une certaine sécurité tarifaire. Un accord est intervenu hier. Il contient plusieurs volets en faveur des patientes : 1) Une consultation sera organisée entre les oncologues et les médecins traitants ayant suivi la patiente au cours du traitement de son cancer (et de son ablation) et le chirurgien esthétique. 2) Un tarif "all inclusive" a été conclu qui comprend la reconstruction du téton pour une montant de 3.722,4 euros pour un sein (et 5.438,6 euros pour deux seins). 3) Les suppléments d'honoraires en chambre à un lit sont limités à 100%. Le supplément maximal atteint 2.940,44 euros pour une intervention unilatérale et 4.545,06 euros pour une intervention bilatérale. 4) les patientes ont le libre choix de la chambre. Les mutuelles s'engagent à contrôler les termes de cet accord. Les hôpitaux qui ne respectent pas l'accord et dans lesquels des suppléments importants seraient toujours demandés pourraient être "dénoncés" par les mutuelles. En clair, patientes, MG et médecins spécialistes seraient mis au courant du nom de ces hôpitaux. Gaëtan Willemaert, président de la RBSPS, se dit déçu d'un accord signé en l'absence des plasticiens et alors que les derniers documents ne leur ont pas été distribués. Le banc médical en médico-mut ne comprend en effet pas de membres de cette spécialité. "L'étude du KCE et les négociations initiales partaient du principe que le code du DIEP (véritable transplantation microchirurgicale de tissus autologues), lié à son tarif 'social' était largement insuffisant: 1.527 euros pour le premier chirurgien plus 152,7 euros pour le second (deux micro-chirurgiens expérimentés sont nécessaires pour une telle intervention complexe d'environ 6 heures)." Pour le Dr Willemaert, il s'agit évidemment seulement d'honoraires bruts, avant prélèvements hospitaliers et frais des instrumentistes à charge des chirurgiens. "Il faut comparer cela à d'autres opérations de complexité équivalente dans d'autres disciplines (chirurgie cardiaque, neurochirurgie, greffe rénale). Cette situation inégale a en effet mené à certaines dérives qui ont été à juste titre dénoncées. La RBSPS s'était bien engagée à mettre un terme à cela et à le communiquer, une fois le code revalorisé de manière juste et équitable."Mais le Dr Willemaert est interpellé par le fait qu'on présente cette convention comme "l'aboutissement d'un accord avec les plasticiens". Il regrette que "cette revalorisation du code de base soit liée à un plafond d'honoraires complémentaires pourtant légaux en chambre particulière". Pour le porte-parole des chirurgiens plasticiens, on mélange ici deux débats. "Comme nous l'avons déjà dénoncé, c'est lié à un conflit d'intérêt de certaines mutualités qui vendent également des assurances hospitalisation à leurs affiliés. Il faut réaliser qu'en faisant cela, on accepte bien de majorer le code de base (à charge de la sécurité sociale) mais on limite les compléments d'honoraires légaux (pourtant à charge des assureurs privés). Les accords particuliers mutualités-hôpitaux mettent d'ailleurs à mal le principe même des accords médico-mutualistes. Or dans vos lignes on a bien lu que la ministre De Block était opposée à ce type d'accord (même si ses raisons sont différentes)..."Le Dr Willemaert rappelle l'argument développé dans le jdM (n° 2456) : mettre un quota de patientes à opérer en chambre commune sur base d'un ratio ne tient absolument pas compte des différences régionales. En outre, "laisser sous-entendre que des indications de DIEP sont posées en dehors d'indications de reconstructions mammaires correctes est une ineptie. Il n'y a pas que des cancers qui justifient une reconstruction d'un sein !"Quant au fait que la Belgique fait nettement plus de reconstructions autologues microchirurgicales qu'ailleurs, "c'est qu'il y a bien là une demande de la part des patientes pour une intervention qui apporte un réel bénéfice. C'est tellement vrai que certaines viennent de l'étranger pour en bénéficier. Il faut savoir que certains plasticiens de notre pays ont une renommée mondiale dans ce domaine."Enfin, il est douloureux d'apprendre pour la RBSPS que seulement 7 centres en Belgique répondent aux critères. "Quand on sait qu'une femme sur 8 ou sur 9 est un jour confrontée à un cancer du sein, nous pouvons craindre que les délais d'attente et l'accessibilité au DIEP ne deviennent problématiques."Pour l'organisation représentative des plasticiens, l'accord est donc "une réponse insuffisante à un vrai problème". La RBSPS prendra donc attitude une fois les textes disponibles. Mais "rien n'obligera les plasticiens à signer ces accords particuliers".