"Souvent, la première ligne de santé nous prend pour des malades imaginaires parce que la maladie dont nous souffrons ne fait pas partie des catégories. Pour un urgentiste ou un généraliste, c'est sans doute la seule fois qu'il verra notre maladie, ce qui peut expliquer leur perplexité. Mais c'est une raison supplémentaire pour mettre en oeuvre l'expertise de nos médecins, qui doit agir en réseau. " Jonathan Ventura, porte-parole de RaDiOrg (pour " rare disease organisation "), ne mâche pas ses mots pour souligner l'importance de la journée internationale sur les maladies rares, traditionnellement organisée le dernier jour de février, soit samedi passé en cette année bissextile. Parce que l'incompréhension face à ces symptômes, pas toujours très spécifiques, provoque un terrible délai : il faut en moyenne plus de quatre ans entre la première prise en charge et le diagnostic correct pour le demi-million de personnes qui vivent en Belgique avec une maladie rare.

Trois quarts de ces 6.100 différentes maladies sont d'origine génétique, 75% touchent donc les enfants, dont un sur trois décède en bas âge, notamment faute de traitement. Car trop peu de ces maladies dispose d'un traitement adéquat. Et quand il existe, " il n'est généralement ni abordable ni accessible ", s'emporte Jonathan Ventura, qui rappelle les récents épisodes de la petite Pia, mais aussi la loterie lancée par Novartis pour offrir un traitement, procédure qui n'a pas manqué de semer la confusion. En fait, il s'agit plutôt d'un concours, mais cela ne diminue en rien le malaise face à ce que la ministre De Block a pu qualifier de procédé qui " tire un trait sur la dignité humaine et les valeurs morales ". Pire : certains médicaments pourtant efficaces ne sont pas remboursés, faute d'études cliniques suffisamment robustes. Pourquoi ? Parce que ce sont précisément des maladies... rares.

Des centres d'expertise en rade

Et le politique semble décidément patiner en la matière. Il a d'abord fallu des années pour qu'un " plan maladies rares " soit élaboré. En 2013, celui-ci prévoit notamment la création de centres d'expertise sur tout le territoire, vers lequel le patient serait envoyé pour le diagnostic et le traitement éventuel de sa maladie. Car de nombreux hôpitaux belges ont développé une grande expertise en la matière : dans une récente analyse européenne, la Belgique était représentée par une équipe de pointe dans 26 clusters sur 27. Un résultat de haut niveau. Mais, faute d'arrêtés royaux, ces centres restent qualifiés " d'excellence ", ce qui, notamment, n'associe pas les organisations de patients représentatives à la prise en charge. " C'est à tel point que parfois la collaboration avec des réseaux hospitaliers fonctionne mieux au niveau européen que belge ", indique Ventura. La revendication essentielle des " patients rares " est que ces centres d'expertise voient enfin le jour. Objectif : diminuer la durée et les difficultés du parcours du combattant du patient, " obligé de raconter 5.000 fois son histoire face à des médecins qui ignorent sa pathologie ". Les centres d'expertises seraient aussi la condition nécessaire à la création de registres efficaces, d'autant plus nécessaires que le nombre absolu de patients est très réduit. Sans financement, les hôpitaux ne sont pas obligés de référencer leur patient et le résultat positif d'une mise en réseau des constats de professionnels est donc perdu.

Elargir le dépistage néo-natal

Les centres d'expertise pourraient aussi être la clé d'un dépistage néonatal plus efficace. " Un élargissement de ce dépistage à un plus grand nombre d'affections est non seulement tout à fait possible, mais urgemment nécessaire : les avantages directs et indirects sont si incontestablement importants que de telles lenteurs de mise en oeuvre en deviennent presque immorales ", argumente Ventura. Aujourd'hui, 14 maladies sont détectées en francophonie, pour 12 seulement en Flandre.

Les centres d'expertise pourraient également être la clé d'un meilleur traitement, en évitant de multiplier les consultations, voire des examens coûteux parce que chaque hôpital veut " sa version " d'une IRM ou d'un ECG. " En fait, tout le monde réclame ces centres d'expertise. A tel point que Gand a créé le sien pour l'épidermolyse bulleuse et St-Luc pour la maladie de Marfan. Mais ils restent informels, non reconnus et pas davantage financés pour les missions qu'ils assument. Des initiatives personnelles qui peuvent s'évanouir si leur promoteur arrête ses activités ". En demande, une sorte de " trajet de soins " adapté où non seulement le traitement médicamenteux soit pris en compte, mais aussi la kiné, la rééducation, et l'aspect psycho-social. On ne s'étonnera pas que la dépression frappe davantage dans les rangs de ces patients peu ou prou abandonnés au bord de la route.

Dernier souci : dans ce domaine particulièrement, l'information de qualité émerge difficilement au milieu du melting-pot de sites plus ou moins sérieux et plus ou moins indépendants. Or les symptômes des maladies rares sont souvent partagés, totalement ou partiellement, avec des maladies communes. Disposer d'un bon outil de navigation est donc essentiel. Il existe : c'est Orphanet, alimenté après visa par des experts de qualité. Financé par l'Inserm, mais pas de façon pérenne et pas assez que pour se développer suffisamment.

