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L'Agence fédérale du médicament semblait l'avoir anticipé, quand elle écrivait fin août : " La Belgique disposera de 2,9 millions de vaccins contre la grippe, une quantité supérieure comparativement aux années précédentes. Cette quantité sera suffisante pour couvrir la vaccination des groupes à risque, si le taux de vaccination est comparable à la saison précédente ".Mais comment tant ignorer à ce moment-là que nous sommes plongés en temps de pandémie, que l'on assène dans tous les journaux qu'il sera d'autant plus important cette année de se vacciner pour éviter une co-infection Covid-grippe potentiellement gravissime, que même les plus sceptiques face à la vaccination peuvent l'envisager pour protéger des aînés déjà bien décimés depuis mars ?Restait-il quelque chose à faire ? Sans doute réserver les doses aux pharmacies hospitalières et de ville, mais en priver la médecine du travail, au moins le temps que les groupes à risque soient vaccinés.Au lieu de cela, nous eûmes le chaos, des listes d'attente sans fin et multipliées, des pharmaciens agressés plusieurs fois par jour, des ultra-prioritaires privés de vaccin. En cause, selon l'enquête que l'Agence a fini par diligenter... quand il fut trop tard, des ventes importantes à certaines entreprises. Déjà, quand, la semaine dernière, nous annoncions qu'il n'y avait plus une dose à trouver dans les pharmacies, le porte-parole des pharmaciens Alain Chaspierre, subodorait un détournement massif vers des entreprises soucieuses de préserver leur force de travail mais irrespectueuses des priorités sanitaires. L'enquête de l'AFMPS a confirmé ce larcin : après avoir examiné la traçabilité des lots, elle a remarqué que " la moitié des vaccins antigrippaux ont été délivrés par les pharmaciens aux patients et aux services de médecine du travail ". Deux millions de doses se trouvaient sur le marché belge, mais seulement un million cent mille se trouvaient dans les officines belges, selon Chassepierre.Résultat : il y a quelques jours, l'Agence n'a eu d'autre choix que de proposer aux ministres de la Santé de prendre une mesure radicale. Annuler simplement la phase finale de la distribution des vaccins, qui devait permettre à des patients non prioritaires de faire le choix d'une vaccination contre une maladie qui fait quand même quelques milliers de morts les années où le virus est robuste et où le vaccin ne " matche " pas avec les souches australes de l'année précédente. De jeunes et résistants jeunes gens auront donc reçu des doses pour éviter quelques jours de repos, tandis qu'on ne pourra en fournir des milliers de patients qui étaient peut-être tout proches des critères de priorité définis par le Conseil supérieur de la Santé.Ce serait la dernière histoire belge, si elle ne venait après celles des masques, des respirateurs, des kits d'analyse, et récemment de l'oxygène en bonbonne, dont on vient à manquer à la maison, plus de sept mois après le déclenchement de la crise. Et ne parlons pas de la saga à rebondissement des tests ou du naufrage de l'appli de traçage, venue trop tard et restant inefficace.Quel était le dispositif mis en place par l'Agence pour éviter la fraude ? Ne peut-on attendre un dispositif plus sécurisé que des listes en papier. Quelles seront les éventuelles sanctions contre ceux qui ont enfreint l'échelonnement ? Et surtout quel dispositif pour éviter que cette situation se reproduise avec un futur vaccin anticovid ? À toutes ces questions, l'Agence du médicament n'a toujours fourni la moindre réponse.