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Cette découverte avait valu à notre compatriote le Prix Nobel de Médecine 1974, reçu conjointement avec l'Américain George Palade. C'est d'ailleurs également lui qui a utilisé le premier le terme d'autophagie (signifiant littéralement " se manger soi-même ").Le sens exact de cette notion a été défini plus clairement à partir de 1960, lorsque de Duve et d'autres ont observé que les cellules se détruisent en absorbant leurs propres membranes et en formant des vésicules internes transportés vers les lysosomes pour y être détruits et recyclés.Des limitations techniques ont longtemps rendue très délicate l'étude détaillée de ce processus... jusqu'à ce que Yoshinori Ohsumi réalise un certain nombre de percées assez remarquables dans les années 1990. Le Japonais est en effet parvenu à identifier les gènes qui jouent un rôle déterminant dans l'autophagie puis à démêler pas à pas le mécanisme lui-même - d'abord chez des levures, plus tard dans des cellules végétales et animales.En plus de provoquer un véritable changement de paradigme dans notre vision de la gestion et du recyclage des déchets par la cellule, les travaux d'Ohsumi ont révélé que l'autophagie est aussi un mécanisme d'autoprotection capital en cas de carence en nutriments ou de lutte contre les infections et les cancers. Elle permet notamment à nos cellules de se procurer rapidement l'énergie dont elles ont besoin, mais aide aussi le corps à se protéger contre les infections virales ou les cancers en poussant les cellules touchées à s'auto-consommer.L'autophagie a par ailleurs un rôle à jouer dans le développement embryonnaire et la différenciation cellulaire, mais aussi dans plusieurs maladies neurologiques et du vieillissement. Des anomalies dans la gestion des déchets par la cellule sont par exemple associées à l'Alzheimer, au Parkinson et au diabète de type 2. Plusieurs firmes pharmaceutiques se sont donc lancées dans la recherche de nouveaux médicaments ayant l'autophagie pour cible cellulaire.Même s'il ne se trouvera sans doute pas grand-monde pour disputer cette distinction à Yoshinori Ohsumi, cette édition 2016 a hélas été sérieusement ternie par les retombées de l'affaire Macchiarini. Le lauréat du Prix Nobel de Médecine est en effet désigné par le comité Nobel, un groupe de 50 médecins rattachés à l'institut Karolinska... dont cinq ont été directement cités dans le scandale en question, trois ayant même été forcés de démissionner du comité Nobel.En Suède et à l'étranger, des voix se sont même élevées pour que l'attribution du prix Nobel de médecine soit suspendue pendant quelques années, mais le comité s'y est opposé. Dans un e-mail au Journal du médecin, son secrétaire Thomas Perlmann a souligné que ses 50 membres travaillent de façon tout à fait indépendante de l'institut Karolinska. Les statuts et procédures de sélection du lauréat sont par ailleurs établis de longue date, et les cinq personnes citées dans les rapports d'enquête de l'affaire Macchiarini n'y ont pas participé cette année. Le comité Nobel n'est donc pas concerné par les problèmes de l'institut Karolinska.Ces arguments semblent avoir été acceptés par la communauté médicale et scientifique... mais cela n'empêche pas certains de murmurer que le prix a quelque peu perdu de son panache en cette année 2016.