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" À la première lecture des résultats, l'adage qui dit " tu es alcoolodépendant, tu bois plus que ton médecin " semble inexact. Globalement, selon l'enquête du jdM, la population médicale ne boit pas énormément. La grande majorité des confrères ne consomment pas de l'alcool de façon excessive. Il aurait été intéressant de connaître la moyenne de verres bus par semaine. Cela compléterait vos résultats et donnerait une meilleure évaluation de la consommation."Le Dr Orban rappelle que le Conseil supérieur de la santé recommande de ne pas dépasser dix unités d'alcool par semaine. L'OMS conseille de ne pas boire plus de 21 verres par semaine pour l'usage régulier chez l'homme (trois verres/jour en moyenne), pas plus de 14 verres par semaine pour l'usage régulier chez la femme (deux verres/jour en moyenne) et jamais plus de quatre verres par occasion pour l'usage ponctuel. "Un conseil important est également de ne jamais boire seul", ajoute le généraliste. " J'ai été interpellé par le fait que 15% du corps médical éprouve des difficultés à arrêter de boire lorsqu'il a commencé et que cette attitude concerne davantage les jeunes médecins de moins de quarante ans. On n'est pas loin d'un médecin sur cinq de moins de quarante ans qui régulièrement, voire chaque semaine, a des difficultés pour arrêter de boire", remarque le Dr Orban. " Dans la population générale, on constate que les jeunes ont une consommation importante de type festive et sociale entre copains, durant le week-end, mais ils ne consomment pas durant la semaine. Les plus âgés ont une consommation " à la française ". Ils boivent plus régulièrement, plusieurs jours par semaine, mais moins d'unités par occasion. Rappelons que la consommation intensive sur un petit nombre de jours est plus mauvaise pour la santé. On abîme davantage son cerveau en consommant, par exemple, 15 unités deux fois par semaine. Tout dépend évidemment de la consommation totale."L'alcoologue constate que comme dans la population générale, une partie des médecins qui boivent beaucoup se sentent irrités par les remarques sur leur consommation excessive et se blessent ou blessent d'autres personnes. " 41% des répondants envisageaient de réduire leur consommation d'alcool. Ce résultat élevé montre le biais des enquêtes déclaratives. Elles ont tendances à mésestimer la consommation globale. On sait bien que très souvent les femmes surévaluent leur consommation, tandis que les hommes la sous-évaluent." Par rapport à la participation élevée des médecins et des pharmaciens à notre enquête - 4.361 répondants - le Dr Orban souligne que ce type d'enquête déclarative permet aux répondants de faire le point sur leurs comportements. "Dans le secret de sa relation avec l'ordinateur, le médecin peut se demander où il se situe, par exemple, par rapport à la consommation d'alcool. Cela peut servir d'auto-évaluation - avec le risque de sous-estimation - qui permet de s'arrêter et se questionner. Je vis cela très souvent en consultation d'alcoologie. Le fait de demander aux patients de remplir un calendrier de leur consommation, en unités d'alcool, leur permet de clarifier leur situation."Le Dr Orban constate que la consommation d'alcool de la population générale a augmenté durant la pandémie. ""Le Soir" du 7 mai a révélé qu'une partie de la population a perdu le contrôle de sa consommation. J'y ai témoigné que mon planning de consultation en alcoologie est complet pour cinq semaines au lieu de trois avant la crise sanitaire. On constate que durant la pandémie les personnes qui étaient très festives avant ont diminué leur consommation parce qu'il y a eu moins de possibilités : fêtes, bars, restaurants. Ceux qui sont plus fragiles et qui consommaient déjà régulièrement de l'alcool seul à la maison ont augmenté assez fortement leur consommation. Chez les soignants, il est probable que le stress de la situation liée au Covid a généré une hausse de la consommation. La solitude joue aussi un rôle."