jdM : Pour un médecin qui fait de longues études, abandonner la clinique pour la politique, c'est sans doute douloureux. S'agissait-il dans votre cas de répondre à une sorte de pulsion pour la politique ? D'où vient votre intérêt pour la politique ?
Dr A.D. : J'ai été secrétaire général de Médecins Sans Frontières (MSF) et j'ai vécu très péniblement la guerre en Bosnie de 1992 à 1995 et le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Et à cette occasion, j'ai été confronté aux limites de l'aide humanitaire. Au Rwanda, le régime voulait tuer tous les Tutsis. Dans un hôpital où MSF travaillait, à Butaré, tous les patients tutsis ont été tués ; on a demandé aux infirmiers hutus de liquider leurs collègues tutsis. Donc, l'aide médicale n'avait plus aucun sens : je me suis rendu compte qu'il fallait intervenir au niveau politique. Même raisonnement en Bosnie : on distribuait de l'aide médicale, alors qu'il fallait arrêter la guerre ! A la même époque, Jean-Luc Dehaene a annoncé des élections anticipées. J'ai donc été trouver Jean Gol (président du Parti réformateur libéral, NdlR). Il a accepté de me faire figurer sur la liste du Sénat. A la 3e place. L'ironie de l'histoire est que je n'ai plus jamais par la suite eu une aussi bonne place... parce qu'on disait que j'étais un électron libre.
"Pour moi, l'Amérique latine incarnait l'oppression des États-Unis."
Mais à MSF, vous avez fait de la médecine tout de même ?
Oui. J'en ai fait d'abord au Honduras, au Guatemala, au Soudan et à Djibouti. Essentiellement dans des camps de réfugiés. Plus tard, j'ai exercé des fonctions plus de de gestion de projet et à la fin, les quatre dernières années, j'ai été secrétaire général de tout le réseau international de MSF. A cette époque, j'étais plutôt dans le lobbying, en contact avec l'ONU, les institutions européennes et des gouvernements.
Votre entrée à MSF, c'est par idéalisme ?
Oui, absolument. En fait, j'ai fait médecine pour partir à l'étranger. A l'époque, on disait " dans le Tiers-Monde ". C'était une vraie vocation. Je n'ai jamais dévié... A l'époque, en médecine, on avait de longues vacances, du 15 juillet à octobre. Donc je suis parti à 20 ans en Inde pour travailler dans un centre d'enfants orphelins. J'ai toujours eu cette vocation humanitaire. Dès que j'ai terminé mes études, je suis parti immédiatement au Honduras. Je pense que personne à l'époque quasiment ne savait où se trouvait ce pays. D'ailleurs, encore aujourd'hui, quand je fais le malin, je demande quelle est sa capitale (Tegucigalpa). Personne ne sait... (rires) Je travaillais dans un camp de réfugiés salvadoriens. Nous étions deux médecins pour 10.000 réfugiés. On faisait des accouchements, de la petite chirurgie, on entourait les prématurés de baxter réchauffés pour éviter les hypothermies...
Médecine de terrain
C'était une médecine de terrain, donc. Loin de la " machinerie " hospitalière qu'on connaît en Europe...
Oui. MSF, à ses débuts, c'était totalement artisanal. C'était encore l'époque des pionniers. Aujourd'hui, c'est devenu une énorme machine institutionnalisée. On partait pour six mois. Le siège de MSF n'intervenait pratiquement pas. On était livrés à nous-mêmes. Avec ma mère et ma copine, on échangeait du courrier postal qui mettait six semaines pour arriver à destination. J'étais à dix heures de route de la capitale. Tous les deux mois, je m'y rendais et je leur passais un coup de téléphone. Comme ça coûtait 20 dollars la minute et que nous étions bénévoles, on téléphonait trois minutes pour dire " Ça va ? Oui tout va bien "! C'est difficile de s'imaginer cette époque, sans moyen de communication.
Dans quels autres pays êtes-vous allé ?
Après le Honduras, je suis allé en Guinée, au Guatemala et au Soudan. Ma " meilleure " expérience a été celle du Soudan, la plus dramatique aussi. On s'occupait de réfugiés éthiopiens qui fuyaient la dictature communiste de Mengitsu Haile Mariam (président d'Ethiopie de 1977 à 1991, NdlR). Dans le camp de réfugiés, on a traité les épidémies de rougeole et de méningite. On travaillait 16 heures par jour. On refusait de se reposer tellement nous étions motivés. On vivait dans des " toukouls ", des espèces de huttes. C'était spartiate. Les douches étaient alimentées par des tonneaux. On se lavait de temps en temps... C'étaient des conditions assez dures. Sur place, ce dont je suis le plus satisfait, c'est d'avoir circonscrit une épidémie de choléra. C'est une maladie terrible : les patients se vident littéralement de leur eau, jusqu'à dix litres par jour. On a réussi à les réhydrater avec des perfusions. On a sauvé beaucoup de gens, donc c'était une expérience très satisfaisante.
