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Le grand public et le monde médical lui-même ont des difficultés à comprendre que sur base d'un cadastre élaboré avec rigueur on ne puisse trancher une telle question. Si ce débat était uniquement celui de quelques "intellectuels" interprétant les chiffres du cadastre en mettant en évidence, tantôt le verre à moitié vide et tantôt à moitié plein, nous pourrions considérer ce problème comme quelque peu léger. Mais malheureusement c'est sur base de l'interprétation de ce cadastre que sont prises des décisions fondamentales qui influencent la planification médicale et l'avenir de nombreux étudiants en médecine.Pour comprendre en quoi ce débat est profondément faussé, il faut d'abord comprendre comment l'interprétation du cadastre influence le nombre de numéros INAMI distribués chaque année. Depuis 2015 le cadastre combine les données du Ministère de la Santé et d'autres banques de données dont plus particulièrement celles de l'INAMI. Grâce à ce cadastre "dynamique", la commission de planification a pu mettre le doigt sur les spécialités médicales à risque de pénurie et celles éventuellement en pléthore. Nous savons aujourd'hui que la pénurie ou la pléthore sont très variables d'une spécialité à l'autre et plus encore d'une région à l'autre.Toutefois, ce que l'on dit trop peu souvent c'est que la planification se base sur un principe qui est le "maintien de la force de travail" sans se demander quel système de santé nous souhaitons mettre en place en Belgique et sans se poser la question de savoir si par rapport aux besoins réels nous sommes au départ en pléthore ou en pénurie. Il faut ensuite rappeler que les médecins diplômés dans un autre pays européen ne sont pas soumis au numérus clausus, rendant la planification imposée aux jeunes médecins belges pour le moins inadéquate. Ajoutons enfin que les problèmes de planification sont différents au Nord et au Sud du pays. Le cadastre dynamique montre clairement une différence significative des pyramides d'âges des médecins en Flandre et en Communauté française. C'est cette différence qui a amené la commission de planification bi-communautaire à proposer une nouvelle répartition de 43.5% pour les francophones et de 56.5% pour les néerlandophones. Mais le monde politique a balayé d'une main cette réalité de terrain en imposant le maintien de la clef de répartition 40-60 !En tant que Doyen d'une faculté de médecine, je tiens à rappeler que pour le monde académique la seule restriction acceptable du nombre d'étudiants en médecine ou en dentisterie est la capacité de formation, limitée entre autre par les places en travaux pratiques et plus encore en stage. Notre devoir est de maintenir la qualité de l'enseignement et de la formation pour que tous les professionnels de santé formés en Belgique soient d'un niveau irréprochable. Pour le reste, les facultés de médecine ancrées dans la société, ont une véritable responsabilité sociale et sont par conséquent prêtes à participer au débat sur l'organisation des soins de santé de demain et sur la planification qualitative qui en découle.