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"Ne doit-on pas dire que le Nidcap* est le standard ? ", s'est interrogé Pedro Facon, directeur général des Soins de santé du SPF Santé publique, en introduction du symposium " Infant and Family Centered Care ", organisé par le service Soins de développement de la DG Soins de Santé, le 16 mai dernier à Bruxelles. Poser la question c'est y répondre, a-t-on coutume de dire, et l'expression de cette volonté par les autorités a été bien accueillie par les professionnels du secteur. D'autant que les résultats de diverses études sur le sujet sont plutôt positifs et montrent notamment un effet du peau à peau précoce et prolongé (>20h/j) sur la qualité du sommeil des prématurés ou encore sur la maturation des régions cérébrales impliquées dans le processus d'attachement. En conséquence, la Dr Karoline Lode-Kolz (CHU Stavanger, Norvège) s'est aussi posé la question de savoir s'il ne fallait pas changer les recommandations et s'il ne devient pas 'inéthique' de placer ces enfants en couveuse." Les soins de développement sont nés de la nécessité d'un environnement très technique pour faire survivre des nouveau-nés très vulnérables, et de l'exposition concomitante à une source de stress et de stimulation inconfortable et douloureuse et à une séparation de leur mère. C'est l'ensemble des stratégies environnementales et comportementales mises en place pour favoriser le développement harmonieux du nouveau-né, à terme ou prématuré ", a précisé le Pr Pierre Kuhn (CHU Strasbourg, France).Les deux concepts qui se détachent sont l'individualisation des soins et l'inclusion précoce des parents pour qu'ils soient des soignants privilégiés de leurs enfants : il s'agit des soins de développement centrés sur l'enfant et la famille.Cette philosophie de soins plus humanistes intervient déjà en amont de la naissance. " Avoir un enfant hospitalisé en soins intensifs néonataux est une source de stress parental, d'où l'idée d'une consultation anténatale pour informer et permettre un choix éclairé, essayer de préserver la relation parents/enfants, diminuer le stress et mettre en place une relation de confiance entre les parents et les soignants ", a commenté la Dr Dominique Grossman (Chirec Delta, Bruxelles).Quand la proposer ? Quand il y a un risque de prématurité, de viabilité, de malformations ou encore des difficultés psychosociales ou mentales.Pour la néonatologue, il est très important de créer une relation soutenante, c'est la base de la confiance dans l'équipe soignante : " Elle doit aussi être respectueuse, il faut reconnaître l'asymétrie de la relation parents/soignants, la consultation ne doit pas être un cours sur la prématurité mais bien une discussion. Il faut faire attention aux intrusions potentielles et créer du lien : expliquer le fonctionnement du service, favoriser le soutien par les pairs... C'est un partage de l'information, mais sans raconter tout ce qui pourrait arriver à l'enfant, il faut leur parler des possibilités et de l'incertitude : 'Nous aimerions que vous puissiez faire..., mais nous ne pouvons pas le garantir', par exemple. Les médecins se focalisent plutôt sur les problèmes aigus de la réanimation et des soins initiaux, alors que les parents s'inquiètent de questions plus globales et veulent savoir si cela va aller pour leur bébé. "Qu'attendent les mères de ce type de consultation ? La plupart veulent de l'information sur la prématurité, mais elles n'apprécient pas quand on parle en pourcentages. " Ce qui est très intéressant, c'est que beaucoup ont envie d'avoir du matériel écrit autour de la prématurité ", commente la Dr Grossman. " Les couples aimeraient connaître la liste des questions posées par les autres parents et être à deux lors de l'entretien. Il faudrait pouvoir partir des questions des parents et réfléchir avec eux pour que la consultation anténatale soit la plus proche possible de leurs attentes. " Enfin, les mères désirent une deuxième consultation parce qu'elles sont trop stressées la première fois.Ces attentes sont-elles respectées ? 84% trouvent l'information donnée adéquate, 39% estiment en avoir reçu trop, 89% se sentent rassurées après la consultation, les papas étaient présents dans un cas sur 2 deux et une visite du service n'a été proposée que dans 34% des cas. (Gaucher 2016)Le Chirec a fait une enquête auprès de 32 mamans : la plupart ont eu un entretien, certaines n'en ont pas eu ou pas voulu, et deux ne s'en souviennent pas. " Globalement, l'expérience est positive. Pour les parents, il est très important de voir les lieux avant l'accouchement, même si la visite peut parfois être anxiogène. Pour les mamans, le lien de confiance entamé à ce moment-là est essentiel, de même que les informations sur l'allaitement : en parler avant a un impact pendant l'hospitalisation mais aussi à la sortie. "Pour un néonatologue, l'extrême prématurité/viabilité est une des situations les plus difficiles pour aller à la rencontre des parents. " L'Académie américaine de pédiatrie a beaucoup évolué dans ses recommandations : avant, on parlait beaucoup des conséquences à court terme, de mortalité... aujourd'hui, on évolue parce qu'il y a un vrai fossé entre les attentes des parents (empathie, partage, prise en charges des émotions...) et ce que les médecins pensent devoir dire (informations exhaustives, scientifiques, neutres...). Il faut apprendre à parler à ces parents, ce qui demande des aptitudes particulières nécessitant un vrai training des soignants ", conclut-elle.