Dans votre rapport annuel du GBS, cher collègue Marc Moens, vous ne pouvez vous empêcher de revenir sur la problématique de la prétendue pléthore médicale et de critiquer, en les qualifiant de cyniques, mes propositions visant à réellement vouloir planifier l'offre de soins, conscient de la pénurie en aggravation dans un nombre considérable de communes du pays, en particulier dans la région wallonne.

Afin d'impressionner votre auditoire, vous avancez les chiffres de plus de 60.000 médecins autorisés à exercer la médecine en Belgique et de "50.000" ,un chiffre qualifié de "magique" , de médecins actifs dans le cadre de l'Inami.

Toutes les études concernant l'offre de soins en Belgique ont bien montré que totaliser le nombre de médecins n'a aucun sens et donc le chiffre de 60.000 médecins n'est cité que pour alimenter la thèse de la pléthore alors que tant d'indices indiquent que des pans importants de la population sont en manque de médecins généralistes ou en attente de prise en charge dans plusieurs autres spécialités.

Taux inférieur à la moyenne européenne

La publication par le KCE début 2016 sur "La performance du système de santé belge. Rapport 2015" mentionne 33.925 médecins en activité, soit 2,95 médecins pour 10.000 habitants, un taux significativement inférieur à la moyenne européenne (3,41)1. Encore faut-il définir l'activité ! Les travaux actuels de la commission de planification médicale définissent les médecins actifs sur base de 500 contacts par an pour un médecin généraliste et plusde 2 contacts pour un médecin spécialiste: il est prévisible, que sur cette base, le nombre réel de médecins actifs risque d'être très largement sur-estimé.

Les différents mouvements syndicaux et associations professionnelles n'ont de cesse d'interpréter la discordance entre le nombre de médecins et les indices d'activité comme des indicateurs de pléthore suggérant que le nombre excessif de médecins explique leur faible activité. Cher Confrère Moens : Perseverare diabolicum est ! Persister à nier les faits est contraire à une approche ouverte et libre de dogme. Le Pr De Wever démontrait déjà en 2007 que la réduction de pratique médicale n'était pas synonyme de pléthore mais au contraire était le témoin d'une diversification de l'activité d'un nombre important de médecins2. Alors que 47,7% des généralistes francophones et 23,3% de spécialistes n'atteignaient pas le seuil donnant droit à l'accréditation de l'assurance maladie, après enquête, il n'y en avait plus que 5,5% qui ne l'atteignaient pas.

Et c'est bien sur base de chiffres (volontairement ?) erronés qu'ont été établis les premiers quotas dans le cadre du numerus clausus. En 2004, alors que les données objectives confirmeront ultérieurement l'absence de pléthore dans plusieurs disciplines en particulier en première ligne de soins, le quota était fixé à 700 nouveaux médecins par an pour le pays. Il en aurait fallu 1.150 sur base d'un renouvellement recommandé de nouveaux médecins de 1.000 par 10.000.000 habitants dans des systèmes de santé équivalents au nôtre3.La pénurie s'est donc installée dans plusieurs disciplines, variable selon les spécialités et selon les régions, il est vrai.

47% des communes en pénurie

Tout récemment, le cabinet du ministre Maxime Prévot tirait la sonnette d'alarme : 47% des communes de Wallonie sont en pénurie de médecins généralistes et 39 d'entre elles sont en pénurie grave (< 5 médecins/10.000 habitants). Et compte tenu de la pyramide des âges des généralistes francophones en particulier, les perspectives sont réellement préoccupantes! L'abandon professionnel total du système de soins à 10 ans est évalué à 27,6% du côté francophone, voire à plus de 32% selon des sources des mutualités. Faut-il s'étonner dans ce cas de l'arrivée massive de médecins européens représentant en 2015 près de 45% des nouveaux numeros Inami de praticiens en Belgique, alors qu'ils ne représentaient que 12,1% en 20064 ? Cher collègue Moens, pourquoi nier les difficultés quotidiennes des nombreux médecins généralistes en fin de carrière à ne pas trouver de remplaçant. Perseverare diabolicum est!

