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médecine nucléaireL'étude, publiée récemment dans la revue JAMA, rapporte un cas de contamination intervenu dans l'Arizona après crémation d'un patient traité au moyen d'un médicament radioactif intraveineux dans le cadre d'une tumeur neuroendocrine du pancréas. L'enquête réalisée par le crématorium a révélé que des particules radioactives s'étaient déposées sur l'appareillage, en ce compris le four, le filtre du système d'aspiration et la machine utilisée pour le broyage des résidus osseux. Les urines de l'opérateur semblaient exemptes de cette substance mais présentaient une micro-contamination par un autre produit radioactif, ce qui trahit une exposition antérieure.Un cas similaire a été signalé l'an dernier aux Pays-Bas, où les employés d'un crématorium ont été exposés à des substances radioactives au cours du traitement des cendres et du nettoyage du four. Dans les deux cas, l'exposition aux radiations serait toutefois restée en-deçà du niveau potentiellement dangereux ; il n'était donc pas question d'un risque de santé pour les travailleurs concernés.En Belgique, il n'existe aucune législation spécifique sur l'incinération des défunts en présence d'un risque de radiation - une problématique, d'après les estimations de l'Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN), qui concernerait chaque année une soixantaine de cas avec un niveau de radioactivité mesurable.La procédure qui s'applique à l'heure actuelle prévoit la possibilité, pour le médecin qui constate le décès, de cocher sur l'acte de décès modèle IIIC une case signalant que le patient représente un risque d'exposition à des radiations ionisantes. Malheureusement, celui qui constate le décès n'est pas toujours le médecin traitant et n'est donc pas toujours lui-même au courant de ce risque éventuel... et, en l'absence d'une base de données centralisée, il est actuellement impossible d'accéder à l'information ad hoc.Le CSS recommande donc de munir ces patients d'une carte d'avertissement ou d'un autre document signalant clairement le risque pour les tiers - une approche que l'UZ Leuven, par exemple, applique en informant soigneusement le patient, son généraliste et les spécialistes qui l'accompagnent dans son parcours de la période de sécurité. Passé ce délai, la dose de radiation retombe en-dessous d'un certain seuil et le patient peut le cas échéant être incinéré en toute sécurité. Lorsqu'il quitte l'hôpital, le malade reçoit en outre une " patient safety card " qui précise quel traitement lui a été administré et à quelle dose, et spécifie aussi pendant combien de temps il conviendra de prendre des mesures de sécurité supplémentaires en cas de crémation ou d'autopsie.Les recommandations pour les patients traités au moyen de substances radioactives qui décèdent à l'hôpital stipulent que la dépouille ne peut quitter l'établissement que lorsque le débit de dose est retombé en-dessous du seuil de sécurité. Il est toutefois extrêmement rare qu'un patient décède peu après l'administration de radio-isotopes et présente encore un débit de dose élevé.À l'hôpital comme à domicile, on observe toutefois dans la pratique que l'on omet encore souvent de mentionner le risque de radioactivité sur l'acte de décès. Le plus souvent, l'entrepreneur des pompes funèbre n'en est donc pas informé, souligne Johan Dexters, président de la Fédération Royale des entrepreneurs de pompes funèbres de Belgique (Funebra asbl). " Ce n'est vraiment que dans des cas exceptionnels que les hôpitaux le signalent en apposant sur la housse de corps le logo bien connu, afin d'appeler à une prudence toute particulière lors de la présentation ou de la mise en bière ", explique-t-il. " Le problème, c'est que bien des médecins ne savent pas comment remplir correctement le formulaire modèle IIIc. "Signalons au passage que le médecin peut demander sur l'acte de décès une mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique. Ceci ne garantit toutefois pas la protection du personnel du crématorium, puisque les cercueils aux parois intérieures en zinc utilisés à cette fin ne se prêtent pas à l'incinération et devront donc être rouverts.Le CSS aussi est bien conscient du problème et observe dans ses recommandations d'octobre 2008 que le processus de notification ne fonctionne pas toujours de manière optimale. À ce jour, il arrive donc encore et toujours que des patients décédés soient incinérés sans que le crématorium ne soit informé du risque de radiation.Au terme d'une enquête réalisée en 2008 dans deux crématoriums belges, l'AFCN estime toutefois que cette situation n'est pas réellement problématique. L'évaluation de l'exposition tant interne qu'externe chez un certain nombre d'employés n'a en effet pas mis au jour de contamination significative pour autant que les procédures de sécurité classiques (port d'un masque et de gants, ne pas ouvrir le four au cours de la crémation, etc.) soient rigoureusement respectées.Même en cas d'entorse aux procédures, l'exposition du personnel du crématorium resterait de toute façon en-deçà de la limite de sécurité, a encore précisé l'agence sur la base de simulations réalisées après extrapolation des données. Seul petit bémol : celles-ci ne disent pas s'il existe un risque de cumul de l'effet en cas d'expositions répétées. En dépit du caractère minime de ce risque radiologique, l'AFCN estime donc qu'il reste important de respecter le principe de précaution et organisera prochainement une campagne de sensibilisation à l'intention des crématoriums.Patrick De Neve'Radiation Contamination Following Cremation of a Deceased Patient Treated With a Radiopharmaceutical', Nathan Y. Yu et al., JAMA. 2019;321(8):803-804. doi:10.1001/jama.2018.21673