"Je suis passé d'un gentil gauchisme au libéralisme."
C'est en tant que médecin MSF, cependant, que vous avez fait votre édification politique ? Que vous vous êtes construit ?
Oui. Je me suis " construit " au Honduras. En fait, je suis arrivé là-bas avec des idées un peu " gentiment gauchistes ", sans être extrémistes. Pour moi, l'Amérique latine incarnait l'oppression des Etats-Unis et les latifundias, les grands propriétaires terriens qui exploitaient les paysans C'est ce qu'on disait à l'époque. En gros, l'info sur le sujet était entièrement de gauche.
C'était une approche marxiste ?
Ronald Reagan (président des Etats-Unis de 1981 à 1989 et virulemment anticommuniste, NdlR), c'était carrément le diable. Or je me trouvais dans un camp contrôlé par une guérilla marxiste qui contrôlait et opprimait les réfugiés. C'est là que j'ai commencé à virer ma cuti. Je me suis aperçu que mes schémas mentaux ne correspondaient pas à ce que je constatais dans les camps. Lors d'un voyage dans le Nicaragua sandiniste (marxiste-léniniste), sur le fronton du ministère de l'Intérieur figurait une banderole intitulée : " La sentinelle de l'allégresse du peuple ". Le bonheur institutionnalisé. Là, j'ai vu la socialisme à l'échelle d'un pays : l'oppression, la négation de la liberté individuelle, le contrôle social, l'éducation politisée, la répression des indiens miskitos. Et une catastrophe sur le plan économique. Je suis progressivement passé d'un gentil gauchisme/écolo au libéralisme et aujourd'hui au conservatisme, mais toujours libéral en économie.
Entrée au PRL
Donc, vous faites votre aggiornamento et vous êtes fin prêt pour rentrer au Parti libéral de Jean Gol, très à droite à l'époque ?
Pas tout à fait car, entre-temps, je suis des cours de Sciences Politique à Paris tout en travaillant au siège de MSF. C'est à Sciences Po que j'acquiers véritablement une culture politique, les bases des relations internationales. Car jusque-là, je n'ai qu'une culture médicale... A partir de là, pour moi, le sens de l'histoire n'est plus le marxisme mais le libéralisme...
Que lisez-vous à l'époque ?
Pendant mes études de médecine, je lisais beaucoup René Dumont (agronome, sociologue et homme politique français tiers-mondiste, écologiste de la première heure, NdlR)... Je crois que j'ai lu tous ces livres. Il a dit des choses intéressantes sur l'Afrique, mais sa vision déjà catastrophique dans les années 70 ne s'est pas réalisée. On prédisait la fin de pétrole en l'an 2000 !
Et puis c'est le retour en Belgique... La rencontre avec Jean Gol, revenons-en...
Pour l'histoire, il est arrivé deux heures en retard. A cinq minutes près, je m'en allais... La rencontre se passe en 1995 très agréablement. On passe deux heures ensemble. Mon statut de SG de MSF l'intéresse évidemment. J'avais publié fin 1994 un petit livre sur le génocide au Rwanda. Je lui ai offert mais il l'avait déjà lu... Donc ça a créé une vraie complicité. Il me dit qu'il est entièrement d'accord avec la singularité du génocide tutsi à savoir que c'est le premier génocide authentique depuis l'holocauste juif. Le terme génocide a été depuis bien galvaudé. Notamment à Gaza récemment... Donc, Jean Gol (ses grands-parents sont morts à Auschwitz, NdlR) me donne une très bonne place sur la liste du parti. A l'époque, je ne réalise pas qu'il me fait une fleur. Je ne connais rien à la politique belge. Ça a d'ailleurs suscité quelques remous au sein du parti de voir quelqu'un de parachuté. Les parachutages de la société civile, ce n'était pas si courant à l'époque.
Au Parti réformateur libéral (PRL), on vous assigne une ou plusieurs spécialités ?