Contrairement à ce que vous affirmez, je préconise un concours d'entrée en médecine. Il doit être associé à une préparation durant la dernière année du secondaire avec la collaboration des universités de manière à tenter d'effacer les inégalités de l'enseignement secondaire. Le nombre d'étudiants admis serait basé, non pas sur un quota fédéral à l'issue des études de base, mais bien sur les capacités de formation des universités tenant compte des possibilités d'encadrement et surtout des stages à tous les niveaux de la formation. Les écoles de médecine offriront l'accès à une spécialité à tous les étudiants sélectionnés, ceux-ci étant informés des besoins dans les différentes disciplines. Il s'agira de les orienter vers les disciplines en pénurie et de les informer des spécialités "saturées". Je préconise en effet de découpler la formation des praticiens de l'installation sur le terrain. Dans un espace économique européen ouvert à la libre circulation des médecins, poursuivre l'exercice d'une planification médicale avec comme seul objectif de limiter l'accès à la formation de nos jeunes alors que près de la moitié des praticiens proviennent des pays européens est non seulement inique mais vide de sens. Il est indispensable d'envisager une loi d'installation en définissant spécialité par spécialité, région par région, jusqu' au niveau communal pour la première ligne, les postes médicaux à couvrir. Il s'agira aussi de prendre la mesure des discordances entre une pénurie hospitalière et une pléthore ambulatoire comme en pédiatrie. L'obligation d'une pratique hospitalière à l'issue de la formation pour une période définie dans le temps est aussi une mesure envisageable pour favoriser une pratique hospitalière de nos jeunes médecins plutôt que d'attirer des hordes de médecins européens. Collègue Moens, c'est effectivement dans le désert que je compte orienter les médecins, pas celui que vous semblez évoquer mais bien celui de ces zones désertées de médecins que vous vous refusez de voir. Perseverare diabolicum est.

Réferences

1. Vrijens F, Renard F, Camberlin C, et al. La performance du système de santé belge.Rapport 2015. KCE Report 259B. Health Services Research, 2016.

2. Benahmed N, De Wever A. Une pratique médicale réduite à charge de l'assurance maladie n'est pas synonyme de pléthore mdicale en Communauté française de Belgique. Rev Med Brux 2007;28:21-6.

3. Rombouts JJ. Le numerus clausus en médecine est-il éthiquement acceptable? Le Soir 2006.

4. Roberfroid D, Stordeur S, Camberlin C, Van de Voorde C, Vrijens F, Léonard C. L'offre de médecins en Belgique. Situation actuelle et défis. KCE Report 72B. Health Services Research, 2008.

