Si certains, comme la Fondation contre le cancer, saluent "un pas important dans la bonne direction", d'autres regrettent amèrement le peu d'ambition des mesures et l'absence de nombre de recommandations des experts pourtant consultés par le monde politique.
Parmi les premiers à réagir, les brasseurs belges, qui ont salué la mise en place de ce plan interfédéral qu'ils trouvent "équilibré" et "un bon point de départ pour l'élaboration d'une politique efficace en matière d'alcool". Très vite, ils regrettent cependant de "ne pas avoir été associés" au processus et rejettent d'ores et déjà l'idée d'un prix minimum imposé pour la bière et d'une hausse des taxes et accises sur ce même breuvage, doutant de l'impact d'une telle mesure sur l'abus d'alcool. Et de rappeler, par la voix de Krishan Maudgal, directeur de cette asbl, "le caractère fédérateur, la valeur sociale et le rôle rassembleur de la bière"...
La Fédération des vins et spiritueux a directement pointé "l'inefficacité du plan alcool", "consacré à de timides mesures d'interdiction et de barrières commerciales", jugeant toutefois plusieurs mesures "très intéressantes", en matière de suivi médical ou de prévention, de promotion de la santé et de lutte contre les accidents mortels de la route. Mais les autres objectifs du plan comportent très peu de mesures concrètes et efficaces visant à éviter certaines formes d'abus d'alcool ou à promouvoir la consommation modérée, dit la fédération.
Réassortir les shops d'autoroute à 7h du matin ?
Comeos, la fédération du commerce, avoue son insatisfaction quant à la mesure autorisant les jeunes de 16 à 18 ans à acheter uniquement de la bière et du vin, toutes les autres boissons alcoolisées ne pouvant plus être vendues qu'aux majeurs. Il aurait été préférable de fixer un âge minimum général. Par exemple 18 ans: "Cela aurait été plus clair pour les consommateurs comme pour les commerçants. Nous constatons que cette mesure est souvent appliquée à l'étranger et qu'elle a fait ses preuves", décrète Comeos. En ce qui concerne l'interdiction de vente d'alcool dans les magasins le long des autoroutes entre 22h et 07h, Comeos estime que c'est irréalisable dans la pratique: "On ne peut pas réassortir les rayons pour 07h du matin, alors qu'on est en heure de pointe dans ces magasins. Ce serait mieux d'avancer ça à 5 ou 6 heures".
Un compromis, insuffisant
De son côté, la Fondation contre le cancer reconnaît "un pas important dans la bonne direction", mais rappelle le facteur de risque "largement sous-estimé" de l'alcool dans l'apparition de cancers. "Le lien entre l'alcool et le cancer n'est pas encore assez connu au sein du grand public", souligne son directeur médical, le Dr Didier Vander Steichel. "Ce texte est un compromis, ce qui est habituel en Belgique" et cela reste insuffisant. "C'est l'alcool en tant que tel et non le type de boissons qui pose problème pour la santé. On pense communément que boire une bière est moins nocif qu'un alcool fort: c'est faux", a encore précisé le directeur médical de la Fondation contre le cancer.
Pour l'alcoologue Martin de Duve, consulté à deux reprises lors de l'élaboration du Plan alcool, la déception est grande, et ce plan "totalement insuffisant". "La plupart des recommandations des experts n'y figurent pas", a-t-il indiqué à l'agence Belga, évoquant les modifications entre le document qui lui avait été soumis en janvier et la version finale dévoilée ce mercredi.
Dans son communiqué, l'ASBL Univers Santé, dont M. de Duve est le directeur, ne cache pas son dépit: "Malgré nos sonnettes d'alarme, seules quelques mesurettes persistent dans cette dernière version du Plan alcool. Trinquons donc au succès des lobbys de l'alcool puisque nos arguments, eux, semblent presque tous tombés " à l'eau "."
Les 75 mesures adoptées sont "totalement insuffisantes" quand on sait que "près de 14 % des Belges présentent une consommation problématique d'alcool, que 7 % en sont dépendants, et que près de 9.300 Belges mourront de leur consommation chaque année", souligne-t-il. "Nous sommes devant un problème d'accès aux soins puisque les consultations chez un alcoologue ne sont pas remboursées".
L'une des plus grandes frustrations aux yeux des experts est l'absence d'indications nutritionnelles, dont les unités d'alcool, sur les emballages et boissons alcoolisées: "C'est le seul produit que nous ingérons dont nous ne pouvons pas connaître la composition. (...) Une bière spéciale de 33cl peut contenir jusqu'à 4 unités d'alcool", rappelle Martin de Duve. Quant à la protection des plus jeunes, le plan alcool devrait être plus restrictif encore avec la publicité et les opérations marketing. "La publicité fait appel aux émotions. Or, le cortex préfrontal qui gère les émotions n'est formé qu'à partir de 25 ans. Sous cet âge, on est donc plus vulnérable à la publicité. Comme lorsqu'on souffre déjà d'addictions." L'expert en alcoologie espère que l'évaluation des mesures, prévue en 2025, permettra d'aller plus loin dans la lutte contre la consommation nocive de l'alcool en Belgique.