Non, pas du tout... Mais Jean Gol va décéder très vite. C'est une énorme perte pour la Belgique et pour le PRL (qui a précédé le MR - NdlR). C'est un vrai parti de droite à l'époque. Ensuite, il deviendra centriste voire parfois centre-gauche et aujourd'hui, sous Georges-Louis Bouchez, centre-droit. Mais plus jamais de droite. J'ai dans ma bibliothèque un essai de Jean Gol " Librement ". Je le relis régulièrement. Il n'a pas pris une ride...
Mort de Jean Gol
Jean Gol meurt en septembre 1995 et Louis Michel lui succède. Il change diamétralement la ligne du parti ?
Oui. Il opte pour un " libéralisme social ". Mais à l'époque, on est dans l'opposition. Donc je ne saisis pas clairement l'évolution par rapport à Jean Gol.
Vous êtes déçu ?
Pas vraiment, au contraire. Je suis très impliqué dans le combat pour obtenir une commission d'enquête au Sénat sur l'assassinat des paras belges et le génocide des Tutsis en 1994. Nous rassemblons alors une pétition (faite uniquement par papier, rien à voir avec internet aujourd'hui) de 200.000 signatures avec le concours des familles des paras. Ce qui est énorme vu les moyens de l'époque. Cela prend plus d'un an pour l'obtenir et ensuite la commission travaille pendant presque un an. Cela reste mon plus beau combat politique, celui dont je suis le plus satisfait. D'ailleurs, je viens de retourner sur place, 30 ans après et je publie prochainement un livre à ce sujet.
"On a ouvert les vannes de l'immigration."
Donc Louis Michel ne vous déçoit pas ?
Non. Je n'ai pas de soucis avec lui à l'époque... Mais son plan pour revenir au pouvoir est de gouverner avec les socialistes... La crise de la dioxine aidant, les écologistes entrent aussi dans le gouvernement Verhofstadt I (1999). Ce sera dramatique pour l'avenir de la Belgique. Car les socialistes et surtout écologistes vont imposer au gouvernement une politique en faveur d'une immigration massive. Le regroupement familial est facilité et même à l'époque élargi aux enfants majeurs issus de mariages antérieurs et aux aïeux. L'asile politique est facilité, on régularise des dizaines de milliers de clandestins créant un nouvel "appel d'air". La nationalité belge peut s'acquérir après trois ans de résidence, sans aucune condition d'intégration. Je me souviens avoir tiqué en lisant la Déclaration gouvernementale. Elle indique que " la Belgique est une société multiculturelle ". Pour moi, la Belgique est une société européenne, de francophones et de néerlandophones, elle doit être ouverte sur le monde mais pas multiculturelle. Le gouvernement libéral-socialiste-écologiste a ouvert les vannes d'une immigration incontrôlable.
Quelles conséquences aujourd'hui ?
Les conséquences démographiques peuvent se mesurer aujourd'hui, notamment à Bruxelles. Aujourd'hui, selon Statbel, 61% de la population bruxelloise est extra-européenne et 22% seulement sont des Bruxellois d'origine belge... Par parenthèse, si le MR n'est plus au pouvoir à Bruxelles depuis 20 ans, c'est lié. C'est un parti qui dominait à Bruxelles jusqu'en 1999 . La faute aux décisions prises en 1999 par le MR avec ses " partenaires ".
Les libéraux se sont tirés une balle dans le pied ?
Vous résumez parfaitement les choses ! En 95, les quelques élus marocains ou tunisiens sont laïcs. Aujourd'hui, la plupart des 25-30 élus musulmans sont communautaristes. C'est une évolution qui a pris seulement 30 ans ! Au PS, Philippe Moureaux faisait campagne dans les années 80 sur le rejet de l'islam et de l'immigration. Il a fait effectivement un virage à 180°. Tout cela pour dire que les choix politiques peuvent avoir de lourdes conséquences. Et les choix décidés par le gouvernement Verhofstadt furent catastrophiques.
Destexhe essayiste
Vous avez été sénateur, puis député bruxellois ou l'inverse ?
Au départ, j'ai été élu directement. J'ai fait mon meilleur résultat en 2007 : 80.000 voix. Seule la tête de liste faisait mieux. J'étais 7e sur la liste, donc une nouvelle fois " puni ". Ensuite, nous étions sénateurs de communauté désignés par les parlement régionaux. Le système belge est affreusement complexe.
Autre chose : vous êtes un des rares hommes politiques belges francophones à publier des essais, nombreux sur des tas de sujets : l'école, la particratie, les syndicats... Votre projet, c'est en fait de réformer la société ?