"Souvent, la première ligne de santé nous prend pour des malades imaginaires parce que la maladie dont nous souffrons ne fait pas partie des catégories. Pour un urgentiste ou un généraliste, c'est sans doute la seule fois qu'il verra notre maladie, ce qui peut expliquer leur perplexité. Mais c'est une raison supplémentaire pour mettre en oeuvre l'expertise de nos médecins, qui doit agir en réseau. " Jonathan Ventura, porte-parole de RaDiOrg (pour " rare disease organisation "), ne mâche pas ses mots pour souligner l'importance de la journée internationale sur les maladies rares, traditionnellement organisée le dernier jour de février, soit samedi passé en cette année bissextile. Parce que l'incompréhension face à ces symptômes, pas toujours très spécifiques, provoque un terrible délai : il faut en moyenne plus de quatre ans entre la première prise en charge et le diagnostic correct pour le demi-million de personnes qui vivent en Belgique avec une maladie rare.Trois quarts de ces 6.100 différentes maladies sont d'origine génétique, 75% touchent donc les enfants, dont un sur trois décède en bas âge, notamment faute de traitement. Car trop peu de ces maladies dispose d'un traitement adéquat. Et quand il existe, " il n'est généralement ni abordable ni accessible ", s'emporte Jonathan Ventura, qui rappelle les récents épisodes de la petite Pia, mais aussi la loterie lancée par Novartis pour offrir un traitement, procédure qui n'a pas manqué de semer la confusion. En fait, il s'agit plutôt d'un concours, mais cela ne diminue en rien le malaise face à ce que la ministre De Block a pu qualifier de procédé qui " tire un trait sur la dignité humaine et les valeurs morales ". Pire : certains médicaments pourtant efficaces ne sont pas remboursés, faute d'études cliniques suffisamment robustes. Pourquoi ? Parce que ce sont précisément des maladies... rares.Et le politique semble décidément patiner en la matière. Il a d'abord fallu des années pour qu'un " plan maladies rares " soit élaboré. En 2013, celui-ci prévoit notamment la création de centres d'expertise sur tout le territoire, vers lequel le patient serait envoyé pour le diagnostic et le traitement éventuel de sa maladie. Car de nombreux hôpitaux belges ont développé une grande expertise en la matière : dans une récente analyse européenne, la Belgique était représentée par une équipe de pointe dans 26 clusters sur 27. Un résultat de haut niveau. Mais, faute d'arrêtés royaux, ces centres restent qualifiés " d'excellence ", ce qui, notamment, n'associe pas les organisations de patients représentatives à la prise en charge. " C'est à tel point que parfois la collaboration avec des réseaux hospitaliers fonctionne mieux au niveau européen que belge ", indique Ventura. La revendication essentielle des " patients rares " est que ces centres d'expertise voient enfin le jour. Objectif : diminuer la durée et les difficultés du parcours du combattant du patient, " obligé de raconter 5.000 fois son histoire face à des médecins qui ignorent sa pathologie ". Les centres d'expertises seraient aussi la condition nécessaire à la création de registres efficaces, d'autant plus nécessaires que le nombre absolu de patients est très réduit. Sans financement, les hôpitaux ne sont pas obligés de référencer leur patient et le résultat positif d'une mise en réseau des constats de professionnels est donc perdu.Les centres d'expertise pourraient aussi être la clé d'un dépistage néonatal plus efficace. " Un élargissement de ce dépistage à un plus grand nombre d'affections est non seulement tout à fait possible, mais urgemment nécessaire : les avantages directs et indirects sont si incontestablement importants que de telles lenteurs de mise en oeuvre en deviennent presque immorales ", argumente Ventura. Aujourd'hui, 14 maladies sont détectées en francophonie, pour 12 seulement en Flandre.Les centres d'expertise pourraient également être la clé d'un meilleur traitement, en évitant de multiplier les consultations, voire des examens coûteux parce que chaque hôpital veut " sa version " d'une IRM ou d'un ECG. " En fait, tout le monde réclame ces centres d'expertise. A tel point que Gand a créé le sien pour l'épidermolyse bulleuse et St-Luc pour la maladie de Marfan. Mais ils restent informels, non reconnus et pas davantage financés pour les missions qu'ils assument. Des initiatives personnelles qui peuvent s'évanouir si leur promoteur arrête ses activités ". En demande, une sorte de " trajet de soins " adapté où non seulement le traitement médicamenteux soit pris en compte, mais aussi la kiné, la rééducation, et l'aspect psycho-social. On ne s'étonnera pas que la dépression frappe davantage dans les rangs de ces patients peu ou prou abandonnés au bord de la route.Dernier souci : dans ce domaine particulièrement, l'information de qualité émerge difficilement au milieu du melting-pot de sites plus ou moins sérieux et plus ou moins indépendants. Or les symptômes des maladies rares sont souvent partagés, totalement ou partiellement, avec des maladies communes. Disposer d'un bon outil de navigation est donc essentiel. Il existe : c'est Orphanet, alimenté après visa par des experts de qualité. Financé par l'Inserm, mais pas de façon pérenne et pas assez que pour se développer suffisamment.