Le point de vue du malade

Pour un malade, les trois fronts de la liberté deviennent:

1° ses maux physiques, 2° la qualité des contacts humains, 3° ses conditions financières d'accès aux soins. À première vue, l'efficacité des professionnels prime. Mais qu'il s'agisse de trouver un médecin, d'appeler une ambulance ou d'atteindre un service hospitalier, le front des forces sociales entre en jeu d'emblée sur toute la verticalité du système car les décisions dictées d'en haut peuvent encourager ou entraver le bon fonctionnement des soins. Cette courte mise en perspective du seul point de vue du malade, que nous pourrions croire strictement personnel, nous a déjà fait parcourir tous les niveaux du système, des praticiens aux ministres en passant par les innombrables intermédiaires comme les mutuelles. Avec à chaque niveau, des incertitudes en embuscade.

Comment décider dans l'incertitude en donnant des lignes de conduite claires... mais sans faux espoirs?

Deux types d'incertitudes

La pandémie Covid-19 a remis en lumière deux types d'incertitudes: les premières surgies du monde physique, abordées par les savoirs fondés sur les sciences dures, soumises au jugement du tribunal de la nature (Claude Bernard) et les secondes, venant des humains eux-mêmes, relevant de pouvoirs soumis à l'acceptation libre ou forcée des autres, domaine d'étude des sciences humaines.

Le système des soins de santé, comme tous les systèmes sociaux, s'échafaude avec des bâtons de savoirs et de pouvoirs composés de morceaux de certitudes imparfaites et agencés par les individus selon la nature des relations entre eux.

Pourquoi les incertitudes surprennent tant aujourd'hui? Une explication me paraît être un certain endormissement de notre vigilance en raison des succès indéniables de la science et du droit ayant apporté confort et paix à une petite partie de l'humanité pendant quelques décennies. Ceux qui ont goûté ce bonheur ne pouvaient prévoir ni les forces physiques, virus, perturbations climatiques ou autres agressions naturelles ni les mouvements de masses comme l'immigration ou les éruptions de comportements extrêmes dans la société. Inaudibles de tout temps, les Cassandre n'aident guère à se préparer au pire. Mais il y a une autre explication: la complexification artificielle des relations de savoirs et de pouvoirs induit beaucoup de méfiance à l'égard des autorités officiellement reconnues. En fait, la pandémie l'a cruellement révélé, même les plus instruits et les plus puissants ne savent pas tout. Nous l'avons déjà dit et répété, en situation d'incertitude généralisée, les décisions ultimes reviennent aux politiques.

Une question omniprésente: comment décider dans l'incertitude en donnant des lignes de conduite claires... mais sans faux espoirs? trois écueils à éviter: tout décider d'en haut, tout décider d'en bas, tout attendre de décideurs intermédiaires.

Tout décider d'en haut se révèle catastrophique en cas de mauvaise décision, car toute la population en subit les conséquences. Tout laisser aux praticiens de terrain permet de trouver de bonnes solutions ici, de mauvaises là, mais chacun travaillant dans son coin, que de pertes d'informations utiles à tous et que de manque de coordination. S'abandonner aux recommandations de décideurs intermédiaires encommissionnés est une solution bien belge inspirée par une culture d'attentisme et de compromis.

Cette mise en perspective des décideurs de terrain, des grands dirigeants et de multiples influenceurs intermédiaires montre combien les rôles des uns et des autres apparaissent de moins en moins compréhensibles.

Ceux qui pensent que finalement, cela ne marche pas si mal, ont à la fois raison et tort. Si l'économie reprend, la culture des commissions a encore de beaux jours devant elle. Mais pour combien de temps l'édifice va-t-il tenir sans un socle solide fondé sur un pacte d'avenir des praticiens du réel physique des choses?

Suite dans l'épisode 4/13 Les associations concernées veulent-elles vraiment un pacte d'avenir des praticiens?

Reprise de quelques idées.

