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Chaque année, Médecins Sans Vacances envoie des psychologues bénévoles belges dans des centres psychiatriques en République démocratique du Congo (RDC), pour travailler à l'amélioration des soins. Durant ces missions, l'accent est mis sur le renforcement des capacités au moyen de l'échange des connaissances avec le partenaire local.Anne Malfait, psychologue clinique, est actuellement en mission pour deux semaines à Bukavu dans le sud Kivu (Est du pays) à l'hôpital Neuropsychiatrique Sosame. " Le centre psychiatrique de Sosame est le seul centre de santé mentale dans toute la province du Sud-Kivu; une région qui compte plus de 5 millions d'habitants ! Un contraste violent avec la Belgique, qui fait partie du top mondial en termes de nombre de lits d'hôpitaux dans le domaine de la psychiatrie. " La bénévole exerce à temps plein comme psychologue clinique à Bruxelles et part deux fois par an pour des missions de courte durée avec MSV. Pour le projet à Bukavu, le trajet de renforcement de capacité se fait sur une période de trois ans renouvelable, et est déterminé par les chargés de projets avec les hôpitaux partenaires, en fonction de l'état de l'évolution et des points à améliorer. " Pour cette mission, j'ai reçu des objectifs de psychologie clinique infantile. Nous travaillons des thèmes qui sont demandés par l'hôpital qui concerne la théorie de l'attachement entre la mère et le bébé, les psychoses puerpérales ou encore la psychologie du développement du jeune enfant jusqu'à six ans." Quand la pratique ne rejoint pas la théorie La journée type de la bénévole se partage entre pratique et théorie, deux formes de connaissances qui ne sont pas toujours évidentes à relier. C'est d'ailleurs une des grandes difficultés rencontrées par la psychologue dans sa mission. " En général ici à Bukavu, le matin je suis plongée dans la clinique hospitalière et ambulatoire et l'après-midi, je donne des formations théoriques au personnel. Nous essayons d'établir un lien entre les situations cliniques et la formation qui leur est donnée. Ce n'est pas évident car les malades hospitalisés ne sont pas toujours des exemples qui illustrent ce qu'on veut montrer dans la formation théorique ", raconte la psychologue. Et d'ajouter " Ce qui est intéressant, c'est d'inscrire tout cela dans des missions sur plusieurs années pour nous permettre de garder une mémoire collective des situations cliniques."Des objectifs progressifsSelon Anne Malfait, un gros effort a été fourni pour couvrir les consultations infantiles de psychologie clinique. " C'est la troisième fois que je viens à Bukavu et je vois que progressivement les psychologues commencent à mettre du matériel spécifique à disposition et les consultations deviennent de plus en plus nombreuses. Ils envisagent d'hospitaliser des enfants et aussi de permettre à des psychologues de faire des consultations ambulatoires pour les enfants. Au niveau des diagnostics, ce n'est pas évident, car on rentre dans le domaine de la psychopathologie infantile qu'il faut connaître. C'est un gros travail à fournir en plus des missions de l'hôpital, qui sont en général des hospitalisations psychiatriques adultes."Si l'ambulatoire n'est pas l'activité principale de l'hôpital, elle reste nécessaire. " Les situations critiques ne nécessitent pas forcément une hospitalisation lourde mais il faut pouvoir recevoir les personnes, faire le point et combler la partie médicamenteuse éventuelle. Il y a toujours un infirmer, un médecin, ainsi qu'un psychologue. En ce qui concerne l'enfant, il s'agit d'un travail spécifique qui nécessite une formation. Ici nous avons des psychologues de terrain déjà très compétents, dont la compétence peut malgré tout encore être étoffée évidemment, mais qui sont habitués à une clinique traumatique. Toute la clinique ici est traumatique d'ailleurs en particulier à Bukavu. " Un lien avec l'Afrique" J'ai un lien avec l'Afrique qui est tout à fait personnel. Un de mes oncles habitait au Congo et venait fréquemment me parler de ses aventures africaines lors de la colonisation. Mes grands- parents ont vécu en Afrique avant la première guerre mondiale. Je suis donc tombée dedans quand j'étais petite. Et maintenant j'ai ce bonheur de conjuguer deux grands amours, celui de l'Afrique et de la psychologie clinique. Je trouve cela extrêmement gratifiant pour mon trajet personnel." Pour la psychologue belge " une fois que l'on commence des missions, il faut y aller régulièrement. S'y rendre de temps en temps n'a pas beaucoup de sens, car le lien avec les collègues ne se créé pas et le rapport au trajet de renforcement de capacité dans l'hôpital ne s'inscrit pas. Mais une fois qu'on y a pris goût, on risque d'être dans la récidive et c'est ce qui m'arrive autant au Congo qu'au Burundi d'ailleurs."Une expérience enrichissanteDe retour en Belgique son expérience se répercute sur son travail de psychologue. " Mes collègues connaissent mon intérêt pour l'Afrique et m'adressent des patients africains. On apprend énormément au niveau psychologique lorsqu'on va fréquemment sur ce continent : l'importance de la famille, du garde malade et de la place qu'ils laissent à la parole. Ces caractéristiques de la psychologie africaine ont largement enrichi mon parcours personnel. Sur le plan professionnel, nos connaissances en Europe sont plus approfondies qu'en Afrique, mais eux ont une manière d'être et de vivre dans un monde où ils connaissent l'importance de la parole, de la relation à l'autre, de la famille et nous avons à apprendre d'eux. Ce sont des échanges importants."Carole Stavart