La FAGC (Fédération des associations de médecins généralistes de Charleroi) organisait samedi dernier une matinée d'étude sur le sujet médecine/santé et environnement. La révolution numérique et la transition écologique bouleversent en effet le secteur médical. Si les technologies de l'information sont devenues incontournables, elles viennent avec leur lot de défis environnementaux et éthiques. En parallèle, les cabinets médicaux s'engagent dans des démarches écoresponsables, questionnant leurs pratiques et leurs impacts. Ces deux mouvements, loin d'être incompatibles, redéfinissent la manière de soigner.
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La médecine moderne repose désormais sur une infrastructure numérique omniprésente, résume François Roucoux expert belge en technologies médicales et infrastructures de données de santé (Institut des technologies de l'information et de la communication, de l'électronique et des mathématiques appliquées (ICTM) de l'UCLouvain) : dossiers médicaux électroniques, télémédecine, capteurs, et outils d'intelligence artificielle. Ces innovations améliorent la qualité des soins et optimisent la gestion des flux de patients. Cependant, leur impact environnemental est colossal, selon le spécialiste. En 2024, les technologies de l'information et de la communication (TIC) représentaient déjà 3,5 % des émissions mondiales de CO?, un chiffre qui pourrait atteindre 8 % d'ici 2025. " Derrière les promesses du numérique se cachent des réalités moins reluisantes : exploitation des ressources rares, déforestation pour l'extraction minière, et une montagne de déchets électroniques faiblement recyclés. "La dépendance aux TIC pose une question cruciale : peuvent-elles vraiment rendre le système de santé plus durable ? Les bénéfices, bien que réels, restent souvent marginaux, réalisables avec des outils moins sophistiqués, affirme le Pr Roucoux. " En parallèle, leur empreinte environnementale est rarement prise en compte dans les stratégies de santé publique. Un cadre régulatoire est indispensable pour plafonner les émissions liées au numérique médical et encourager des systèmes d'information interopérables, durables et réparables. "Face à cette démesure technologique, des initiatives plus concrètes émergent. Le Dr Sébastien Cleeren, conseiller environnement à la SSMG, propose une vision écoresponsable du cabinet médical, où chaque geste est pensé pour minimiser l'impact écologique. " Les médicaments, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre dans les cabinets (60 %), ainsi que les déplacements et le chauffage, figurent parmi les cibles prioritaires. Sensibiliser les équipes, intégrer ces préoccupations dans les réunions et plans d'action, et adopter une démarche de qualité continue sont autant de pistes pour réduire l'empreinte carbone des soins. "Les bénéfices de cette transition ne s'arrêtent pas à l'environnement. Un cabinet écoresponsable permet également de réduire les coûts et d'améliorer la santé des patients, tout en renforçant l'éthique professionnelle des soignants. Cependant, cette transformation demande un engagement collectif, une planification rigoureuse et une évaluation régulière des résultats.Si le numérique médical et la durabilité semblent parfois antagonistes, ils peuvent se compléter. Une gestion optimisée des ressources, comme la télémédecine ou l'analyse prédictive, peut réduire les gaspillages et limiter les déplacements inutiles. À condition toutefois de ne pas céder aux sirènes des innovations énergivores et de privilégier des solutions simples et éprouvées.La santé de demain devra conjuguer ces deux impératifs. Les soignants, en première ligne, ont un rôle déterminant à jouer pour guider cette transition. Qu'il s'agisse d'adopter des "TIC responsables" ou de transformer leur cabinet en modèle de durabilité, ils doivent être à la fois acteurs et garants de cette mutation indispensable.