Aller encore plus loin pour l'AWSR
Le Plan alcool "aura certainement un impact sur la sécurité routière, en contribuant à arrêter de banaliser la consommation d'alcool au volant", s'est réjouie l'Agence wallonne pour la sécurité routière. "Un accident mortel sur quatre est lié à l'alcool au volant", a rappelé l'AWSR. "On sait que la nuit, les boissons alcoolisées qui y sont vendues - plus cher qu'ailleurs - sont principalement destinées à une consommation immédiate, induisant des comportements à risque au volant." Le taux de conducteurs testés positifs à l'alcool après un accident avec tués et blessés en Wallonie est en moyenne cinq fois plus élevé la nuit qu'en journée (42% contre 8%).
L'AWSR exhorte cependant le Comité interministériel à aller plus loin encore. Elle cite notamment l'introduction des autotests d'alcool dans les établissements horeca et le monde de la nuit, une mesure qui n'a pas été retenue à l'échelon fédéral. Elle souhaite également voir augmenter les contrôles routiers les nuits de week-end: en moyenne, un conducteur sur deux (47%) est positif à l'alcool parmi ceux testés dans ces moments-là. " Cela permettrait de responsabiliser les individus par rapport à leur consommation, tout en leur apprenant à mieux se connaître pour savoir comment évolue le taux d'alcool dans leur corps. Dans nos actions, nous constatons qu'un tiers des personnes testées sous-évalue son taux d'alcool sanguin", explique la porte-parole de l'agence.
Pas de "leviers majeurs"
"Certaines propositions ne vont pas assez loin, alors qu'elles auraient pu être des leviers majeurs en termes de santé publique. Il est notamment à déplorer que l'interdiction de vente d'alcool dans les stations-services le long des voies rapides n'ait lieu qu'entre 22h et 7h du matin. Autres regrets: qu'aucun accord n'ait pu être trouvé sur une interdiction plus large du marketing et de la publicité pour l'alcool ou sur un étiquetage clair lié aux dangers de l'alcool et à la composition du produit ou sur la présence obligatoire des unités d'alcool par contenant", ont déploré les ministres écologistes bruxellois Alain Maron (Santé à la CoCom) et Barbara Trachte (e.a. Promotion Santé à la CoCof).
Selon les deux mandataires écologistes, au niveau régional bruxellois, de nombreuses mesures sont déjà mises en oeuvre, notamment grâce au Plan de Promotion de la Santé, en matière de réduction des risques, en matière d'information et de prévention sur l'abus d'alcool chez les jeunes, via la campagne Tournée minérale, ou via des associations comme le Pélican, Modus Vivendi, Eurotox ou Univers santé.
Parmi les premiers à réagir, les brasseurs belges, qui ont salué la mise en place de ce plan interfédéral qu'ils trouvent "équilibré" et "un bon point de départ pour l'élaboration d'une politique efficace en matière d'alcool". Très vite, ils regrettent cependant de "ne pas avoir été associés" au processus et rejettent d'ores et déjà l'idée d'un prix minimum imposé pour la bière et d'une hausse des taxes et accises sur ce même breuvage, doutant de l'impact d'une telle mesure sur l'abus d'alcool. Et de rappeler, par la voix de Krishan Maudgal, directeur de cette asbl, "le caractère fédérateur, la valeur sociale et le rôle rassembleur de la bière"...La Fédération des vins et spiritueux a directement pointé "l'inefficacité du plan alcool", "consacré à de timides mesures d'interdiction et de barrières commerciales", jugeant toutefois plusieurs mesures "très intéressantes", en matière de suivi médical ou de prévention, de promotion de la santé et de lutte contre les accidents mortels de la route. Mais les autres objectifs du plan comportent très peu de mesures concrètes et efficaces visant à éviter certaines formes d'abus d'alcool ou à promouvoir la consommation modérée, dit la fédération.Comeos, la fédération du commerce, avoue son insatisfaction quant à la mesure autorisant les jeunes de 16 à 18 ans à acheter uniquement de la bière et du vin, toutes les autres boissons alcoolisées ne pouvant plus être vendues qu'aux majeurs. Il aurait été préférable de fixer un âge minimum général. Par exemple 18 ans: "Cela aurait été plus clair pour les consommateurs comme pour les commerçants. Nous constatons que cette mesure est souvent appliquée à l'étranger et qu'elle a fait ses preuves", décrète Comeos. En ce qui concerne l'interdiction de vente d'alcool dans les magasins le long des autoroutes entre 22h et 07h, Comeos estime que c'est irréalisable dans la pratique: "On ne peut pas réassortir les rayons pour 07h du matin, alors qu'on est en heure de pointe dans ces magasins. Ce serait mieux d'avancer ça à 5 ou 6 heures".De son côté, la Fondation contre le cancer reconnaît "un pas important dans la bonne direction", mais rappelle le facteur de risque "largement sous-estimé" de l'alcool dans l'apparition de cancers. "Le lien entre l'alcool et le cancer n'est pas encore assez connu au sein du grand public", souligne