Nous reprenons les réflexions du Dr Jean Creplet sur les relations entre médecine, politique et philosophie.
La pandémie a rendu visibles les relations entre les acteurs de terrain, les scientifiques et les politiques.
Cinq minutes pour le test Covid-19, jusqu'à 30 minutes pour les formulaires. Ou comment les praticiens peuvent être sabotés par le manque d'écoute de responsables censés leur apporter un cadre de travail optimal. Au moment de finaliser cet article, enfin du positif : les généralistes et les ministres se sont parlé pour simplifier l'administration liée aux tests. Entre les métiers pratiques et les fonctions organisationnelles, managériales et gouvernantes, la qualité des relations s'avère primordiale pour toute société. Au risque de la voir s'effondrer.
La saison 1 avait planté le décor. Les collectivités se constituent de techniques, de cultures et d'idées dominantes dans une réalité mêlant réel et virtuel. Chacun y avance en s'appuyant sur des bâtons d'aptitudes formés d'un alliage de physique et de mental. Selon leurs manières d'assembler ces pièces de savoirs et de pouvoirs, les membres de la société se retrouvent dans des étages de positions plus ou moins stables, allant du terre-à-terre des problèmes concrets, comme l'art de guérir et de soigner, aux lieux éthérés de procédures, d'analyses et de rapports, inondés d'informations.
Attention au jargon
A force de raisonner sur base de principes, programmes, partis, classes, budgets, déficits et autres concepts de plus en plus jargonneux, nous oublions comment les groupes et les institutions se bâtissent. Les individus, chacun avec ses compétences, ses désirs et ses pulsions, participent à l'édification d'échafaudages toujours susceptibles d'être bousculés par des imprévus. La pandémie Covid-19 en est un, et pas des moindres !
De telles crises obligent à réfléchir aux places respectives de la science et de la politique dans la société. La science a amplement démontré ses bienfaits, mais non sans illusions, erreurs ou tromperies. Les désaccords entre savants dévoilent les zones d'ombre laissées par les savoirs. D'où la nécessité d'une fonction cruciale, assumée en fin de compte, toutes discussions épuisées, par les politiques : décider dans l'incertitude, arbitrer les conflits, apaiser les passions, trancher les dilemmes... Pourquoi faut-il une crise d'une telle ampleur pour nous rappeler l'essence de la politique ? Elle bruisse déjà dans nos vies personnelles quand nous devons construire la confiance, recourir à des professionnels et affronter des tensions. La politique à l'état brut commence avec toutes les inconnues et les ambiguïtés entourant les rapports humains ; nul ne peut y échapper. La politique officielle surplombe le tout par un cadre formel installé en haut, mais érigé d'en bas. On parle trop peu des spécificités de la politique au sens noble du terme. Un gouffre sépare l'application de savoirs établis, passés au crible d'expériences connues et l'empirisme intuitif et courageux exigé face aux aléas du présent. Un gouffre de même nature sépare les choix médicaux appliqués aux individus des décisions normatives imposées à des groupes.
Trésors d'ingéniosité
Un brin d'optimisme ! Les citoyens, les associations, les entreprises et les états obtiennent aussi d'heureuses réussites. Si les disputes auréolées de belles paroles cachent souvent des préjugés ou des intérêts farouchement opposés, elles peuvent inspirer des trésors d'ingéniosité en vue de solutions négociées. Face à l'incertain, les résultats se jugent a posteriori. C'est pourquoi la politique ne pourra jamais se muer en science exacte. Si les problèmes sanitaires, environnementaux ou démographiques demandent avant tout des compétences scientifiques, la politique assume de facto le rôle de dernier recours. Décidemment, il faut se demander pourquoi cette fonction si essentielle au devenir de la société, aujourd'hui tant décriée, se retrouve en panne d'offre nouvelle, les extrémismes mis à part, au demeurant pas si nouveaux.
Les sociétés humaines évoluent sous les effets de gestes et de paroles se renforçant les uns les autres, tantôt installées dans des routines, tantôt secouées par les évènements. Alors, des lanceurs de nouveautés authentiques ou présentées comme telles cherchent à les transmettre de manière virale, par la persuasion, la force ou d'autres facteurs souvent peu compréhensibles. Aujourd'hui, cette évolution s'accélère sous les coups de la robotique et de l'intelligence artificielle, dernières créations de la pensée, jamais à court d'imagination. A tel point que ses réflexions se multiplient non seulement de cerveaux à cerveaux, entre circuits neuronaux, mais de ceux-ci à leurs analogues non organiques, les circuits intégrés.
Désormais, plus possible de se débrouiller sans tisser des liens solides avec les influenceurs des réseaux sociaux, version contemporaine des manipulateurs de symboles décrits par Robert Reich dans " L'économie mondialisée " (Dunod, Paris, 1993). Les individus n'ont pas le choix : soit ils se retranchent dans des étages de disciplines cloisonnées, soit ils coopèrent, négocient et se battent pour articuler leurs bâtons d'aptitudes personnelles et les joindre en armatures d'espaces de liberté.
Tout tient donc aux relations de la base au sommet de la société, autour d'un maître mot : démocratie.
Dans la suite, nous réfléchirons en suivant les individus pas à pas dans leurs efforts pour desserrer l'étreinte de l'absurde menaçant tant de valeurs espérées, difficiles à concrétiser.
