J'avoue pourtant avoir pris beaucoup de plaisir à la lecture du rapport du KCE que j'ai parcouru comme un polar de série B (plutôt bien écrit), en me demandant à chaque page quelle porte ouverte allait être enfoncée et quelle (mauvaise) question allait permettre aux enquêteurs de résoudre une enquête dont le lecteur devine le résultat dès la première page.

Instruction m'étant donnée par les responsables éditoriaux du "Journal du médecin" de ne pas être trop long, je vais me limiter à partager quelques morceaux choisis au cours de ma lecture.

Le rapport commence très fort, par une considération éthique basique, sans doute en guise d'excuse à ce qui va suivre, un peu à la manière de l'avertissement bien connu "certaines scènes ou certains propos décrits dans ce livre risquent de choquer un public non averti".

Il se poursuit assez rapidement par un scoop : pour faire des économies, il faut fermer des maternités.

Structurellement déficitaire

Il continue par un autre scoop : compte-tenu des importants coûts fixes, les petites maternités sont structurellement déficitaires! Ou plutôt "non efficientes"! Ce qui permet aux rédacteurs de montrer leur grande culture économique en définissant ce qu'il faut entendre par efficience (encore un scoop).

Vient encore l'indispensable référence à l'international : la France, la Suède et l'Angleterre (comme chacun sait, 3 pays géographiquement et démographiquement proches du nôtre) dont l'organisation des soins (en tous cas en France et en Angleterre, je connais moins la Suède) est un modèle d'efficacité et d'organisation!

Suit alors une petite liberté prise par le comité de rédaction : la mission de soins des maternité est une mission de soins spécialisés! ("à l'heure actuelle (décembre 2019), il n'a pas encore été décidé quel type de mission de soins sera assignée aux maternités mais les notes politiques considèrent que les prestations qu'elles dispensent relèvent d'une mission de soins spécialisés").

Enfin, après avoir observé que la réduction du nombre de lits M ne permettrait pas de dégager des économies conséquentes, le rapport propose quand même cette réduction; et il consent beaucoup d'effort pour expliquer que, si, suite à cette réduction, un lit venait à manquer pour accueillir une future maman, ce ne serait vraiment pas un drame qu'elle dépose sa valise dans un coin de couloir et arpente celui-ci en attendant à la fois son bébé et sa chambre (au pire dans les 24 heures! Pour la chambre. Pour le bébé, le KCE ne se prononce pas!).

Les vraies questions

En clôturant ma lecture, une fois passé l'étonnement et les sourires, j'ai pris la peine de me demander quelles questions un travail sérieux se serait posé. En voici quelques-unes :

· Depuis 5 ans, une pression financière importante est mise sur les maternités, mettant la plupart d'entre elles en déficit. Et pourtant, dans tous les cas, la solidarité intra-hospitalière a soutenu l'activité. Pourquoi ? Comportement irrationnel des décideurs ou autres raisons plus fondamentales ?

· Combien d'accouchements dans l'hinterland de chaque maternité plutôt que combien d'accouchements dans la maternité ?

· Quelles seront les conséquences de la disparition de la maternité pour un hôpital et pour l'environnement sanitaire de celui-ci ?

· L'efficience diminue au-delà d'une certaine taille! Quelles conséquences si, plutôt que condamner les petites maternités, on limitait la taille des grandes maternités ?

· Quelles sont les véritables raisons de la concentration déjà observée ? La qualité des soins et de l'environnement ou le choix des prestataires (conditions financières, nombres de gardes, rivalités internes) ? Quelle attitude adopter face à un gynécologue qui organise une consultation en face de l'hôpital A (dont la maternité est sous-fréquentée) et accouche dans un hôpital B distant de 30 kms (il ne s'agit pas d'une fiction....) ?

· Ne serait-il pas judicieux de profiter de la constitution des réseaux pour assurer une meilleure répartition des accouchements entre les hôpitaux du réseau ?

· L'accouchement eutocyque est-il vraiment un acte relevant des soins spécialisés alors qu'on prétend par ailleurs promouvoir les maisons de naissance, parfois même non médicalisées ?

· L'accouchement est-il un banal acte médical : je viens à la maternité, j'expulse un bébé et je rentre chez moi! Ou émarge-t-il à la fête de la vie qui associe une famille à l'accueil du bébé (çà aussi c'est de l'éthique!) ?

Les questions ci-dessus ne sont qu'un condensé de celles que je me pose et que chacun devrait se poser avant de décider de la meilleure organisation des maternités sur notre territoire.

Y apporter des éléments de réponse est sans doute au-dessus des forces du KCE (hors du scope de l'étude objecteront-ils).

Je laisse au lecteur le soin de tirer ses propres conclusions sur le rapport. Pour ma part, je ne peux que constater que ceux qui écrivent les "romans de gare" concourent rarement pour les grands prix littéraires.