Oui. J'ai écrit une dizaine de livres. Je suis d'un naturel éclectique. Je ne connaissais rien à la politique belge, comme je l'ai dit. J'étais plutôt branché politique internationale. J'ai découvert les sujets belges au compte-goutte. Et à chaque fois j'ai voulu approfondir. La plupart du temps, mes livres sont co-écrits avec des spécialistes. Mon essai sur l'enseignement est co-écrit par deux spécialistes. Celui qui a le mieux marché est l'essai sur la " particratie " co-écrit avec Alain Eraly et Eric Gillet. Ce livre a été un succès important, réédité plusieurs fois et vendus à des dizaines de milliers d'exemplaires. La Libre Belgique publiait une feuille par jour pendant une semaine avec des extraits du livre. Du jamais vu je pense pour un livre..
Quelles sont les raisons du succès, d'après vous ?
Le livre dénonce la maladie du système politique belge : la politisation des nominations, l'inefficacité de la décision dans le secteur public... J'ai failli être plusieurs fois exclu du parti libéral. Je me souviens, après une interview sur RTL-TVI, Louis Michel me téléphone : " Pourquoi fais-tu cela ? " Je réponds : " Par conviction ".
On vous reprochait de cracher dans la soupe ?
C'est un peu cela. Mais pour moi, c'était existentiel de mener ce combat. D'ailleurs, la plupart de mes constats restent actuels. Le système n'a pas fondamentalement changé. L'enseignement non plus. J'ai écrit un livre avec Rudy Aernout (" Comment l'Etat gaspille votre argent ! ", Vif Edition). On concluait que, mieux géré, plus efficace, l'Etat pourrait réduire ses dépenses de 10%. Je fais toujours des propositions très concrètes. Dans mon livre sur les syndicats (" Syndicats, enquête sur le plus puissant lobby du pays ", La Renaissance du Livre), je démontre leur pouvoir et leur rôle de blocage dans la société...
Combat contre l'islamisme
Avec votre livre co-écrit avec Claude Demelenne, vous êtes passé à la vitesse supérieure... Je ne me rappelle plus du titre...
" Lettre ouverte aux progressistes qui flirtent avec l'Islam réac " (Edition du Cerisier). Claude Demelenne, homme de gauche mais profondément laïc, m'avait proposé de l'écrire avec lui, moi l'homme de droite. L'essai a eu beaucoup de retentissement dans les médias. C'est le début de mes ennuis... de mon ostracisme dans les médias.
"La question de fond de la place de l'Islam en Belgique n'est jamais abordée."
Comment un authentique libéral peut-il écrire cela ?
Disons que jusque-là, je suis l'auteur qui défend l'Afrique, les paras, qui écrit sur la particratie, j'ai bonne image, bonne presse. Mais à partir de ce livre sur l'islamisme, les médias, qui sont de gauche, me voient avec moins de sympathie et de plus en plus d'hostilité. Pour Claude Demelenne, ce sera encore plus douloureux au sein de " sa " famille, la gauche. Car il a osé dire que tous les musulmans ne sont pas des victimes discriminées, que la gauche dans son imaginaire a remplacé les ouvriers par les migrants, les nouveaux damnés de la terre. En fait, ses " amis " de gauche ont été odieux avec lui.
L'islamisme (et l'Islam) sont des sujets tabous en Belgique ?
Complètement. On ne l'aborde que lors " d'incidents " : un attentat, une déclaration qui va trop loin, un imam qui lit une prière au Parlement bruxellois. Mais ce n'est jamais abordé comme un débat de fond : quelle est et doit-être la place de l'Islam dans la société belge. A quelle condition... l'essai fait à peine 100 pages, mais tout y est et c'est toujours très actuel : le communautarisme (surtout d'Ecolo, le terrorisme, l'abandon de la laïcité par le PS)...
Retour à la médecine
Un commentaire sur la direction actuelle du MR par Georges-Louis Bouchez. Il se dit " goliste ", en référence à Jean Gol, ça devrait vous plaire...
L'homme a incontestablement des grandes qualités mais aussi de gros défauts. Je ne suis pas sûr qu'il ait imprégné le MR du " golisme " car il en est le leader provisoire mais le MR, c'est avant tout un appareil. Mais je ne souhaite pas critiquer...
Aujourd'hui, vous êtes redevenu " simple médecin "... C'est assez extraordinaire... Retour aux sources ?
On peut dire cela. Après l'arrêt de ma carrière politique en 2019 (les Listes Destexhe n'ont pas eu d'élus, NdlR), je suis allé en Chine théoriquement pour un an, mais le Covid-19 m'a obligé à revenir après quelques mois. Et on a eu besoin de médecins partout. Je me suis porté volontaire pour la garde MG bruxelloise. Puis, j'ai commencé à travailler dans des hôpitaux en France où la pénurie est immense. J'ai repris goût à la médecine. Je me considérais comme trop jeune pour arrêter de travailler. L'hôpital évoquait pour moi de bons souvenirs de mes stages de médecine.
