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"Un test sérologique positif, c'est l'indication que le sujet a été infecté par le virus et que cette infection a déclenché une réaction de son système immunitaire. Les tests sérologiques détectent une des réponses immunitaires essentielles, la production d'anticorps circulant dans le torrent sanguin. Certains de ces anticorps appelés IgM sont produits dès la première semaine suivant l'infection, alors que les IgG apparaissent plus tardivement. Les études les plus récentes indiquent que pratiquement tous les sujets qui ont présenté une maladie symptomatique développent des anticorps IgG détectables par les tests les plus performants, pour autant que le prélèvement sanguin soit réalisé au minimum trois semaines après les premiers symptômes. Certains de ces anticorps, dit neutralisants, jouent un rôle important dans la défense contre le virus, comme le démontre leur capacité à empêcher l'infection de cellules cibles in vitro. Il s'agit notamment des anticorps dirigés contre la protéine Spike de l'enveloppe virale, la clé qui permet au virus d'envahir les cellules humaines. Ce sont ces anticorps qui seront capables de protéger les individus immunisés d'une nouvelle infection par le même virus, comme le suggère les expériences qui viennent d'être rapportées chez le singe. La durée de la protection qu'ils assurent reste à définir mais elle devrait être au minimum de plusieurs mois", nous dit Michel Goldman.L'efficacité des anticorps dans la défense antivirale est à l'origine de différentes formes d'immunothérapie en cours d'expérimentation, depuis l'injection de plasma riche en anticorps spécifiques -prélevé chez des sujets convalescents du Covid-19 - jusqu'à l'utilisation d'anticorps de lamas immunisés ou d'anticorps monoclonaux produits par ingénierie génétique. Et c'est aussi des anticorps neutralisant le virus que l'on cherchera à induire par les vaccins.Ceci dit, Michel Goldman souligne que tous les anticorps ne sont pas protecteurs, " certains peuvent même exercer des effets inverses, comme cela a été observé au cours de la dengue, une autre maladie virale. Il faut donc garder une certaine prudence dans l'interprétation des tests sérologiques : un test positif représente une protection très probable mais il ne peut être considéré comme une garantie absolue d'échapper à une nouvelle infection. A l'inverse, un test négatif n'exclut pas une protection par des anticorps qui seraient produits localement. Des recherches en cours devraient préciser le rôle d'anticorps de type IgA sécrétés dans la muqueuse naso-pharyngée ". Le Pr Goldman rappelle que les réactions induites par des lymphocytes T contribuent également aux défenses anti-virales.Mais quel est l'intérêt aujourd'hui de ces tests sérologiques dans l'attente d'un traitement ou d'un vaccin ? " Ces tests permettent de rattraper a "posteriori " des diagnostics qui n'ont pu être établi par le PCR, soit parce que le test n'a pas été réalisé par disponibilité insuffisante, soit parce que le prélèvement n'a pas été correctement effectué, soit parce que la sensibilité du test PCR était insuffisante. "Et de souligner que certaines manifestations de la maladie peuvent survenir de manière retardée par rapport à l'infection. "Il en est ainsi de ces rares syndromes d'inflammation multi-systémique qui miment le syndrome de Kawasaki. Seule la sérologie permet parfois de faire le lien avec une infection Covid-19 préalable. Aussi, il est essentiel de documenter l'infection par le Covid-19 compte tenu des complications possibles à long terme comme la fibrose pulmonaire, des cardiomyopathies ou des insuffisances rénales ".Les tests sérologiques sont aussi importants pour guider le déconfinement. Ils permettent de repérer les endroits et les circonstances qui ont favorisé la transmission du virus. "Outre les maisons de repos, certaines collectivités locales, les grands rassemblements dans des locaux intérieurs mal ventilés, on a ainsi appris que des environnements particuliers comme celui des abattoirs doivent faire l'objet d'attentions particulières. Au moment où la pandémie régresse, il est essentiel de repérer ces " clusters " où le virus se cache, souvent chez des sujets asymptomatiques. C'est aujourd'hui possible grâce aux informations fournies conjointement par les tests sérologiques et les tests PCR. " Et de citer les plus récents avis produits par la Haute autorité de santé française (HAS) et les Centres de contrôle des maladies américains (CDC) qui, tous deux, confie une large part de la gestion de la suite de la pandémie aux indications qui pourront être données par les tests sanguins.Si les tests sérologiques sont aujourd'hui enfin présents en nombre dans les laboratoires grâce aux efforts du gouvernement, Michel Goldman déplore l'absence de coordination dans leur utilisation à des fins de recherche. " Chaque laboratoire conduit ses propres études avec des tests différents. Sept tests sont aujourd'hui approuvés et d'autres devraient suivre prochainement. Ils mettent en évidence des anticorps de spécificité différentes et reposent sur des techniques différentes. La compilation des résultats des recherches sera donc hasardeuse."Finalement, Michel Goldman souligne les interrogations qui subsistent quant aux tests rapides. "Seront-ils utilisés par les laboratoires agréés pour lesquels les tests Elisa sont beaucoup plus commodes à incorporer dans des chaînes automatisées? Réalisés sur une goutte de sang que l'on fait aisément sourdre au bout du doigt avant de l'aspirer dans une mini-cassette disposable, leur avenir dépend de l'autorisation de les vendre en pharmacie à l'instar des tests rapides VIH, ce qui est déjà le cas en France mais pas (encore ?) en Belgique." La saga des tests sérologiques risque de se poursuivre encore...Frédéric Soumois