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Mieux vaut agir que subir. Les têtes pensantes des mutuelles l'ont bien compris. Elles acceptent pour cette raison de coopérer avec la ministre de la Santé. En dépit de leur " conflit d'intérêts " lors de la confection du dernier budget. L'ouverture manifestée par Maggie De Block en 2015, souhaitant conclure un pacte pluriannuel avec le secteur, ressemble à une aubaine. Les organismes assureurs en profiteraient pour s'adapter aux changements de leur environnement professionnel, à l'évolution des pathologies, de leurs traitements et de leurs remboursements.Chaque grande enseigne mutualiste a ainsi fourni une note détaillée à la ministre Open Vld. Note dans laquelle sont formulées des propositions issues d'une profonde réflexion sur l'ensemble des activités. Quels services fonctionnent bien ? Quelles améliorations dans un contexte budgétaire plus étroit de législature en législature ? Quelles attentes ? Une démarche positive que le secteur doit le plus inspirer, au risque sinon de voir se concrétiser des mesures de bureaucrates coupés de la réalité de terrain. Prudence de jésuite De son côté, la Mutualité chrétienne préfère ne pas dévoiler sa position. Après la remise des documents au cabinet De Block, le Collège intermutualiste national (CIN) a remis d'initiative une note commune, qui fait l'objet d'un trajet de discussions." Jean Hermesse, en tant que Président du CIN et secrétaire général de la MC, est soucieux de respecter la concertation sociale en cours. Il ne souhaite donc pas s'exprimer dans la presse pour l'instant et risquer de perturber le climat dans lequel ces discussions se poursuivront dans les semaines qui viennent ", fait savoir la mutuelle.Déterminer les objectifs du futur pacte, ses champs d'application dans les tâches administratives et exécutives des mutualités, fixer les limites de la refonte et de la gestion de l'assurance maladie, évaluer les performances financières des OA, garantir la bonne gouvernance dans un milieu déjà fortement contrôlé, sont autant de sujets qui ont le potentiel de fâcher. " Impossible de faire plus avec moins " Solidaris affiche moins de pudeur à propos de la forme qu'il convient de donner au fameux pacte. Cette convention doit viser pour objectif d'augmenter " la plus-value des mutualités vis-à-vis du citoyen, du patient et du gouvernement. La modernisation signifie également élargir, renforcer et innover vers une notion de 'service shift', une évolution du rôle de contrôle et d'information vers un service à la clientèle proactif avec des conseils, des orientations et de la protection ", peut-on lire dans la note de la mutualité socialiste.L'organisme rappelle d'ailleurs l'importance de sa vocation " sociale " face aux défis à relever, notamment dans l'assurance complémentaire. Et en particulier dans la couverture des tickets modérateurs. " Nous insistons sur le fait que le ticket modérateur peut être un frein à l'accès aux soins. Dans bien des cas, il ne modère pas, il empêche. C'est une position très politique d'imposer un ticket modérateur. 'Responsabilisation de tous les acteurs' en version officielle, 'faire payer au patient' une partie des économies en réalité ", nous explique Christopher Barzal, directeur de la communication.On supporte difficilement la diète budgétaire imposée par le Fédéral chez Solidaris, pour la simple raison que cela ralentit le processus de réforme. La réduction annoncée de 100 millions d'euros sur les frais d'administration met directement en cause les capacités d'investissement. " La logique du 'faire plus avec moins' est inacceptable, nous n'acceptons pas l'idée que les économies sur nos frais d'administration soient justifiées. Investir est une nécessité pour accompagner les affiliés dans un contexte social difficile ", souligne le dircom.Sous oublier que prévoir des moyens suffisants aidera le secteur à bénéficier le plus rapidement possible d'une informatisation maximale. Mesure qui permettra de continuer à garantir des délais de paiement corrects. " À ce sujet, avouons que les médecins de terrain sont moins conservateurs que leurs représentants syndicaux, ce sont surtout eux qui freinent ", estime-t-on chez Solidaris. Sur la place publique Les Mutualités libres ont pour leur part carrément prévu une communication publique de leur note transmise à Maggie De Block dans le courant de cette semaine. " Nous avons voulu en faire une synthèse pour présenter les éléments les plus parlants pour le secteur de la santé ", précise Xavier Brenez, directeur général de l'Union nationale des Mutualités libres.Désireux de quitter un modèle administratif pour adopter un modèle de services de santé, l'organisation a retenu 6 réformes prioritaires, abordées ici succinctement :1. Fixer des objectifs de santé belges pluriannuels, à utiliser comme balises pour les accords avec les médecins et autres prestataires de soins. En Belgique, les décisions ne sont pas guidées par des priorités de santé publique et l'évaluation de la performance de notre système de santé s'en voit diminuée.2. Améliorer l'éducation à la santé, en sensibilisant notamment les professionnels aux enjeux de la littératie de santé, aider les acteurs de la santé à simplifier le langage lors des consultations médicales ou dans les notices des médicaments. Le niveau belge de littératie de santé pourrait alors être considéré comme un indicateur de la qualité des soins et entrer en ligne de compte dans l'accréditation des hôpitaux.3. Rationaliser l'assurance complémentaire, en réorientant les interventions sur des besoins de santé prioritaires. Les prestations médicales devront répondre aux principes de l'evidence based practice, en étant validée scientifiquement et affichant une efficacité reconnue. Les " dérives commerciales " de type remboursement de la phytothérapie devront être exclues.4. Responsabiliser les médecins traitants dans la gestion de l'incapacité de travail, via notamment un profilage des gros prescripteurs et un procédé de sanctions financières. Il conviendra de renforcer le rôle également des médecins-conseils et de penser à un statut particulier pour les médecins spécialisés en la matière.5. Favoriser l'adhésion des prestataires aux tâches électroniques dans le cadre de la simplification administrative. À noter que les mutualités espèrent récupérer grâce aux projets d'informatisation une partie des économies qu'on leur a imposé sur les frais d'administration. À l'heure actuelle, la coexistence d'un circuit papier et d'un circuit digital ne leur permet pas.6. Lutter contre la fraude, en allongeant notamment de 5 à 10 ans le délai de prescription ou en accédant au détail des suppléments d'honoraires dans les hôpitaux. Le service de contrôle médical de l'Inami connaissant une cure d'amincissement, les mutualités veulent intervenir en soutien et renforcer l'échange de données consolidées entre organismes assureurs et institutions.Quoiqu'il en soit, " les mutualités ne veulent pas entrer en concurrence avec les médecins ", prend soin d'affirmer le patron des Mutualités libres.