...

"C'est un momentum", assure Christian Horemans, expert en affaires internationales auprès des Mutualités libres. "Car on discute aujourd'hui de protection sociale, du développement d'une assurance maladie, de couverture santé universelle."Certains pays sont plus avancés que d'autres en la matière : le Mali et le Sénégal par exemple. Mais d'autres pays sont encore en pleine réflexion, à l'instar du Togo. Les évolutions récentes dans le domaine de la protection sociale permettent aujourd'hui de réunir les décideurs politiques, d'avoir un engagement politique fort. L'élément le plus important de cette conférence : la signature de la plate-forme de Lomé, un document renfermant les revendications des mouvements mutuellistes africains.Ce n'est pas une première. Une plateforme du même style a été réalisée à Abidjan il y a plus de 20 ans (1998). "Cette plateforme comporte beaucoup d'idées, mais il y a eu des évolutions importantes dans plusieurs pays depuis lors", détaille l'expert. "Vingt ans après, il est temps d'actualiser la plate-forme d'Abidjan pour former les nouvelles revendications. C'est un moment politique important. D'autant que ce document, la plate-forme de Lomé, n'a pas été écrit par le Nord - l'Europe - sans l'Afrique. Il a été réalisé de concert avec les mutualités africaines."Trois mutualités belges participaient à la conférence : Solidaris, les Mutualités chrétiennes et les Mutualités libres. Tout a démarré grâce au programme Masmut qui, entre 2014 et 2016, a rassemblé ces trois mutualités ainsi que trois ONG partenaires afin de coopérer pour développer le mouvement mutuelliste en Afrique. "C'est quelque chose d'unique puisque chacun faisait jusqu'alors cavalier seul", concède Christian Horemans. "Ce fut une belle réussite qui a permis de dégager des initiatives communes entre 2014 et 2016. Ce programme a permis de développer le mouvement mutuelliste dans six pays africains (Togo, Mali, Sénégal, Burkina Faso, Congo et Burundi, ndlr) ."Ce qui a été mis en place dans ces pays ? Une plate-forme nationale, une entité qui défend l'intérêt du monde mutualiste dans ces pays et qui est devenu entre temps le porte-parole des mutuelles vers les autorités pour pousser le dossier de la couverture universelle, qui ne dépasse pas les 10% de la population. "Ce sont souvent les fonctionnaires ou les militaires qui bénéficient d'une couverture", détaille l'expert. "La majeure partie de la population ouest et centre africaine appartient au secteur informel et vit quasiment dans des conditions de survie et n'a de ce fait pas de couverture. Les patients doivent donc payer leurs soins eux-mêmes."Une réussite qui a incité les trois grandes mutuelles à continuer leur effort pour développer le mouvement mutuelliste en Afrique de l'ouest.Le Togo compte à ce jour une trentaine de mutuelles et environ 40.000 assurés. Ces mutuelles sont communautaires, avec un ancrage local, et l'adhésion obligatoire n'existe pas. "C'est l'un des challenges des mutualités sur place" assure Christian Horemans. "Il faut créer un réseau de soins de qualité, créer une confiance, penser aux catégories les plus vulnérables. L'accès aux soins n'est pas évident, même dans les hôpitaux de référence du pays. Les centres médicaux sont dépourvus de médecins, il s'agit souvent d'une infirmière en charge. La prévention n'est pas dans le programme de l'État. Les maladies chroniques ne sont pas prises en charge. Selon l'OMS, il y aura une croissance du diabète de 110% en Afrique d'ici à 2035, tandis qu'en Europe, elle sera de 22%."Pour pallier cette situation qui ne concerne pas que le Togo (voir l'exemple du Bénin dans l'encadré), la plate-forme de Lomé revendique une série d'avancées structurées autour de trois piliers : l'engagement politique, l'adhésion obligatoire et la délégation de gestion du remboursement confiée aux mutuelles."Il y a une attente, au Togo, d'un cadre dans lequel évolueront les mutuelles", détaille Christian Horemans. "De nombreuses questions sont sur la table, notamment au niveau du remboursement. Les mutuelles auront besoin d'une reconnaissance, d'un soutien, également financier, pour se développer sur le territoire togolais. Pour y arriver, une phase de professionnalisation sera obligatoire."Concernant l'adhésion obligatoire, seul le Rwanda l'applique. Il s'agit du pays qui compte le plus grand nombre d'assurés en Afrique centrale et de l'ouest (+-75% de la population est couverte). Ce qui n'est pas sans rapport. Dans les autres pays, l'adhésion obligatoire n'existe pas.À l'issue des travaux, les participants constitués de représentants d'organisations de la société civile, d'organisations internationales et de décideurs politiques ont adopté à l'unanimité la plate-forme de Lomé. Une brique de plus dans l'évolution de la protection sociale en Afrique.