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jdM : le Cium a soutenu, apparemment de guerre lasse, cet examen d'entrée, le préférant à la situation antérieure dramatique d'une sélection après trois ans ou d'un simple concours en fin de première, parce qu'il en faut bien un. Mais la " deuxième session " de septembre a produit 20% de réussite, ce qui sera considéré comme trop élevé... Vous risquez les éternels reproches : " il y en a trop "...Basil Sellam : Il y a plusieurs aspects à cela. Vu qu'on se doit de protéger les étudiants en médecine, et que notre souci premier est qu'ils obtiennent un numéro Inami, il faut une sélection à un moment donné. Concernant l'examen d'entrée proprement dit, le seul réel intérêt de cet examen c'est son côté " humain ". Je veux dire par là qu'il vaut mieux avoir un examen d'entrée qu'une sélection en fin de troisième ou pire, en fin de sixième. En revanche, certains autres aspects de l'examen ne nous satisfont pas, comme l'aspect scientifique. Les étudiants qu'on sélectionne sur base des connaissances scientifiques de base sont ceux qui feront les meilleurs scientifiques mais pas forcément les meilleurs médecins. L'examen n'est pas très efficace sur l'approche humaine. On ne peut pas tester l'empathie par QCM ! Le système de sélection actuel ne respecte de toute façon pas la réalité de terrain. Par exemple, au niveau de la pénurie, nous avons des chiffres qui sont sortis de la commission de planification, qui montrent qu'il y a une pénurie notamment en médecine générale. C'est grave car il s'agit d'une médecine de première ligne. L'instauration de cette sélection ne respecte pas cette situation de terrain. Il y a un vieillissement de la population des médecins par ailleurs. Un médecin sur trois en 2016 a plus de 60 ans. C'est criant. Il faut un renouvellement. Le système actuel du numerus clausus n'est pas bon. Il ne respecte pas la réalité de terrain. Mais on doit "faire avec" actuellement et attendre le nouveau gouvernement fédéral qu'il aborde rapidement ce dossier.Vous critiquez en fait le contenu de l'examen d'entrée. En étant proactif, pourriez-vous proposer un autre type d'examen ? Imaginez-vous dans la peau d'un officiel de l'Ares (Académie de recherche et d'enseignement supérieur) ?Sous la forme d'un examen d'entrée, il n'y a guère de moyens de sélection très différents. Les étudiants n'ont pas encore vu de matière médicale. Donc on ne peut utiliser que les sciences de base. On pourrait imaginer comme dans d'autres pays une forme d'interview. Il y aurait moyen de mieux sélectionner que l'empathie sous forme de QCM.On peut répondre sans être sincère, c'est ce que vous craignez ?Clairement, il n'y a pas de corrélation entre la réussite de l'examen d'empathie et l'empathie réelle. C'est quelque chose qui se jauge au niveau contact. Ce que l'on défendait comme système de sélection, comme en 2016, c'est le concours en fin de première année. D'un point de vue humain, c'est un peu moins bien que l'examen d'entrée mais c'est beaucoup plus humain qu'en fin de troisième ou de sixième. Au bout d'un an, on a plus de chance de sélectionner les futurs médecins car on a des matières scientifiques (anatomie...) sur lesquelles on peut les interroger. Avec ce système, on était certain aussi de ne pas avoir de surnuméraires.Mais quand même avec un fixus correspondant aux quotas ?Tout à fait. Comme on l'a proposé en 2016. Mais juridiquement, le système était attaquable.Est-ce que vous vous préparez aux critiques selon lesquelles trop d'étudiants ont réussi les deux sessions de l'examen d'entrée ?Oui. On peut déjà imaginer que la N-VA va mal réagir : les francophones exagèrent, etc. Le problème est que cela ne respecte pas la réalité de terrain. Les pénuries s'installent. Dans pas mal de spécialités. Sur le long terme, elles pourraient se généraliser. On se doit de garantir un numéro Inami même aux étudiants en réussite mais surnuméraires. Il est inacceptable que des étudiants qui ont réussi l'examen d'entrée doivent subir une nouvelle sélection en fin de 3e ou de 6e pour être sûrs d'avoir un numéro Inami.Seriez-vous pour des quotas fédéralisés (les sous-quotas par spécialité sont déjà de la compétence des Communautés) ?C'est une question sensible. En Région wallonne, on a pu se dire un moment : " Oui ce serait peut-être mieux qu'il y ait des quotas régionalisés ". La réflexion doit être encore poussée en fonction du nouveau gouvernement fédéral. Ce serait une possibilité. Une décision sera peut-être prise pour maintenir un système fédéral global régional qui puisse fonctionner sans une scission d'un point de vue régional.Venons-en aux médecins et étudiants étrangers... Ils viennent un peu vous