1° Médecins, soignants et autres praticiens se partagent entre les actions pratiques au service des malades et des tâches connexes multiple et variées. 2° Les actions pratiques relèvent de SAVOIRS, les tâches connexes de POUVOIRS, nuance difficile à cerner! 3° Les tâches connexes, surtout administratives, explosent au détriment de l'attention aux malades. D'où la perte de sens ressentie par tant de médecins et de soignants. L'incompréhension entre ceux du terrain et ceux des étages s'aggrave. La faute à qui? Chacun voit les choses de son point de vue déterminé par ses propres contraintes physiques, sociales et financières. 4° Les SAVOIRS exigent une spécialisation poussée. Mais au moment de les appliquer, la manière de répondre aux questions des malades et de leurs proches fait intervenir, en sus des compétences pointues, des aptitudes relationnelles, éminemment humaines. D'où la notion de FONCTIONS GÉNÉRALISTES, cruciales dans une société de spécialistes et de profanes. 5° Une spécialisation paradoxale des fonctions généralistes est en train de briser le continuum entre les activités des sciences dures et le champ des relations humaines, cultivé par tous. Au point que les médecins ne devraient plus s'occuper ni d'éthique ni de psychologie ni de justice ni de communication, mais suivre les directives d'experts sans plus oser se fier à leur expérience des malades, à leurs propres capacités de dialogue, à leur jugement, qualités généralistes essentielles, même dans l'exercice de spécialités pointues. (le jdM n° 2700). 6° Tout cela se passe à différents niveau, du plus individuel au plus collectif.

Pour un malade, les trois fronts de la liberté deviennent: 1° ses maux physiques, 2° la qualité des contacts humains, 3° ses conditions financières d'accès aux soins. À première vue, l'efficacité des professionnels prime. Mais qu'il s'agisse de trouver un médecin, d'appeler une ambulance ou d'atteindre un service hospitalier, le front des forces sociales entre en jeu d'emblée sur toute la verticalité du système car les décisions dictées d'en haut peuvent encourager ou entraver le bon fonctionnement des soins. Cette courte mise en perspective du seul point de vue du malade, que nous pourrions croire strictement personnel, nous a déjà fait parcourir tous les niveaux du système, des praticiens aux ministres en passant par les innombrables intermédiaires comme les mutuelles. Avec à chaque niveau, des incertitudes en embuscade. Deux types d'incertitudesLa pandémie Covid-19 a remis en lumière deux types d'incertitudes: les premières surgies du monde physique, abordées par les savoirs fondés sur les sciences dures, soumises au jugement du tribunal de la nature (Claude Bernard) et les secondes, venant des humains eux-mêmes, relevant de pouvoirs soumis à l'acceptation libre ou forcée des autres, domaine d'étude des sciences humaines.Le système des soins de santé, comme tous les systèmes sociaux, s'échafaude avec des bâtons de savoirs et de pouvoirs composés de morceaux de certitudes imparfaites et agencés par les individus selon la nature des relations entre eux. Pourquoi les incertitudes surprennent tant aujourd'hui? Une explication me paraît être un certain endormissement de notre vigilance en raison des succès indéniables de la science et du droit ayant apporté confort et paix à une petite partie de l'humanité pendant quelques décennies. Ceux qui ont goûté ce bonheur ne pouvaient prévoir ni les forces physiques, virus, perturbations climatiques ou autres agressions naturelles ni les mouvements de masses comme l'immigration ou les éruptions de comportements extrêmes dans la société. Inaudibles de tout temps, les Cassandre n'aident guère à se préparer au pire. Mais il y a une autre explication: la complexification artificielle des relations de savoirs et de pouvoirs induit beaucoup de méfiance à l'égard des autorités officiellement reconnues. En fait, la pandémie l'a cruellement révélé, même les plus instruits et les plus puissants ne savent pas tout. Nous l'avons déjà dit et répété, en situation d'incertitude généralisée, les décisions ultimes reviennent aux politiques. Une question omniprésente: comment décider dans l'incertitude en donnant des lignes de conduite claires... mais sans faux espoirs? trois écueils à éviter: tout décider d'en haut, tout décider d'en bas, tout attendre de décideurs intermédiaires. Tout décider d'en haut se révèle catastrophique en cas de mauvaise décision, car toute la population en subit les conséquences. Tout laisser aux praticiens de terrain permet de trouver de bonnes solutions ici, de mauvaises là, mais chacun travaillant dans son coin, que de pertes d'informations utiles à tous et que de manque de coordination. S'abandonner aux recommandations de décideurs intermédiaires encommissionnés est une solution bien belge inspirée par une culture d'attentisme et de compromis. Cette mise en perspective des décideurs de terrain, des grands dirigeants et de multiples influenceurs intermédiaires montre combien les rôles des uns et des autres apparaissent de moins en moins compréhensibles. Ceux qui pensent que finalement, cela ne marche pas si mal, ont à la fois raison et tort. Si l'économie reprend, la culture des commissions a encore de beaux jours devant elle. Mais pour combien de temps l'édifice va-t-il tenir sans un socle solide fondé sur un pacte d'avenir des praticiens du réel physique des choses?