Dans votre rapport annuel du GBS, cher collègue Marc Moens, vous ne pouvez vous empêcher de revenir sur la problématique de la prétendue pléthore médicale et de critiquer, en les qualifiant de cyniques, mes propositions visant à réellement vouloir planifier l'offre de soins, conscient de la pénurie en aggravation dans un nombre considérable de communes du pays, en particulier dans la région wallonne.Afin d'impressionner votre auditoire, vous avancez les chiffres de plus de 60.000 médecins autorisés à exercer la médecine en Belgique et de "50.000" ,un chiffre qualifié de "magique" , de médecins actifs dans le cadre de l'Inami.Toutes les études concernant l'offre de soins en Belgique ont bien montré que totaliser le nombre de médecins n'a aucun sens et donc le chiffre de 60.000 médecins n'est cité que pour alimenter la thèse de la pléthore alors que tant d'indices indiquent que des pans importants de la population sont en manque de médecins généralistes ou en attente de prise en charge dans plusieurs autres spécialités.La publication par le KCE début 2016 sur "La performance du système de santé belge. Rapport 2015" mentionne 33.925 médecins en activité, soit 2,95 médecins pour 10.000 habitants, un taux significativement inférieur à la moyenne européenne (3,41)1. Encore faut-il définir l'activité ! Les travaux actuels de la commission de planification médicale définissent les médecins actifs sur base de 500 contacts par an pour un médecin généraliste et plusde 2 contacts pour un médecin spécialiste: il est prévisible, que sur cette base, le nombre réel de médecins actifs risque d'être très largement sur-estimé. Les différents mouvements syndicaux et associations professionnelles n'ont de cesse d'interpréter la discordance entre le nombre de médecins et les indices d'activité comme des indicateurs de pléthore suggérant que le nombre excessif de médecins explique leur faible activité. Cher Confrère Moens : Perseverare diabolicum est ! Persister à nier les faits est contraire à une approche ouverte et libre de dogme. Le Pr De Wever démontrait déjà en 2007 que la réduction de pratique médicale n'était pas synonyme de pléthore mais au contraire était le témoin d'une diversification de l'activité d'un nombre important de médecins2. Alors que 47,7% des généralistes francophones et 23,3% de spécialistes n'atteignaient pas le seuil donnant droit à l'accréditation de l'assurance maladie, après enquête, il n'y en avait plus que 5,5% qui ne l'atteignaient pas.Et c'est bien sur base de chiffres (volontairement ?) erronés qu'ont été établis les premiers quotas dans le cadre du numerus clausus. En 2004, alors que les données objectives confirmeront ultérieurement l'absence de pléthore dans plusieurs disciplines en particulier en première ligne de soins, le quota était fixé à 700 nouveaux médecins par an pour le pays. Il en aurait fallu 1.150 sur base d'un renouvellement recommandé de nouveaux médecins de 1.000 par 10.000.000 habitants dans des systèmes de santé équivalents au nôtre3.La pénurie s'est donc installée dans plusieurs disciplines, variable selon les spécialités et selon les régions, il est vrai.Tout récemment, le cabinet du ministre Maxime Prévot tirait la sonnette d'alarme : 47% des communes de Wallonie sont en pénurie de médecins généralistes et 39 d'entre elles sont en pénurie grave (< 5 médecins/10.000 habitants). Et compte tenu de la pyramide des âges des généralistes francophones en particulier, les perspectives sont réellement préoccupantes! L'abandon professionnel total du système de soins à 10 ans est évalué à 27,6% du côté francophone, voire à plus de 32% selon des sources des mutualités. Faut-il s'étonner dans ce cas de l'arrivée massive de médecins européens représentant en 2015 près de 45% des nouveaux numeros Inami de praticiens en Belgique, alors qu'ils ne représentaient que 12,1% en 20064 ? Cher collègue Moens, pourquoi nier les difficultés quotidiennes des nombreux médecins généralistes en fin de carrière à ne pas trouver de remplaçant. Perseverare diabolicum est!Contrairement à ce que vous affirmez, je préconise un concours d'entrée en médecine. Il doit être associé à une préparation durant la dernière année du secondaire avec la collaboration des universités de manière à tenter d'effacer les inégalités de l'enseignement secondaire. Le nombre d'étudiants admis serait basé, non pas sur un quota fédéral à l'issue des études de base, mais bien sur les capacités de formation des universités tenant compte des possibilités d'encadrement et surtout des stages à tous les niveaux de la formation. Les écoles de médecine offriront l'accès à une spécialité à tous les étudiants sélectionnés, ceux-ci étant informés des besoins dans les différentes disciplines. Il s'agira de les orienter vers les disciplines en pénurie et de les informer des spécialités "saturées". Je préconise en effet de découpler la formation des praticiens de l'installation sur le terrain. Dans un espace économique européen ouvert à la libre circulation des médecins, poursuivre l'exercice d'une planification médicale avec comme seul objectif de limiter l'accès à la formation de nos jeunes alors que près de la moitié des praticiens proviennent des pays européens est non seulement inique mais vide de sens. Il est indispensable d'envisager une loi d'installation en définissant spécialité par spécialité, région par région, jusqu' au niveau communal pour la première ligne, les postes médicaux à couvrir. Il s'agira aussi de prendre la mesure des discordances entre une pénurie hospitalière et une pléthore ambulatoire comme en pédiatrie. L'obligation d'une pratique hospitalière à l'issue de la formation pour une période définie dans le temps est aussi une mesure envisageable pour favoriser une pratique hospitalière de nos jeunes médecins plutôt que d'attirer des hordes de médecins européens. Collègue Moens, c'est effectivement dans le désert que je compte orienter les médecins, pas celui que vous semblez évoquer mais bien celui de ces zones désertées de médecins que vous vous refusez de voir. Perseverare diabolicum est.Réferences1. Vrijens F, Renard F, Camberlin C, et al. La performance du système de santé belge.Rapport 2015. KCE Report 259B. Health Services Research, 2016.2. Benahmed N, De Wever A. Une pratique médicale réduite à charge de l'assurance maladie n'est pas synonyme de pléthore mdicale en Communauté française de Belgique. Rev Med Brux 2007;28:21-6.3. Rombouts JJ. Le numerus clausus en médecine est-il éthiquement acceptable? Le Soir 2006.4. Roberfroid D, Stordeur S, Camberlin C, Van de Voorde C, Vrijens F, Léonard C. L'offre de médecins en Belgique. Situation actuelle et défis. KCE Report 72B. Health Services Research, 2008.