Pour ce dernière épisode de la série d'été sur les ONG, le journal du Médecin a traversé - virtuellement - l'Atlantique pour rencontrer Physicians for Human Rights (PHR). L'organisation s'échine depuis plus de 30 ans à lutter contre les atrocités de masses (crimes contre l'humanité, génocides et crimes de guerre) mais aussi les actes causant des dommages mentaux ou physiques aux individus, tels que la torture. Pour arriver à ces fins, PHR mise sur la science (médecine légale, examen médical et psychologique de victimes, recherche épidémiologique) et le rôle politique que doivent endosser les médecins à travers le monde.
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Tout commence en 1981, lorsque le Dr Jonathan Fine, officiant au North End Neighborhood Health Center de Boston, reçoit un coup de téléphone d'un professeur d'histoire de Harvard. L'objet de l'appel : trouver un médecin hispanophone volontaire pour aller au Chili d'urgence afin de prendre la tête d'une délégation cherchant à libérer trois médecins ayant " disparus " sous le régime brutal d'Augusto Pinochet.L'histoire est lancée. La semaine suivante, le Dr Fine dirige la délégation qui allait libérer ces personnes. " Ils étaient psychologiquement terrorisés ", se rappelle le Dr Fine. " C'était une expérience incroyable. Les entendre eux mais aussi d'autres survivants à la torture qui ont souffert d'abus indicibles a changé ma vie. Leur témoignage était si choquant que dans les années qui ont suivi, j'ai quitté ma pratique médicale pour me consacrer à ce travail à plein temps. "Quel travail ? Celui de la défense des droits de l'Homme aux quatre coins du globe. Car le Dr Fine s'est rapidement rendu compte que le réseau de personnes qualifiées que constituent les médecins à travers le monde était une ressource immense et inexploitée pour les mouvements des droits de l'Homme. C'est pourquoi en 1983 il fonda l'American Committee for Human Rights. " J'ai vu l'énorme impact que chaque individu pouvait avoir...Comment nous pouvions changer le comportement même d'un gouvernement ", se remémore le Dr Fine. " En tant que médecins, nous avons le devoir d'empêcher l'horreur de la torture."Il n'était pas tout seul à poursuivre cet objectif. En 1985, Jean Mayer, alors président de la Tufts Univeristy, envoie le Dr Jane Green Schaller, pédiatre en chef, en Afrique du Sud pour examiner la santé des enfants sous l'apartheid. Elle en revint transformée, après avoir été témoin de la brutalité, de la dépression d'une société qui dénigrait alors les droits de l'Homme, avec l'ambition de mobiliser ses collègues pour faire la différence.Robert Lawrence, mentor de plusieurs générations de résidents en médecine interne au Cambirdge Hospital a rejoint le Dr Fine après une mission pour défendre les droits de l'Homme à El Salvador en 1983. Enfin, Carola Eisenberg, Doyen des affaires étudiantes à la Harvard Medical School, dont des membres de la famille et des amis ont été assassinés lors de la " Guerre sale " dans son Argentine natale rejoint également le Dr Fine après avoir participé à cette mission à El Salvador.En 1986, ces médecins fondent Physicians for Human Rights.Les médecins sont d'une importance capitale pour la défense des droits de l'Homme. " Il n'y a pas de groupe professionnel mieux placé que les médecins ", estime Donna McKay, directrice exécutive de l'association depuis 2012. " Les médecins sont guidés par un ensemble de valeurs éthiques, dont la principale est 'D'abord ne pas nuire'. Ils ne sont pas vus simplement comme des scientifiques, mais comme des sauveurs de vies et des protecteurs. Il est logique que les médecins s'inscrivent dans un mouvement global de défense et de maintien des droits de l'Homme. "En tant qu'organisation, PHR appelle les médecins à faire plus que simplement défendre les droits de l'Homme. " Nous demandons aux professionnels de la santé de faire ce qu'ils peuvent pour prévenir les atrocités avant qu'elles n'arrivent. "L'horreur des deux conflits mondiaux du XXième siècle a amené dans son sillage un ensemble de règles à respecter, même en temps de guerre. " Mais ces normes s'évaporent devant nos yeux ", regrette Donna McKay. " Des médecins et des hôpitaux sont ciblés en Syrie et au Yemen, des dirigeants impitoyables assiègent leur propre peuple, et l'on empêche l'aide humanitaire d'arriver aux civils. Tous sont des crimes de guerre et exigent une réponse, mais le silence de la communauté internationale est assourdissant et les auteurs continuent en toute impunité. " La Syrie est, bien sûr, le principal exemple de ce type d'impunité. " Depuis le début du conflit, nous avons documenté 478 attaques contre des établissements de santé et le décès de 826 membres du personnel médical. "En plus des atrocités perpétrées en Syrie, PHR a observé des bombardements sur des cliniques en Afghanistan, des équipes de vaccination contre la polio embusquées au Pakistan; des aides à la santé bloquées au Sud-Soudan et la destruction des infrastructures civiles au Yémen qui a déclenché une vague de maladies évitables. " Cela peut sembler évident, mais les attaques contre les hôpitaux et les infrastructures des soins de santé ne font pas que tuer médecins et patients : ils compromettent la vie d'innombrables personnes qui ne peuvent plus trouver de traitement ", explique la directrice. " C'est un moyen cruel de prolonger la souffrance, et c'est un crime. Les professionnels de la santé du monde entier, même ceux qui sont loin des zones de conflit, ne peuvent ignorer ces crimes. "La crise migratoire a rapproché le conflit syrien de nos frontières. Pour PHR, les médecins belges et européens doivent faire preuve de leadership, de compassion et de soutien par rapport aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. " Les médecins qui travaillent avec des réfugiés ont une compréhension profonde de l'angoisse physique et mentale que beaucoup de personnes fuient les zones de guerre ont subi. Ils doivent utiliser cette expérience pour s'exprimer au nom des personnes vulnérables. "Plus d'informations: physiciansforhumanrights.org