La pandémie a rendu visibles les relations entre les acteurs de terrain, les scientifiques et les politiques. Cinq minutes pour le test Covid-19, jusqu'à 30 minutes pour les formulaires. Ou comment les praticiens peuvent être sabotés par le manque d'écoute de responsables censés leur apporter un cadre de travail optimal. Au moment de finaliser cet article, enfin du positif : les généralistes et les ministres se sont parlé pour simplifier l'administration liée aux tests. Entre les métiers pratiques et les fonctions organisationnelles, managériales et gouvernantes, la qualité des relations s'avère primordiale pour toute société. Au risque de la voir s'effondrer. La saison 1 avait planté le décor. Les collectivités se constituent de techniques, de cultures et d'idées dominantes dans une réalité mêlant réel et virtuel. Chacun y avance en s'appuyant sur des bâtons d'aptitudes formés d'un alliage de physique et de mental. Selon leurs manières d'assembler ces pièces de savoirs et de pouvoirs, les membres de la société se retrouvent dans des étages de positions plus ou moins stables, allant du terre-à-terre des problèmes concrets, comme l'art de guérir et de soigner, aux lieux éthérés de procédures, d'analyses et de rapports, inondés d'informations. A force de raisonner sur base de principes, programmes, partis, classes, budgets, déficits et autres concepts de plus en plus jargonneux, nous oublions comment les groupes et les institutions se bâtissent. Les individus, chacun avec ses compétences, ses désirs et ses pulsions, participent à l'édification d'échafaudages toujours susceptibles d'être bousculés par des imprévus. La pandémie Covid-19 en est un, et pas des moindres ! De telles crises obligent à réfléchir aux places respectives de la science et de la politique dans la société. La science a amplement démontré ses bienfaits, mais non sans illusions, erreurs ou tromperies. Les désaccords entre savants dévoilent les zones d'ombre laissées par les savoirs. D'où la nécessité d'une fonction cruciale, assumée en fin de compte, toutes discussions épuisées, par les politiques : décider dans l'incertitude, arbitrer les conflits, apaiser les passions, trancher les dilemmes... Pourquoi faut-il une crise d'une telle ampleur pour nous rappeler l'essence de la politique ? Elle bruisse déjà dans nos vies personnelles quand nous devons construire la confiance, recourir à des professionnels et affronter des tensions. La politique à l'état brut commence avec toutes les inconnues et les ambiguïtés entourant les rapports humains ; nul ne peut y échapper. La politique officielle surplombe le tout par un cadre formel installé en haut, mais érigé d'en bas. On parle trop peu des spécificités de la politique au sens noble du terme. Un gouffre sépare l'application de savoirs établis, passés au crible d'expériences connues et l'empirisme intuitif et courageux exigé face aux aléas du présent. Un gouffre de même nature sépare les choix médicaux appliqués aux individus des décisions normatives imposées à des groupes. Un brin d'optimisme ! Les citoyens, les associations, les entreprises et les états obtiennent aussi d'heureuses réussites. Si les disputes auréolées de belles paroles cachent souvent des préjugés ou des intérêts farouchement opposés, elles peuvent inspirer des trésors d'ingéniosité en vue de solutions négociées. Face à l'incertain, les résultats se jugent a posteriori. C'est pourquoi la politique ne pourra jamais se muer en science exacte. Si les problèmes sanitaires, environnementaux ou démographiques demandent avant tout des compétences scientifiques, la politique assume de facto le rôle de dernier recours. Décidemment, il faut se demander pourquoi cette fonction si essentielle au devenir de la société, aujourd'hui tant décriée, se retrouve en panne d'offre nouvelle, les extrémismes mis à part, au demeurant pas si nouveaux. Les sociétés humaines évoluent sous les effets de gestes et de paroles se renforçant les uns les autres, tantôt installées dans des routines, tantôt secouées par les évènements. Alors, des lanceurs de nouveautés authentiques ou présentées comme telles cherchent à les transmettre de manière virale, par la persuasion, la force ou d'autres facteurs souvent peu compréhensibles. Aujourd'hui, cette évolution s'accélère sous les coups de la robotique et de l'intelligence artificielle, dernières créations de la pensée, jamais à court d'imagination. A tel point que ses réflexions se multiplient non seulement de cerveaux à cerveaux, entre circuits neuronaux, mais de ceux-ci à leurs analogues non organiques, les circuits intégrés. Désormais, plus possible de se débrouiller sans tisser des liens solides avec les influenceurs des réseaux sociaux, version contemporaine des manipulateurs de symboles décrits par Robert Reich dans " L'économie mondialisée " (Dunod, Paris, 1993). Les individus n'ont pas le choix : soit ils se retranchent dans des étages de disciplines cloisonnées, soit ils coopèrent, négocient et se battent pour articuler leurs bâtons d'aptitudes personnelles et les joindre en armatures d'espaces de liberté. Tout tient donc aux relations de la base au sommet de la société, autour d'un maître mot : démocratie. Dans la suite, nous réfléchirons en suivant les individus pas à pas dans leurs efforts pour desserrer l'étreinte de l'absurde menaçant tant de valeurs espérées, difficiles à concrétiser.