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Vous avez écrit récemment : " L'enjeu de la Commission de Planification des sous-quotas de la Fédération Wallonie-Bruxelles est de taille. Or, une série d'attitudes sans fondement parasitent un débat serein et basé sur des preuves. La politique de santé serait-elle ici fondée d'abord sur la volonté du consortium hospitalo-universitaire de produire des assistants spécialistes taillables et corvéables à merci ? " Pourriez-vous développer ?Il est un fait que les hôpitaux ont besoin de cette main d'oeuvre faite de jeunes assistants et que parfois le maître de stage on ne le voit pas beaucoup. La façon dont on fonctionne demande une main d'oeuvre hospitalière. On forme des spécialistes pas forcément en fonction des besoins. On se retrouve dans une situation déséquilibrée qui ne correspond pas à une politique de santé. Donc on se demande si c'est vraiment justifié par rapport à la demande ou bien si les hôpitaux seraient rentables s'ils n'avaient pas cette main d'oeuvre. Les hôpitaux sont généralement dans une situation financière précaire et n'ont pas d'autre choix que de faire pression sur les assistants.Nonobstant, la Commission de planification a régulièrement augmenté ces dernières années les quotas de MG...Nous sommes à 43%, score qui n'est pas facilement atteint. On a l'impression que pousser les étudiants vers les spécialités est encore dans les moeurs. Peut-être n'est-ce pas uniquement financier mais cela se fait un peu en-dehors des besoins de la santé publique.Par rapport au concours d'entrée en médecine, vous n'y êtes pas vraiment favorable. Mais un concours qui serait en adéquation avec le nombre de numéro Inami n'offrirait-il pas une sécurité juridique aux étudiants en médecine ?Je constate une grosse inégalité en fonction du type d'écoles en relation en général avec le niveau socio-économique. Et la 1ère année a un caractère égalisateur. Tout le monde est au même niveau. La sélection au départ selon qu'ils viennent du collège Saint-Michel ou de l'Athénée de Molenbeek n'est pas identique ! Ils n'ont pas les mêmes chances, à l'évidence. Par ailleurs, la matière de la physique n'est pas adéquate pour la sélection. C'est très arbitraire. Le concours ne peut anticiper le fait qu'on n'est pas fait, à l'arrivée, pour soigner des patients. Emotionnellement, l'incertitude qu'on peut avoir devant un patient tout en réussissant très bien des examens ne peut pas être testée. Je n'ai pas vraiment la solution mais je reste sceptique sur cette méthode de sélection.Pendant la campagne présidentielle en France, certains candidats proposaient carrément de le supprimer face aux " déserts médicaux " et à l'importation massive de médecins de Roumanie et du Maghreb. Iriez-vous jusque-là ? Serait-ce une option en Belgique ?Actuellement, les quotas sont calculés sur les médecins exerçants. Or, de plus en plus on fabrique on machine à importer les médecins de pays qui en produisent et pour compenser notre pénurie, on produit de la pénurie dans ces pays. N'importe quel médecin européen peut exercer en Belgique. Si on pousse cette logique jusqu'à sa limite, on peut fermer nos universités et produire des médecins à l'étranger. Ce n'est ni souhaitable pour notre pays ni pour ces pays. Les patients belges qui reçoivent des soins de médecins qui ne parlent pas bien leur langue maternelle, cela complique les choses.Le problème se pose à Bruxelles où les quotas sont basés erronément sur l'enseignement (où des francophones se retrouvent nombreux dans l'enseignement flamand) et ne tient pas compte des nombreux étudiants en médecine flamands qui quittent Bruxelles...J'ai eu quelques assistants flamands qui en effet, bien qu'ils apprécient Bruxelles, n'y restent pas. Par ailleurs, dès qu'il s'agit d'acheter une maison, ce n'est pas évident dans la capitale. La pénurie bruxelloise est une réalité. Certains de mes patients m'expliquent que mes collègues disent qu'ils sont " complets " et n'en prennent plus d'autres. C'est inquiétant.Ne faudrait-il pas convaincre la Flandre de ce que nous francophones ne sommes pas forcément une cause de dépenses, un fantasme ou un trama qui date des années de pléthore ? Que c'est son intérêt de modifier sa manière de planifier ?La Flandre, de toute façon, se trouve aussi dans une situation de pénurie. Mais elle nous fait payer le fait qu'elle a respecté les quotas. C'est un peu dommage. Plus de recours aux MG entraîne moins de dépenses de santé publique, en tout cas. Donc une pénurie de MG augmente mécaniquement les dépenses...