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"La réussite de la vaccination est formidable quand on voit la baisse de prévalence des maladies pour lesquelles nous avons des vaccins. Aujourd'hui", met néanmoins en garde le Pr Plotkin, " nous devons développer de nouveaux vaccins et améliorer ceux qui existent. "Pourquoi ne sommes-nous pas satisfaits de certains vaccins ? " Il faut admettre que l'efficacité du vaccin contre la grippe n'est pas satisfaisante (60% et souvent beaucoup moins). Le problème c'est que ce vaccin est basé sur une partie du virus qui mute souvent, la tête de l'hémagglutinine (HA). Comment améliorer son efficacité ? Dans un premier temps, on est passé des vaccins trivalents aux quadrivalents ; on peut aussi mettre des adjuvants plus puissants, plus immunogènes, comme MF-59 ou AS01 ; ou faire un vaccin pour les personnes âgées et y mettre une plus grande dose d'hémagglutinine. " En Amérique du Nord, il existe en effet un vaccin contre la grippe destiné aux plus de 65 ans, dont le dosage en virus grippaux est quatre fois plus élevé que dans le vaccin classique (60 microgrammes vs 15)." Mais, on peut faire mieux ", ajoute-t-il. "Par exemple, ajouter une neuraminidase ; essayer la stratégie 'prime boost' (amorce-rappel) ; rajouter d'autres épitopes. Aujourd'hui, on étudie aussi la stratégie de la 'tige' qui mute moins souvent que la tête de l'HA. Il n'y a que deux tiges différentes donc, si on peut développer un vaccin basé sur ces tiges, il sera peut-être plus efficace. "" Il y a beaucoup de questions ouvertes en immunologie. Par exemple, comment stimuler la mémoire, analyser les antigènes de virulence, appréhender le problème génétique (réponses différentes aux vaccins, multiples types HLA), les épitopes conservés, les corrélats de protection, l'immaturité du système immunitaire chez les petits enfants et la sénescence de ce système chez les personnes âgées... "" L'hésitation vaccinale est une question très complexe et pour laquelle aucune réponse simple ne peut être donnée ", observe Stanley Plotkin. " L'Angleterre est le pays qui arrive le mieux à convaincre le public de se vacciner, parce que son gouvernement fait beaucoup de publicité pour la vaccination en expliquant pourquoi il faut le faire. En revanche, dans les pays où la vaccination est basse, comme les pays de l'Est, on note une ignorance du public et des médecins et un manque d'intérêt des gouvernements. "" En Belgique, il y a deux images ", précise le Pr Pierre Smeesters (Huderf). " L'un des organisateurs du symposium Saint Valentin : dans la partie francophone, on n'a pas de données chiffrées sur l'hésitation vaccinale mais, selon notre expérience, elle est moins élevée qu'en France, mais plus qu'en Flandre où ils se sont organisés depuis 20 ans pour diffuser les messages de vaccination de façon transversale dans la population. "" Ensuite, la formation des médecins est très importante. Dans les pays où ils ne reçoivent pas une bonne éducation sur ce sujet, la vaccination est plus basse. La raison en est très simple : si les médecins ne sont pas convaincus, ils ne vont pas convaincre les patients. Enfin, la thématique de la vaccination est compliquée, elle change tout le temps et les médecins ne sont pas à l'aise. "Le climat antivaccination est un thème qui préoccupe le pédiatre : " Il nous interroge sur nos attitudes et sur la façon dont les médecins défendent les vaccins. Regardez ce qui se passe avec la rougeole à Bruxelles pour l'instant, cela reflète ce qui se passe dans le monde. " Pour lui, si l'OMS a pointé la méfiance vis-à-vis des vaccins comme une priorité pour 2019 c'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, parce que l'OMS a le rôle de réveiller tout le monde et, en même temps, il est difficile de répondre à cette question.Néanmoins, une des façons de le faire est de promouvoir les connaissances en matière de vaccins de la population et du corps médical. C'est justement ce que s'attache à faire Pierre Smeesters en participant au groupe de travail qui met sur pied un Certificat interuniversitaire en vaccination (ULB/UCL/ULg) (120 h, surtout e-learning). Il devrait être prêt pour la rentrée 2019-2020 et sera ouvert à tout le monde avec deux niveaux d'approfondissement : le premier ciblera les sages-femmes, paramédicaux, journalistes, industrie, santé publique... et ne nécessitera pas de prérequis scientifiques. Le deuxième niveau sera plutôt destiné aux médecins spécialistes (pédiatres, infectiologues...).Si le Pr Smeesters met de l'énergie dans la formation des médecins et l'éducation du public c'est parce qu'il croit qu'il y a encore des zones d'amélioration pour expliquer pourquoi et comment on vaccine, sans devoir en passer par l'obligation vaccinale comme en France : " Tout le monde n'est pas du même avis et les données en Italie et aux États-Unis suggèrent que l'obligation vaccinale fonctionne, que les taux de couverture sont meilleurs et qu'on a moins de morbi/mortalité. À côté, on a le contre-exemple de l'Angleterre qui intègre, très en amont, la population dans ses stratégies vaccinales (focus groupes, patients partenaires...). Pour moi, c'est une approche intelligente, on doit sortir de cette forme de paternalisme, mais c'est un débat très large... ", concède-t-il.