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1. La proposition des Mutualités chrétiennes ne distingue pas des réalités qui sont bien différentes : celles des médecins spécialistes hospitaliers (qui subissent d'importantes ponctions de leurs honoraires par les hôpitaux, qui sont elles-mêmes le fruit de réglementations générales négociées localement entre gestionnaires et Conseils médicaux, et qui, par définition, ne sont pas objectives en termes macro-économiques), celles des médecins spécialistes exerçant en ambulatoire et celles des médecins généralistes.Sur ce point, rappelons que le financement hospitalier, nettement insuffisant s'il s'agit de financer des soins sans surconsommation mais surtout des soins de qualité, notamment au niveau de l'encadrement infirmier (sous-staffing évident en Belgique), est biaisé dès le départ puisque la part du financement direct des frais de fonctionnement, via le BMF, ne représente même pas 50% des recettes de l'hôpital nécessaires au financement de son activité et que pour obtenir un financement suffisant, l'hôpital est contraint de négocier avec son Conseil médical. L'issue de cette négociation est souvent le résultat d'un rapport de force et ne repose pas nécessairement sur des critères tout à fait objectifs, qui seraient identiques pour tous les hôpitaux. Même si, dans certains cas, cela se passe évidemment très bien.2. La proposition des Mutualités chrétiennes est intéressante juste en ce qu'elle relance un débat. Mais il est impératif de recontextualiser d'abord ce débat dans les trois grands chantiers en cours (à des vitesses variables), à savoir : " réforme du financement des hôpitaux ", " réforme de la nomenclature " et " réforme de l'art de guérir "*, sans oublier l'indispensable réforme du système des suppléments (qui, pour rappel, ne sont pas financés par de l'argent public mais bien par les patients qui acceptent de les payer parce qu'ils en ont les moyens ou parce qu'ils ont une bonne assurance), qui devra immanquablement suivre la réforme de la nomenclature : si la réforme de la nomenclature a pour aboutissement de rémunérer correctement chaque acte posé, comment pourra-t-on encore justifier la facturation de suppléments par rapport à une juste rémunération ?* Avant de se poser la question de la rémunération d'un acte, il faut se poser la question de savoir si un acte X, repris dans l'art de guérir pour être exercé par un prestataire Y, ne pourrait pas être prioritairement exercé par un prestataire Z ?Mais aujourd'hui, vu le tarif de la convention (qui est aussi le fruit d'une négociation qui se tient dans un cadre budgétaire rigide et étriqué), et même si le GBO prône le conventionnement, on doit bien admettre que si le généraliste doit consacrer 20 ou 30 minutes à un patient (parce que, par exemple, sa patientèle est fragilisée sur le plan socio-économique et/ou éducatif), il n'est pas rémunéré correctement au tarif de la convention.3. La proposition des Mutualités chrétiennes ne pose pas les bonnes questions. Pour les généralistes, par exemple, une bonne question serait : le tarif actuel de la consultation donne-t-il une rémunération correcte à l'heure s'il s'agit d'une consultation 'longue', par exemple pour un patient chronique, patient fragilisé sur le plan social et/ou sur le plan de sa santé mentale et/ou avec plusieurs comorbidités ? Non !1. Refaire le calcul en sens inverse : qu'estime-t-on comme rémunération horaire raisonnable pour chaque type de médecin ? Pour la médecine générale, que peut raisonnablement gagner un MG par heure prestée ? Ce n'est pas nécessairement le coût de quatre consultations au tarif de la convention car le généraliste a d'autres ressources (prime de pratique intégrée, DMG, etc.) mais, surtout, la consultation ou la visite peut prendre plus qu'un quart d'heure. C'est en fait très variable, suivant, entre autres, le patient et son environnement socio-économique et éducatif, et ses éventuelles comorbidités, sans parler de l'environnement géographique : pratiquer en province de Luxembourg ou dans une grande ville imposent des contraintes différentes.2. Pour arriver à cette rémunération juste, il faut travailler sur la réforme de la nomenclature mais avec le préalable que celle-ci doit d'abord s'insérer dans une réforme générale des soins de santé, ce qui n'est pas l'approche retenue actuellement. Or il faut partir de l'élaboration d'un système de santé basé sur des soins primaires puissants et charpentés qui permet à la fois de réaliser le quintuple objectif*. Car c'est le système le plus à même de délivrer des soins de santé de qualité pour l'ensemble de la population (en tenant compte des facteurs sociaux) et au meilleur coût (par filtrage des soins lourds inutiles et de la surconsommation).* les quatre aim (améliorer la qualité de vie des personnes, améliorer la qualité des soins, améliorer l'utilisation des ressources et améliorer la qualité de vie des professionnels, auxquels le Livre Blanc de la Chaire Be.Hive en ajoute un 5e : améliorer l'enseignement des professions de santé.3. Pour concrétiser cette approche des soins, le GBO réitère sa proposition historique d'échelonnement des soins basée sur le principe de subsidiarité. Ce qui veut dire que les actes réalisables en qualité en première ligne soient exclusivement remboursés en 1ère ligne : cela constituerait déjà une solide économie.4. Pour la rémunération des actes intellectuels (tels que la consultation), le GBO plaide aussi pour un payement mixte :- Une part de forfait à la fonction (actuelle prime de pratique)- Une part à la capitation (actuel DMG du patient + mal chronique + trajet de soins, etc.) ou forfait des " maisons médicales ".- Une part à l'acte (acte utile et sous-prestés ou peu attractif, petite chirurgie, visite de nuit). Prestation.- Une part à la qualité pour des mesures de qualité et/ou d'efficience). Performance.Il faut par ailleurs un outil de mesure commun aux différentes disciplines pour permettre de garantir l'équité entre les prestataires. Ainsi, personne ne contestera le fait que, parmi les spécialités, les gériatres et les psychiatres ont des revenus en moyenne trop faibles par rapport à ceux des autres spécialités.Le but doit donc bien être de resserrer les revenus et de diminuer les écarts trop importants et les iniquités existantes entre les disciplines.Jean-Noël Godin et Pierre Drielsma