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L'un des aspects évoqués de manière récurrente a concerné le premier contact, souvent difficile, et ce pour différentes raisons. Souvent, le patient ne reconnaît pas lui-même qu'il nécessiterait une aide psychologique. C'est ce qu'a expliqué Thierry Lottin (psychologue clinicien, président de l'Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones) qui donnait l'exemple de la personne alcoolique vivant dans le déni de son affection. De même, certains patients qui pourraient bénéficier d'un soutien psychologique, sont dans le déni - voire l'ignorance - de leur situation.Cet aspect a également été souligné par le Dr Olivier Mariage, qui a rappelé plusieurs points importants concernant la détection et la prise en charge de la détresse psychologique en première ligne. Ce généraliste, directeur de maison médicale, impliqué dans la mise en place du réseau 107 dans la région de Tournai, a défendu le paradigme holistique de la prise en charge en santé mentale, et la place privilégiée occupée par le médecin de famille pour traiter le patient en prenant en compte son environnement.Mais, a-t-il constaté, la formation des généralistes en santé mentale est très lacunaire et éloignée de la complexité de la réalité. " L'aspect psy embarrasse certains médecins ", reconnaît-il, tout en revendiquant le statut privilégié du MG dans la continuité des soins.Le Dr Mariage remarque également que les généralistes connaissent souvent mal les autres acteurs en santé mentale (" A Tournai, il y a 10 MG impliqués sur les 150 acteurs que compte le réseau "). A ses yeux, la collaboration multidisciplinaire est une évidence, mais il faut que les médecins sachent à qui s'adresser...Martine Vermeylen, psychologue, membre du CA de l'Union professionnelle des psychologues, a surenchéri : médecins et psychologues doivent collaborer en première ligne. Elle a néanmoins soulevé l'écueil de la loi qui, selon elle, risque de casser les bonnes pratiques existant. " C'est le patient qui en fera les frais ", a-t-elle estimé.Un des points d'accroche du débat a été le modèle d'organisation et de financement des soins psychologiques proposé par le KCE dans un rapport sorti en avril 2016*. Dans ce modèle, le MG peut établir un bilan fonctionnel, il a la possibilité de faire des consultations longues (leur nombre est toutefois limité à cinq) pour prodiguer un soutien de courte durée, avec possibilité de faire appel à un avis psychiatrique ponctuel.Le médecin généraliste peut orienter les patients, a estimé Koen Lowet, administrateur délégué de la Fédération belge des psychologues. Se réjouissant, comme la majorité des intervenants, de la reconnaissance du psychologue clinicien comme professionnel de santé, il a évoqué brièvement l'historique long et tumultueux de cette loi et a commenté le " modèle " proposé par le KCE, notamment en ce qui concerne la place des psychologues en première ligne.En Région flamande, sept projets pilotes ont impliqué des ELPF (eerstelijnspsychologische functie) assurant une prise en charge de première ligne pour les problèmes psychologiques non-complexes dans le cadre des structures existantes. Ces psychologues cliniciens, auprès de qui les patients sont référés par un généraliste, peuvent prodiguer un suivi de courte durée. Chaque projet devait établir une collaboration structurée avec au moins un Samenwerkingsinitiatief Eerstelijnsgezondheidszorg (SEL), le(s) cercle(s) de MG locaux et un Centrum voor Geestelijke-Gezondheidszorg (CGG). Ces projets menés entre 2011 et 2015 ont été prolongés.Autre différence communautaire notable : en Flandre, les CGG ne sont en principe accessibles que sur référence (avec une tolérance de 25 % de cas en accès direct), tandis que dans la partie francophone du pays, leur équivalent (les Services de santé mentale-SSM) sont accessibles directement. Koen Lowet a souligné cet différence communautaire, faisant remarquer que de ce fait, l'aide psychiatrique est accessible en première ligne via les SSM, tandis qu'elle fait partie de la deuxième ligne en Flandre.Un des freins à l'accès à un suivi psychologique concerne les listes d'attente, et le manque d'information des patients qui, à partir du moment où ils souhaitent se faire aider, savent rarement à qui s'adresser.Cet aspect a été mis en valeur par le témoignage d'un patient dépressif, dans son récit de sept années de recherche d'une thérapie adéquate. Tine Daeseleire, psychologue clinicienne et thérapeute comportementaliste, a souligné la nécessité de campagnes d'information et de sensibilisation à destination du public. L'objectif étant également de déstigmatiser le recours à une aide psychologique.La thérapeute, qui enseigne à la KULeuven, a également insisté sur une évaluation nécessaire de la qualité de l'aide psychologique (sur base de guidelines EBM, notamment) ainsi que le contenu des formations des psychologues cliniciens, les formations continues et supervisions. Des matières pouvant être discutées par le Conseil fédéral des professions de santé mentale, dont la composition a fait tout récemment l'objet de discussions à la Chambre.Mais, " on n'apprend pas l'empathie ", a glissé Tine Daeseleire.*KCE REPORT 265Bs