grignoter la couenne, si je puis dire... Il y a des médecins européens, non-européens... Les étudiants étrangers sont essentiellement français... Quelle est la position du Cium ?Prenons les étudiants étrangers qui viennent dans nos universités : ils vont réussir leurs études et se verront attribuer un numéro Inami qu'ils n'utiliseront pas forcément. Les Français en particulier retourneront presque tous en France. Il y a tout de même un quota de 30% maximum d'étudiants étrangers qui peuvent passer l'examen d'entrée. Ceci dit, la sélection mise en place en Belgique est tout de même très simple par rapport à nos voisins européens. Nos études sont assez accessibles. Donner des Inamis à des étudiants qui ne les utiliseront pas est regrettable.Et puis il y a les médecins étrangers, européens ou pas, importés...De ce point de vue-là, il n'y a pas, en tout cas pour les médecins européens, de sélection. Il y a donc une forme de discrimination positive pour ces médecins. Mais pour l'instant c'est bénéfique puisqu'on vit une situation de pénurie. Il vaut mieux avoir des médecins étrangers même avec lesquels on a quelques problèmes de communication que ne pas avoir de médecins du tout ! Il faudrait d'abord augmenter le nombre de numéros Inami dévolus aux Belges (qu'il en sorte davantage des facultés de médecine belges) avant d'envisager de restreindre l'entrée aux médecins étrangers.Faut-il faire une différence (pour autant que cela soit possible juridiquement) entre médecins européens et non-européens ?Déjà maintenant, il y a un encadrement strict pour les non-européens, la présence du maître de stage est indispensable. Ils ne peuvent avoir un contact direct avec le patient. Mais même les médecins non-européens apportent une aide dans la situation où l'on se trouve.Pensez-vous que la commission de planification tient compte de cette " importation " de médecins étrangers ?Elle devrait le faire. L'essentiel serait de former plus de médecins belges et ensuite de réfléchir à l'importation. Pour l'instant, je suis d'accord de donner des " Inamis " aux médecins européens car on en a besoin.Qu'espérez-vous du prochain gouvernement fédéral (pour autant qu'on en dispose à brève échéance) ?L'installation d'un véritable cadastre dynamique et de véritables accords transrégionaux. Nous espérons des décisions prises tentant compte du long terme, notamment d'augmenter les quotas pour diminuer les restrictions actuelles à la formation de médecins belges. Et aussi des décisions qui impliquent les gouvernements fédéraux successifs pour sortir de cette situation de pénurie.Est-ce que vous communiquez suffisamment avec les organisations étudiantes flamandes ? Le ministre de la Santé publique fédéral, flamand ou francophone, est toujours " menotté " par le kern (conseil des ministres restreint). Aux dernières nouvelles, ces étudiants néerlandophones étaient souvent d'accord avec le ministre de tutelle au niveau des quotas, il faut bien le dire...En ce qui concerne notamment la VGSO (Vlaams Geneeskundig Studenten Overleg), il est évident que ce serait utile de trouver un terrain d'entente. Au final, la pénurie de généralistes concerne également la Flandre. Il faut agir de manière transfrontalière et "Belgique unie". On va d'ailleurs essayer de développer cela cette année.Au niveau du tronc commun en médecine, on dit qu'il manque énormément de compétences pour faire un médecin complet, la formation baisse d'année en année.Bien entendu, il manque certaines choses au cursus. La médecine va changer drastiquement avec l'arrivée des nouvelles technologies. L'intelligence artificielle (IA) va prendre une place de plus en plus grande dans toutes les spécialités médicales. Or rien n'est enseigné à ce sujet en Faculté. Quelles sont les restrictions à placer pour toutes ces technologies ? Au final, on se retrouve avec une formation presque la même qu'il y a 30 ans, concentrée sur le patient qu'on va soigner et pas sur les moyens pour le soigner. Il faut donc une formation sur l'informatisation de la médecine, la médecine augmentée, l'IA, etc. Concernant l'aspect humain, notre formation part du principe que le patient est toujours 100% compliant à tout ce qu'on lui dit. Si demain des machines posent de meilleurs diagnostics que nous, il faut développer le facteur humain... Nous ne pouvons rester non plus indifférents aux religion, culture du patient. Au niveau de la multidisciplinarité, le cursus est-il adapté au fait que le médecin seul face à son patient, ce n'est plus forcément la norme ?Pas du tout ! On nous apprend presque à être individualistes, d'autant plus avec tous ces systèmes de sélection. C'est une mauvaise chose bien sûr. La médecine est un travail de groupe.