Ce 17 décembre, le Parlement wallon était comble pour assister à la présentation des résultats de Proxisanté. Un parlement évidemment remodelé pour l'occasion puisque la grande majorité des personnes présentes étaient des représentants des organisations professionnelles de l'aide et du soin du tissu wallon ou des membres de l'Aviq. En ligne également, nombreux ont suivi cet événement attendu de longue date.
Des besoins
La présentation des résultats fut un peu confuse car sans doute trop dense. On retiendra que le terrain a exprimé de nombreux besoins : la mise en place d'un cadastre, renforcer ce qui existe déjà sur le terrain, améliorer l'échange des données entre les prestataires...Des besoins tous azimuts. Cela a permis d'apprendre, par l'entremise de Brigitte Bouton, inspectrice générale de l'Aviq, que la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, a déposé un plan e-santé wallon. Une première dont les informations arriveront dans les prochaines semaines. " L'Aviq va notamment développer un système wallon d'intégration des données pour ordonner les données existantes et les fournir à tout un chacun pour qu'elles soient utilisées à tous les niveaux ", informe, en guise de teaser, l'inspectrice générale de l'Aviq.
Le Dr Christian Vanden Bulck représentant de l'Inter-SISD wallon, a souligné en outre la " méconnaissance des outils déjà mis en place. Il serait utile de faire une publicité, voire un incitant pour que tout le monde utilise les outils mis en place. " Christie Morreale a indiqué que cela était déjà pris en considération dans la future note One Health de la Région wallonne. " Nous attendons l'avis du Conseil d'État. Les choses devraient être matérialisées dans les prochains mois. "
Autre débat, plus syndical, sur le besoin d'informer la population. " Le bât blesse énormément à ce niveau ", estime le Dr Luc Herry, représentant l'Absym. " La population utilise très mal les services qu'ils ont. Cela occasionne des retards de soins, des coûts énormes et divers problèmes. " Un point de vue moyennement partagé par le Dr Paul De Munck représentant à la fois la Plateforme de la première ligne wallonne (PPLW) et le GBO : " Pour que la population utilise plus efficacement les services à sa disposition, il faut surtout disposer d'un système de soins plus cohérent, intégré, structuré et clair. " Brigitte Bouton d'arbitrer. " L'éducation thérapeutique et l'information sont deux points fondamentaux. Ce sont des points sur lesquels il convient de travailler dans le cadre du nouveau Plan wallon de promotion de la santé. "
Définition de la première ligne en Wallonie
Proxisanté a également fait émerger une proposition de définition de la première wallonne : " La première ligne d'accompagnement et de soins répond aux besoins des personnes, de leurs proches et des professionnels et de leurs organisations, de manière équitable, tout au long de la vie, dans le respect des droits des patients et en leur permettant d'exercer leur libre choix de manière éclairée. Cette première ligne assure l'accessibilité et contribue à la continuité des services dispensés à la population, de la promotion de la santé jusqu'à la prévention quaternaire, en passant par les soins. Pour y parvenir, elle met en place des stratégies de promotion de la santé, tient compte du projet de vie de la personne dans un esprit de collaboration entre les secteurs, afin de permettre l'adoption d'une vision globale et holistique de la personne et de ses besoins de santé. "
On notera que cette définition est une proposition et est donc sujette à des modifications.
Futur modèle organisationnel
L'organisation du futur modèle organisationnel de la première ligne wallonne est plus floue. Deux modèles ont été proposés, l'un à trois niveaux (micro-méso-macro), l'autre à quatre niveaux. " Il faudrait pouvoir avoir plus d'explications avant d'aller plus loin ", résume bien Laurent Heyvaert, député wallon (Écolo).
Christie Morreale, elle, privilégie un modèle à trois niveaux afin de " ne pas trop alourdir les choses. Nous faisons déjà de très bonnes choses au niveau local. Il faut travailler sur une structure intermédiaire qui devrait couvrir entre 200.000 et 300.000 habitants. "
Territoires et découpages
L'ULiège et UClouvain ont justement travaillé sur la territorialisation des soins, un volet très attendu. Les universités font premièrement le constat que certaines initiatives existantes ont du sens. Deuxièmement, elles estiment que les territoires doivent être suffisamment grands pour interagir avec les autres réseaux mis en place, notamment les réseaux hospitaliers.
Dans ce genre d'exercice, ce sont toujours les cartes qui présentent le mieux les enjeux. Et en l'occurrence, la comparaison entre les territoires des cercles de médecine générale (à gauche sur l'image) avec les territoires et zones de soins utilisées comme benchmark par les universités (à droite) est lourde de sens : un seul cercle, celui de la FAGC à Charleroi, correspond parfaitement au bassin de soins auquel il est attaché. Autre constat : l'ouest de Liège et le Brabant wallon sont bien trop morcelés. Il faudra inévitablement revoir la configuration des cercles dans ces régions et songer à des fusions. Un cercle par SISD semble être la solution la plus plausible sur la table à l'heure actuelle.