son directeur médical, le Dr Didier Vander Steichel. "Ce texte est un compromis, ce qui est habituel en Belgique" et cela reste insuffisant. "C'est l'alcool en tant que tel et non le type de boissons qui pose problème pour la santé. On pense communément que boire une bière est moins nocif qu'un alcool fort: c'est faux", a encore précisé le directeur médical de la Fondation contre le cancer.Pour l'alcoologue Martin de Duve, consulté à deux reprises lors de l'élaboration du Plan alcool, la déception est grande, et ce plan "totalement insuffisant". "La plupart des recommandations des experts n'y figurent pas", a-t-il indiqué à l'agence Belga, évoquant les modifications entre le document qui lui avait été soumis en janvier et la version finale dévoilée ce mercredi.Dans son communiqué, l'ASBL Univers Santé, dont M. de Duve est le directeur, ne cache pas son dépit: "Malgré nos sonnettes d'alarme, seules quelques mesurettes persistent dans cette dernière version du Plan alcool. Trinquons donc au succès des lobbys de l'alcool puisque nos arguments, eux, semblent presque tous tombés " à l'eau "."Les 75 mesures adoptées sont "totalement insuffisantes" quand on sait que "près de 14 % des Belges présentent une consommation problématique d'alcool, que 7 % en sont dépendants, et que près de 9.300 Belges mourront de leur consommation chaque année", souligne-t-il. "Nous sommes devant un problème d'accès aux soins puisque les consultations chez un alcoologue ne sont pas remboursées". L'une des plus grandes frustrations aux yeux des experts est l'absence d'indications nutritionnelles, dont les unités d'alcool, sur les emballages et boissons alcoolisées: "C'est le seul produit que nous ingérons dont nous ne pouvons pas connaître la composition. (...) Une bière spéciale de 33cl peut contenir jusqu'à 4 unités d'alcool", rappelle Martin de Duve. Quant à la protection des plus jeunes, le plan alcool devrait être plus restrictif encore avec la publicité et les opérations marketing. "La publicité fait appel aux émotions. Or, le cortex préfrontal qui gère les émotions n'est formé qu'à partir de 25 ans. Sous cet âge, on est donc plus vulnérable à la publicité. Comme lorsqu'on souffre déjà d'addictions." L'expert en alcoologie espère que l'évaluation des mesures, prévue en 2025, permettra d'aller plus loin dans la lutte contre la consommation nocive de l'alcool en Belgique.Le Plan alcool "aura certainement un impact sur la sécurité routière, en contribuant à arrêter de banaliser la consommation d'alcool au volant", s'est réjouie l'Agence wallonne pour la sécurité routière. "Un accident mortel sur quatre est lié à l'alcool au volant", a rappelé l'AWSR. "On sait que la nuit, les boissons alcoolisées qui y sont vendues - plus cher qu'ailleurs - sont principalement destinées à une consommation immédiate, induisant des comportements à risque au volant." Le taux de conducteurs testés positifs à l'alcool après un accident avec tués et blessés en Wallonie est en moyenne cinq fois plus élevé la nuit qu'en journée (42% contre 8%).L'AWSR exhorte cependant le Comité interministériel à aller plus loin encore. Elle cite notamment l'introduction des autotests d'alcool dans les établissements horeca et le monde de la nuit, une mesure qui n'a pas été retenue à l'échelon fédéral. Elle souhaite également voir augmenter les contrôles routiers les nuits de week-end: en moyenne, un conducteur sur deux (47%) est positif à l'alcool parmi ceux testés dans ces moments-là. " Cela permettrait de responsabiliser les individus par rapport à leur consommation, tout en leur apprenant à mieux se connaître pour savoir comment évolue le taux d'alcool dans leur corps. Dans nos actions, nous constatons qu'un tiers des personnes testées sous-évalue son taux d'alcool sanguin", explique la porte-parole de l'agence."Certaines propositions ne vont pas assez loin, alors qu'elles auraient pu être des leviers majeurs en termes de santé publique. Il est notamment à déplorer que l'interdiction de vente d'alcool dans les stations-services le long des voies rapides n'ait lieu qu'entre 22h et 7h du matin. Autres regrets: qu'aucun accord n'ait pu être trouvé sur une interdiction plus large du marketing et de la publicité pour l'alcool ou sur un étiquetage clair lié aux dangers de l'alcool et à la composition du produit ou sur la présence obligatoire des unités d'alcool par contenant", ont déploré les ministres écologistes bruxellois Alain Maron (Santé à la CoCom) et Barbara Trachte (e.a. Promotion Santé à la CoCof).Selon les deux mandataires écologistes, au niveau régional bruxellois, de nombreuses mesures sont déjà mises en oeuvre, notamment grâce au Plan de Promotion de la Santé, en matière de réduction des risques, en matière d'information et de prévention sur l'abus d'alcool chez les jeunes, via la campagne Tournée minérale, ou via des associations comme le Pélican, Modus Vivendi, Eurotox ou Univers santé.