...

Le jdM : Le statut palliatif concerne quels cas de figure ?Isabelle de Cartier : Le statut palliatif (SP) concerne deux situations : un patient à domicile ou un patient en maison de repos (et de soins). A l'hôpital, le patient n'a pas de SP.En quoi est-ce intéressant ?En matière de disponibilité, le médecin ne doit pas être tout le temps là. Le dossier est connu. Le médecin ne doit pas répondre sans cesse à l'appel du patient. Il y a aussi la présence/disponibilité d'une infirmière de 1ère ligne, 24 h sur 24. Là aussi, il y a turnover de l'infirmière. Le patient palliatif qui aurait besoin d'oxygène peut l'avoir d'office, sans autorisation préalable du spécialiste.Et financièrement ?A domicile, le patient reçoit deux fois un forfait de 652,53 euros. Ce forfait est renouvelable une seule fois après un mois. Il bénéficie du " forfait infirmier " (suppression du ticket modérateur). L'infirmier s'engage alors à une prise en charge permanente du patient, 24h/24 et 7j/7, et à consigner dans le dossier infirmier les résultats des réunions de coordination avec le MG. Pour les patients à domicile et en MR/MRS, le patient bénéficie de la suppression du ticket modérateur sur les visites du MG, d'une intervention gratuite des équipes de seconde ligne (kinésithérapie), d'un accompagnement psychologique gratuit pour le patient, ses proches, et les équipes soignantes. Les proches et aidants proches peuvent aussi bénéficier d'une interruption de carrière /congé pour soins palliatifs via une attestation à remplir par le MG.Quelles sont les conditions pour bénéficier de ce statut ?Le SP relève de l'article 2 de la loi de 2002 relative aux soins palliatifs. Il stipule que " tout patient a droit à des soins palliatifs lorsqu'il se trouve à un stade avancé ou terminal d'une maladie grave, évolutive et mettant en péril le pronostic vital, et ce quelle que soit son espérance de vie (...) ". Le patient palliatif doit être mis au courant de son état de santé. Il s'agit d'un patient souffrant d'une ou plusieurs affections irréversibles ou d'une détérioration sévère de sa situation physique /psychique alors qu'une intervention thérapeutique n'influence plus cette évolution défavorable. Il doit avoir l'intention de mourir à domicile et répondre à trois conditions supplémentaires : besoin de soutien et de surveillance en permanence, besoin de médicaments, de matériel de soins, de dispositifs ou d'assistance psychosociale, et besoin de surveillance ou de soins quotidiens de la part d'un infirmier.Qu'est-ce qui a changé ?Il y a environ un an, le législateur a décidé que le patient ne doit plus avoir une espérance de vie de trois mois. On peut mettre quelqu'un sous statut palliatif quelle que soit son espérance de vie. Il ne doit plus remplir de conditions sur le fil. Une personne vieillissante ne doit pas forcément avoir un horizon court et être palliative en tant que telle. On peut être en face de patients qui " s'éteignent comme une bougie ".Qui décide du SP ?La mise sous statut palliatif relève d'une concertation multidisciplinaire (patient, médecin, famille et équipe de soins) mais la décision finale revient au médecin traitant. Lui seul peut conférer le SP. La question qu'on pose au médecin pour les mettre sous ce statut c'est la Question de Lynn : " Seriezvous surpris si votre patient décédait dans l'année?".Le médecin doit remplir un formulaire à renvoyer au médecin-conseil de la mutuelle du patient. Les aides qualitatives et financières ne seront effectives qu'une fois le formulaire envoyé au médecin-conseil.Il y a une différence entre le document à remplir pour le statut à domicile et celui en maison de repos (et de soins) car l'environnement est différent. En MRS, il y a déjà un financement supérieur des soins de santé en général... C'est une chose que les médecins ignorent parfois.Quel avantage pour le médecin ?Un des gros avantages de la mise sous statut palliatif est que le médecin qui n'est pas forcément spécialisé en soins palliatifs peut faire appel gratuitement aux équipes de seconde ligne qui sont prêtes dès que le patient est sous SP. Ce sont des infirmières et médecins qui font cela tous les jours.Y a-t-il un déficit d'information autour de ce statut palliatif ?C'est certain. Les législations avancent vite. La difficulté que nous rencontrons concerne l'approche de la médecine : c'est l'art de guérir. Envisager qu'on ne fait " que " soulager la souffrance qui est là, ce n'est pas toujours facile à admettre pour le médecin.Les médecins ont-ils bien imprimé l'importance en la matière de la multidisciplinarité, ou bien cela dépend-il de l'âge, les médecins seniors étant encore un peu " solitaires " dans leur approche et les jeunes plus convaincus par cet aspect ?Tout à fait. Les jeunes sont plus en ligne, plus dans une optique de réseaux. Par contre, ils sont aussi plus proches de l'idée de la toute-puissance de la médecine. Les plus âgés savent mieux que parfois, il n'y a pas d'espoir.Vous en parliez, les équipes palliatives sont composées essentiellement d'infirmières ?Oui mais il y a toujours un médecin qui " accompagne " l'équipe. Il y a des réunions toutes les semaines pour évaluer la situation. Le médecin ne sait pas aller voir tous les patients. C'est en support. Le médecin de l'équipe de seconde ligne prend évidemment contact avec le médecin de première ligne en cas de problème.Pour l'aspect psychologique, ô combien important, qu'est-ce qui est prévu ?C'est un tout petit peu complexe. Pour le malade, les psychologues cliniciens font partie de la plateforme de soins palliatifs. Le législateur avait prévu que le patient puisse bénéficier d'une aide psychologique mais il ne voulait pas une confusion de rôle. Si le patient a besoin d'une aide psychologique, l'équipe de seconde ligne le repère et fait appel à nos équipes.Quel est le coût pour la sécu de ce statut palliatif ?(ndlr : en 2016, les dépenses Inami pour le forfait patient soins palliatifs s'élevaient à 16.796.000 euros, soit une augmentation de 3,34 % par rapport à 2015. Le nombre de cas visés est passé de 25.115 en 2015 à 25.955 en 2016, soit aussi une augmentation de 3,34%). Il faut prévoir une augmentation des budgets, suite à la décision de ne plus exiger une espérance de vie de 3 mois. Mais il faut être bien conscient qu'un patient palliatif à domicile coûte bien moins cher qu'un patient palliatif en hôpital. Donc, on gagne sur tous les tableaux. C'est pourquoi il est vraiment important de rappeler l'importance des soins à domicile.