Quelles conclusions ?
Elles furent attendues, et elles furent denses ces Assises de la première ligne wallonne. " Le résultat est très interessant ", se félicite Christie Morreale. " Ce n'était pas gagné. Nous avons donné la parole à des usagers et des professionnels d'aide et de soins qui s'exprimaient peu et qui échangeaient peu entre eux. J'ai senti des réticences de la part de certains professionnels. Est arrivée la crise sanitaire et nous avons gagné cinq à dix ans dans la manière de pratiquer, d'échanger, de collaborer. "
Désormais, la balle est dans le camp politique. " Nous allons agir par le biais de décrets et d'actions réglementaires. Mais cela ne veut pas dire que les contacts que nous avons réussi à nouer n'existerons plus ", rassure la ministre.
Ce décret devra répondre à plusieurs impératifs. Il devra être un cadre soutenant, tout en restant flexible. " Il faut que vous puissiez vous approprier le modèle. Tout le monde n'avancera pas au même rythme, mais tout le monde y arrivera. " Ce décret abordera inévitablement la question du modèle, a priori en trois niveaux, ainsi que le découpage territorial. " Il faudra également travailler sur un langage commun pour les professionnels de l'aide et du soin en Wallonie, mais aussi mettre le paquet sur la prévention et la promotion de la santé. "
Un calendrier concret a été présenté. Dès janvier sera mis en place un groupe de travail " décret " avec un comité de pilotage de la première ligne. La présentation du décret au Parlement wallon devrait survenir en septembre, le temps que le texte passe en première, deuxième et troisième lecture et passe devant le Conseil d'État. Entretemps, le gouvernement wallon devrait également prendre divers arrêtés d'execution qui donneront vie à cette réforme de la première ligne.
" On ne subit pas l'avenir, on le fait ", conclut Christie Morreale. " Chacun m'a fait voir sa réalité, sa vision. Mon objectif est désormais d'aligner ces visions. Les élections dans un an et demi font de cet événement un momentum. Le calendrier est là, avec des dates concrètes. Les moyens, si ils ne sont pas illimités, sont aussi présents. On a tracé la route. Maintenant, on va avancer et construire. L'organisation de la première ligne est clairement en route et elle ne s'arrêtera pas. "
Méthodologie d'action
Benjamin Lelubre, consultant pour Möbius, est revenu sur la méthodologie d'action. " L'objectif au départ était de partir des besoins pour définir l'organisation future. Nous avons construit le processus de manière participative avec une enquête en ligne, 11 ateliers participatifs en virtuel et en présentiel et une journée de cocréation. "
Cette méthodologie a essuyé de nombreuses critiques, surtout au début de la campagne. Notamment eu égard au nombre total de professionnels de soins joints (70.000 initialement renseignés, mais la moitié seulement joignable à cause du RGPD). Au total, l'initiative Proxisanté a enregistré " seulement " 6.515 visiteurs. 1.689 répondants ont complété le formulaire totalement et 160 personnes ont participé aux ateliers.
Les critiques ont continué dans le suivi en ligne de l'événement. Le Dr Thierry Van Der Schueren (SSMG) n'étant particulièrement pas tendre avec Möbius. " Il y a beaucoup d'autosatisfaction dans le chef du représentant de Möbius. La méthodologie était inadéquate et non rigoureuse et la gestion des débats catastrophique. Je ne comprends pas que l'Aviq, qui dispose des compétences en interne, ne se soit pas chargée de la démarche avec ses propres ressources plutôt que de faire appel à un opérateur externe flamand. "
Une articulation nécessaire avec le Fédéral
Ri De Ridder, conseiller du ministre fédéral de la Santé, a également assisté aux débats. Il souligne que Proxisanté " s'inscrit pleinement dans l'ajustement de nos politiques de santé en vue de sa résilience et sa capacité de répondre aux défis actuels et futurs. Proxisanté est en phase avec les travaux en cours, tant au niveau de la politique du ministre fédéral que de l'Inami pour se doter d'une approche orienté sur des objectifs de santé et de soins que au niveau de la CIM Santé, autour de la conclusion d'un plan interféderal soins intégrés, pour la fin de cette année, tout autour d'un grand objectif partagé, exprimé dans le Quintuple Aim. "
" Cette articulation entre les niveaux de pouvoir est indispensable ", acquiesce Brigitte Bouton. " Nous avons des ambitions de collaboration. " François Perl, membre du Collège intermutueliste national, abonde dans le même sens. " Pour la réussite du processus, l'articulation avec le Fédéral est fondamental, notamment en vue du New Deal et des soins intégrés. "
L'occasion, pour Isabelle Polis, promotrice du RLM du Cenego dans la province de Namur, d'aborder la question des postes médicaux de garde (PMG) et de leur défédéralisation : " Les cercles des médecins, les SISD, les RML dépendent à présent de l'AVIQ et c'est très bien. Pourquoi pas les PMG? Ce serait beaucoup plus logique. C'est un service local indispensable à la population qui est en train de se détricoter. "