J'avoue pourtant avoir pris beaucoup de plaisir à la lecture du rapport du KCE que j'ai parcouru comme un polar de série B (plutôt bien écrit), en me demandant à chaque page quelle porte ouverte allait être enfoncée et quelle (mauvaise) question allait permettre aux enquêteurs de résoudre une enquête dont le lecteur devine le résultat dès la première page.Instruction m'étant donnée par les responsables éditoriaux du "Journal du médecin" de ne pas être trop long, je vais me limiter à partager quelques morceaux choisis au cours de ma lecture.Le rapport commence très fort, par une considération éthique basique, sans doute en guise d'excuse à ce qui va suivre, un peu à la manière de l'avertissement bien connu "certaines scènes ou certains propos décrits dans ce livre risquent de choquer un public non averti".Il se poursuit assez rapidement par un scoop : pour faire des économies, il faut fermer des maternités.Il continue par un autre scoop : compte-tenu des importants coûts fixes, les petites maternités sont structurellement déficitaires! Ou plutôt "non efficientes"! Ce qui permet aux rédacteurs de montrer leur grande culture économique en définissant ce qu'il faut entendre par efficience (encore un scoop).Vient encore l'indispensable référence à l'international : la France, la Suède et l'Angleterre (comme chacun sait, 3 pays géographiquement et démographiquement proches du nôtre) dont l'organisation des soins (en tous cas en France et en Angleterre, je connais moins la Suède) est un modèle d'efficacité et d'organisation!Suit alors une petite liberté prise par le comité de rédaction : la mission de soins des maternité est une mission de soins spécialisés! ("à l'heure actuelle (décembre 2019), il n'a pas encore été décidé quel type de mission de soins sera assignée aux maternités mais les notes politiques considèrent que les prestations qu'elles dispensent relèvent d'une mission de soins spécialisés").Enfin, après avoir observé que la réduction du nombre de lits M ne permettrait pas de dégager des économies conséquentes, le rapport propose quand même cette réduction; et il consent beaucoup d'effort pour expliquer que, si, suite à cette réduction, un lit venait à manquer pour accueillir une future maman, ce ne serait vraiment pas un drame qu'elle dépose sa valise dans un coin de couloir et arpente celui-ci en attendant à la fois son bébé et sa chambre (au pire dans les 24 heures! Pour la chambre. Pour le bébé, le KCE ne se prononce pas!).En clôturant ma lecture, une fois passé l'étonnement et les sourires, j'ai pris la peine de me demander quelles questions un travail sérieux se serait posé. En voici quelques-unes :· Depuis 5 ans, une pression financière importante est mise sur les maternités, mettant la plupart d'entre elles en déficit. Et pourtant, dans tous les cas, la solidarité intra-hospitalière a soutenu l'activité. Pourquoi ? Comportement irrationnel des décideurs ou autres raisons plus fondamentales ?· Combien d'accouchements dans l'hinterland de chaque maternité plutôt que combien d'accouchements dans la maternité ?· Quelles seront les conséquences de la disparition de la maternité pour un hôpital et pour l'environnement sanitaire de celui-ci ?· L'efficience diminue au-delà d'une certaine taille! Quelles conséquences si, plutôt que condamner les petites maternités, on limitait la taille des grandes maternités ?· Quelles sont les véritables raisons de la concentration déjà observée ? La qualité des soins et de l'environnement ou le choix des prestataires (conditions financières, nombres de gardes, rivalités internes) ? Quelle attitude adopter face à un gynécologue qui organise une consultation en face de l'hôpital A (dont la maternité est sous-fréquentée) et accouche dans un hôpital B distant de 30 kms (il ne s'agit pas d'une fiction....) ?· Ne serait-il pas judicieux de profiter de la constitution des réseaux pour assurer une meilleure répartition des accouchements entre les hôpitaux du réseau ?· L'accouchement eutocyque est-il vraiment un acte relevant des soins spécialisés alors qu'on prétend par ailleurs promouvoir les maisons de naissance, parfois même non médicalisées ?· L'accouchement est-il un banal acte médical : je viens à la maternité, j'expulse un bébé et je rentre chez moi! Ou émarge-t-il à la fête de la vie qui associe une famille à l'accueil du bébé (çà aussi c'est de l'éthique!) ?Les questions ci-dessus ne sont qu'un condensé de celles que je me pose et que chacun devrait se poser avant de décider de la meilleure organisation des maternités sur notre territoire.Y apporter des éléments de réponse est sans doute au-dessus des forces du KCE (hors du scope de l'étude objecteront-ils).Je laisse au lecteur le soin de tirer ses propres conclusions sur le rapport. Pour ma part, je ne peux que constater que ceux qui écrivent les "romans de gare" concourent rarement pour les grands prix littéraires.