Mais ainsi va la vie politique. Il suffit "d'un rien" (en l'occurrence tout de même un paquet d'économies) pour qu'on descende dans les sondages. L'opinion n'est pas particulièrement reconnaissante des efforts consentis. Il ne suffit pas de "faire de son mieux" au tribunal du peuple.
Parmi les raisons de la déconfiture, on évoque à juste titre notamment au jdM, le fait que Maggie De Block est une libérale en pays social.
L'explication tient certainement la route puisqu'elle est, de mémoire de quinquagénaire, la première ministre de la Santé publique et des Affaire sociales de cette couleur politique depuis longtemps.
Comme Johan Van Overtveldt, notre ministre N-VA des Finances et ex-rédacteur en chef de Trends, Maggie De Block est entourée d'une administration PS-CVP, héritage des années post-baby-booms pendant lesquelles on engageait à tour de bras sur fond, au nord, d'Etat-CVP et, au sud, d'Etat PS.
A fortiori, les deux partis libéraux n'ont jamais réussi à construire un pilier aussi puissant que les familles chrétienne-démocrate, avec le puissant Mouvement ouvrier chrétien, et socialiste avec ce qu'on appelle aujourd'hui l'Action commune. Les Mutualités libérales et la CGSLB (Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique) ressemblent à leurs consoeurs : rien n'y indique une quelconque option ou doctrine libérale. Comment en effet ne pas apparaître comme le suppôt du patronat ?
Qui plus est, dans le secteur des soins de santé, tout est subventionné, y compris les hôpitaux privés. La médecine est soigneusement encadrée de quotas et d'obligations de toutes sortes et, sécurité tarifaire oblige, le PS est, malgré lui sans doute, le meilleur garant de la médecine "libérale", un des nombreux paradoxes de nos soins de santé.
Maintenant, Maggie De Block est-elle libérale ? Pour répondre à cette question, il faudrait savoir ce qu'est le libéralisme. Est-ce une doctrine, méconnue et, quoi qu'on en dise, très minoritaire, réservée à une caste d'intellectuels ? Pour l'essayiste Nicolas Baverez, éditorialiste au Point et au Monde, "le libéralisme est incontournable, car le vecteur de la démocratie, du développement économique et du lien social". Mais de par "l'exacerbation des violences identitaires, le libéralisme se trouve dans une position paradoxale de moteur des transformations de la démocratie et du capitalisme, mais aussi de bouc émissaire auquel sont imputées les injustices du monde." Il est en effet assimilé à l'hyper-individualisme et l'égoïsme.
Or pour répondre aux défis de notre temps, "les libéraux ne proposent ni explication unilatérale, ni recette miraculeuse, mais opposent le travail de la raison au déchaînement des passions extrémistes et du fanatisme, l'éloge de la modération à la tentation de la démesure et à la fascination pour la violence, la pédagogie patiente de la liberté au renoncement et au fatalisme".
La politique de Maggie De Block peut certainement à cette aune être qualifiée de libérale. Sa kyrielle de réformes (AR78, financement hospitalier, nomenclature...) frappées par une série d'économies qui en contrecarrent provisoirement les effets, sa volonté, parfois contrariée certes, de simplification du fonctionnement de l'administration, sa manie des audits avant toute décision définitive, son souhait de mettre sur pied des expériences-pilotes et de faire le point. La ministre Open-VLD avance par essais-erreurs suivant une vision générale en impliquant, quoi qu'on en dise, les acteurs de terrain dans des commissions et groupes de travail dont certains, inévitablement, se sentent exclus. Sur la manière, elle a dû lire les auteurs libéraux du 18 et 19e siècle dont la gauche est héritière : Montesquieu, Bastiat, Constant, Tocqueville, Guizot ou Say. Mais par une pirouette de l'histoire, la droite européenne a récupéré au 20e siècle le libéralisme à des fins anti-communistes. Avec un Emmanuel Macron, le libéralisme rejoint tout doucement sa famille d'origine tandis que la droite, redevient, dirait-on en France, conservatrice, bonapartiste et monarchiste.
Maggie De Block est aussi libérale par son côté assez naïf - un sentiment qu'elle partage avec l'ensemble de l'Open-VLD et une bonne partie du MR, notamment face à la N-VA. Le libéral, qui défend bec et ongle la liberté d'expression, croit n'avoir aucun n'ennemi puisque toute opinion est bonne à dire. "Le libéralisme tire sa force de ses faiblesses, poursuit Nicolas Baverez. Sa nature pluraliste le conduit non seulement à tolérer mais à faire toute sa place à l'antilibéralisme, y compris quand il ne se limite pas à la critique de la liberté mais quand il mobilise contre elle les passions extrémistes, la violence et la haine."
Autre faiblesse du libéral : l'éparpillement et l'ego, qui vont de pair. Elio Di Rupo a coutume de dire, si on le paraphrase, que jamais les libéraux ne vaincront les socialistes car ces derniers sont organisés en système tandis que les libéraux croient plus dans la force de l'individu. Une réflexion qui se vérifie depuis des décennies en Wallonie...