"En médecine, contrairement à la politique, on vous dit tout le temps merci"
Lors d'un entretien, vous me glissiez que, contrairement à la politique, en médecine, les patients vous disent tout le temps " merci " !
Oui effectivement. La médecine a un côté très gratifiant ! (rires) Les gens ne cessent de vous remercier. En politique, personne ne vous dit jamais merci (éclats de rire).
Vous regrettez d'avoir fait de la politique ?
Non, sûrement pas... MSF, la politique, j'ai fait oeuvre utile me semble-t-il. Mais la médecine que je redécouvre, c'est de l'enthousiasme Je dois constamment me mettre à niveau. Je fais également des téléconsultations en médecine générale. J'ai donc une activité médicale assez importante que j'espère poursuivre pendant quelques années. Et à côté de cela je lis, j'écris et je vis quelques mois par an au Rwanda auquel je suis très attachés depuis 1994.
"Je soutiens Israël, pas le Hamas"
L'international vous taraude toujours. Vous twittez régulièrement, notamment sur Israël. Alexandre De Croo a appelé sur LinkedIn récemment à un boycott d'Israël. Cela vous choque ?
Je ne comprends pas la dérive du VLD sur ce dossier... Six partis de la coalition gouvernementale sur sept appuient cette politique. Seul Georges-Louis Bouchez sauve l'honneur. Bravo. Sans lui, le gouvernement belge serait encore plus anti-israélien. Globalement, la Belgique est totalement pro-palestinienne. Elle soutient en fait la position du Hamas. C'est incompréhensible. Il ne faut jamais oublier que c'est le Hamas qui a commencé cette guerre et que le Hamas peut arrêter cette guerre du jour au lendemain en se rendant. Or, aucune pression ni de la Belgique ni de l'UE, ni des pays arabes ne s'exerce sur le Hamas. L'approche européenne de Gaza relève d'une faillite morale complète. On n'a finalement tiré aucune leçon de la Seconde Guerre mondiale. Le Hamas, pour moi, c'est l'équivalent proche-oriental des nazis. A Gaza, le Hamas me rappelle les nazis assiégés dans Berlin. On devrait tous demander leur reddition. Je me demande si Churchill et Roosevelt qui sont des héros de leur temps, pourraient encore l'être aujourd'hui. Je ne crois pas.
"Alexander De Croo n'a pas tiré les leçons du nazisme."
Qu'est-ce qui explique le soutien aux Palestiniens, selon vous ? Certains parlent de clientélisme : soutenir les Palestiniens c'est gagner les votes arabes notamment à Bruxelles...
Il y a trois raisons : l'islamisme (du fait que les populations musulmanes en Europe sont devenues très importantes), le gauchisme et la faillite intellectuelle et morale. C'est l'approche humanitariste à court terme qui domine sur toutes les autres. Demander un cessez-le-feu et encore pire un boycott, c'est mettre en danger à moyen terme l'existence d'Israël dans la région. Le Hamas doit être détruit. La survie d'Israël à 20 ou 30 ans ne me paraît pas garantie. Il y a d'une part les drones militaires et, potentiellement, la bombe atomique iranienne. Israël doit donc conserver une avance technologique permanente pour survivre.
Mais Alexander De Croo n'est pas particulièrement gauchiste...
En effet. Mais il ne tire pas les leçons. Il ne voit pas le parallèle historique avec le nazisme : nous devons obtenir la reddition sans condition du Hamas. Les élites européennes sont contaminées par le politiquement correct, le wokisme, l'humanitarisme qui domine tout, au mépris de valeurs plus importantes, comme la défaite d'une idéologie totalitaire.. Ce qui me ramène à la raison pour laquelle j'ai quitté MSF. En Bosnie, au Rwanda, je n'étais plus d'accord avec cette ligne consistant à avoir une approche purement humanitaire des crises politiques. Le pogrom du 7 octobre en Israël passe au second plan. Pour moi, cela passe au premier plan, avant l'aide humanitaire. La défaite politique du Hamas et la survie d'Israël sont pour moi prioritaires...
Dernier ouvrage paru : " L'Occident commence en Terre Sainte, De Bruxelles à Jérusalem, Journal de bord, 2023 "/Edition Texquis.
A paraître fin mars : " Rwanda94 ; le carnage. 30 ans après, retour sur place "/Edition Texquis.