Tandis que certaines civilisations voient en la mort la prolongation de l'existence, les Occidentaux que nous sommes y voient avant toute chose la limite de notre potentielle toute-puissance, non sans frustration. Parallèlement, quoique nous respections sa remarquable efficacité, nous ne cachons pas notre prétention de vouloir grignoter fièrement les parts de marché de ce concurrent déloyal. Ceci est surtout vrai à une échelle sociétale.

En abordant la question au niveau du groupe de soignants, la mort d'un patient devient une tâche concrète à gérer. Dans l'inconscient collectif médical et paramédical, elle doit d'ailleurs s'en tenir à ce rôle impersonnel et ne surtout pas nous affecter, sans quoi, d'après un dogme dont j'ignore la source, nous ne pourrions réaliser notre travail correctement. Nous devons l'anticiper par un projet de soins spécifique au patient, l'annoncer aux proches selon des codes qui s'apprennent, maîtriser les démarches administratives, puis retourner nous occuper des vivants, coeur de notre métier.

L'avantage d'être étudiant est de pouvoir poser un regard externe sur le quotidien de mes futurs pairs. Certains vont prendre plusieurs minutes pour en discuter avec l'équipe qui suivait le défunt. D'autres, notamment en cas de décès inattendu, vont se demander ce qu'ils auraient pu faire de mieux. Et il y a ceux qui vont banaliser le décès des patients, car "la mort touche tout le monde" et "qu'ils sont parfois mieux ainsi" et que "c'est la vie".

Chez toute personne non initiée, la mort provoque une première réaction universelle : la peur, liée au rappel de notre condition éphémère, de notre insignifiance absolue dans cet univers dont nous ne savons toujours ni l'origine ni l'aboutissement. En réponse, deux solutions s'offrent à nous : nier ou accepter cette peur instinctive, biologique. Prétendre ne pas craindre la mort est illusoire et mène au mieux à une déshumanisation, au pire à un repli.

Mais embrasser cette peur n'est pas naturelle pour le soignant, car cela amène à reconnaître sa faiblesse et surtout à être affecté par un patient. Un des obstacles majeurs à cette démarche est l'absence d'occasions pour discuter ouvertement de la mort dans nos milieux. Dans une maison médicale où j'ai effectué mon stage, au contraire, le décès d'un patient fait l'objet d'une annonce solennelle à lors d'une réunion d'équipe et donne la possibilité au personnel de s'exprimer.

Au final, il me semble que l'attitude des soignants vis-à-vis de la mort est parfois ambiguë. Si la mort fait partie de notre quotidien, elle ne doit pas être banalisée. La mort est "normale" en ce qu'elle fait partie de la vie, mais elle en est un moment d'exception qui la clôture définitivement. Elle apporte désarroi ou soulagement mais est rarement neutre. L'entourage est le premier concerné, mais le soignant aurait tort de se croire immunisé contre son caractère exceptionnel. Si on accepte de s'ouvrir aux questions qu'elle soulève inévitablement, elle peut alors élever, enrichir, humaniser.

Tandis que certaines civilisations voient en la mort la prolongation de l'existence, les Occidentaux que nous sommes y voient avant toute chose la limite de notre potentielle toute-puissance, non sans frustration. Parallèlement, quoique nous respections sa remarquable efficacité, nous ne cachons pas notre prétention de vouloir grignoter fièrement les parts de marché de ce concurrent déloyal. Ceci est surtout vrai à une échelle sociétale.En abordant la question au niveau du groupe de soignants, la mort d'un patient devient une tâche concrète à gérer. Dans l'inconscient collectif médical et paramédical, elle doit d'ailleurs s'en tenir à ce rôle impersonnel et ne surtout pas nous affecter, sans quoi, d'après un dogme dont j'ignore la source, nous ne pourrions réaliser notre travail correctement. Nous devons l'anticiper par un projet de soins spécifique au patient, l'annoncer aux proches selon des codes qui s'apprennent, maîtriser les démarches administratives, puis retourner nous occuper des vivants, coeur de notre métier. L'avantage d'être étudiant est de pouvoir poser un regard externe sur le quotidien de mes futurs pairs. Certains vont prendre plusieurs minutes pour en discuter avec l'équipe qui suivait le défunt. D'autres, notamment en cas de décès inattendu, vont se demander ce qu'ils auraient pu faire de mieux. Et il y a ceux qui vont banaliser le décès des patients, car "la mort touche tout le monde" et "qu'ils sont parfois mieux ainsi" et que "c'est la vie".Chez toute personne non initiée, la mort provoque une première réaction universelle : la peur, liée au rappel de notre condition éphémère, de notre insignifiance absolue dans cet univers dont nous ne savons toujours ni l'origine ni l'aboutissement. En réponse, deux solutions s'offrent à nous : nier ou accepter cette peur instinctive, biologique. Prétendre ne pas craindre la mort est illusoire et mène au mieux à une déshumanisation, au pire à un repli. Mais embrasser cette peur n'est pas naturelle pour le soignant, car cela amène à reconnaître sa faiblesse et surtout à être affecté par un patient. Un des obstacles majeurs à cette démarche est l'absence d'occasions pour discuter ouvertement de la mort dans nos milieux. Dans une maison médicale où j'ai effectué mon stage, au contraire, le décès d'un patient fait l'objet d'une annonce solennelle à lors d'une réunion d'équipe et donne la possibilité au personnel de s'exprimer. Au final, il me semble que l'attitude des soignants vis-à-vis de la mort est parfois ambiguë. Si la mort fait partie de notre quotidien, elle ne doit pas être banalisée. La mort est "normale" en ce qu'elle fait partie de la vie, mais elle en est un moment d'exception qui la clôture définitivement. Elle apporte désarroi ou soulagement mais est rarement neutre. L'entourage est le premier concerné, mais le soignant aurait tort de se croire immunisé contre son caractère exceptionnel. Si on accepte de s'ouvrir aux questions qu'elle soulève inévitablement, elle peut alors élever, enrichir, humaniser.