Aujourd'hui, le monde est confronté à la pandémie de Covid-19, une crise sans précédent dans l'histoire de l'action humanitaire médicale internationale de MSF. Si les enfants sont moins susceptibles d'être directement victimes du virus, les retombées collatérales de la pandémie représentent peut-être la plus grande menace que nous n'ayons jamais connue pour la santé des enfants.

Contrairement aux pays où la préoccupation majeure est centrée sur les personnes âgées, la santé des enfants est souvent beaucoup plus fragile dans les pays aux faibles systèmes de santé et aux ressources limitées. Dans ces pays, où de nombreuses familles connaissent déjà la douleur de perdre un enfant, les parents voient désormais l'avenir de leurs enfants menacés par la perte de services de vitaux de base, qui ont été gravement compromis ou même mis en pause.

Effets dévastateurs

Bien qu'il soit impératif pour nous tous de réagir rapidement et directement à cette menace sanitaire mondiale, les effets de la réponse à la pandémie sur la santé des enfants, en particulier dans les contextes humanitaires, pourraient être dévastateurs. Les précédentes épidémies d'Ebola ont démontré que le nombre de personnes qui meurent de causes indirectes peut être supérieur à celui des personnes qui meurent de la maladie elle-même. Compte tenu de l'évolution mondiale croissante des priorités et des ressources en faveur de la réponse au Covid-19, les décisions que nous prenons actuellement en tant que financeurs et responsables de la mise en oeuvre des soins de santé, auront un impact crucial sur la santé des enfants, tant pendant qu'après la pandémie.

Si le Covid-19 a pour l'heure touché essentiellement les adultes, nous ne savons pas encore comment il affectera les enfants aux endroits où MSF travaille, sachant que ces enfants sont souvent atteints de maladies sous-jacentes, comme la malnutrition, la tuberculose ou le VIH. Nous ne pouvons pas non plus prévoir comment le Covid-19 interagira avec les maladies infectieuses que l'on rencontre couramment à ces endroits, telles que le paludisme et la rougeole.

Toutefois, la menace la plus dangereuse pour la santé des enfants ne sera pas la maladie elle-même, mais bien ses retombées indirectes. Nous verrons beaucoup plus d'enfants mourir à la suite de la réduction ou de la fermeture des services de santé infantile réguliers, et nous verrons une augmentation des décès de nouveau-nés en raison de la perte d'accès à un accouchement sûr et à des soins postnataux. Même lorsque les services de santé infantile sont maintenus, la peur et l'incompréhension dues au Covid-19 poussent les parents à éviter d'amener leurs enfants malades au sein de centres de soin, et, de ce fait, les enfants atteints de maladies mortelles arriveront trop tard pour être soignés. Si ce phénomène peut aussi arriver dans les pays à revenu élevé, il aura sans aucun doute des conséquences bien plus importantes aux endroits disposant de moins de ressources et de systèmes de santé plus faibles.

Activités de vaccination suspendues

Ces dernières années, nous avons déjà vu des maladies comme la rougeole et la diphtérie - qui devraient être facilement évitées par des vaccins - recommencer à se répandre dans des pays comme la République démocratique du Congo et dans les camps de réfugiés au Bangladesh. Ces types d'épidémies vont se multiplier car les activités de vaccination sont suspendues dans plusieurs pays en raison du Covid-19. On estime que, pour chaque guérison d'un adulte touché par le Covid-19 qui a lieu grâce à la suspension des activités de vaccination, plus de 100 enfants pourraient perdre la vie. Depuis l'an 2000, plus de 20 millions de décès d'enfants ont été évités grâce à la vaccination contre la rougeole ; si les cas de malnutrition venaient à augmenter, cela aurait un effet dévastateur, étant donné que la malnutrition est défavorable à la guérison de la rougeole.

Au cours de l'année 2020, le paludisme tuera beaucoup plus d'enfants que le Covid-19. Les pays qui connaîtront un pic de ces deux épidémies en même temps, comme beaucoup en Afrique de l'Ouest, ne peuvent pas se permettre que le Covid-19 prenne le pas sur les activités de lutte contre le paludisme. L'Organisation mondiale de la santé prévoit des centaines de milliers de décès supplémentaires dus au paludisme, dont une majorité d'enfants, si les stratégies de contrôle et de prévention des infections ne peuvent être maintenues.

Au moment où nous écrivons ces lignes, plus de 417.000 personnes sont décédées du Covid-19. Ce chiffre choque le monde entier. Pourtant, si la couverture des services de santé infantile se voit réduite sur une période similaire, cela pourrait entraîner entre 253.500 et 1.157.000 décès d'enfants supplémentaires, dus à des maladies que la concentration de l'attention mondiale sur le Covid-19 ne permettra pas d'éviter.

La mesure dans laquelle des organisations comme MSF, et d'autres, pourront, pendant cette crise, éviter les décès d'enfants dans des contextes humanitaires, dépendra entièrement de notre capacité à maintenir et à développer des activités de santé infantile vitales. S'il y a bien un moment où cela sera nécessaire, c'est maintenant. Alors que les projecteurs restent braqués sur le Covid-19, les enfants les plus vulnérables risquent de mourir dans l'ombre. Nous ne devons pas permettre à cette pandémie de priver la prochaine génération de son avenir.

Dr Nadia Lafferty et Dr Neal Russell, pédiatres chez Médecins sans frontières

Aujourd'hui, le monde est confronté à la pandémie de Covid-19, une crise sans précédent dans l'histoire de l'action humanitaire médicale internationale de MSF. Si les enfants sont moins susceptibles d'être directement victimes du virus, les retombées collatérales de la pandémie représentent peut-être la plus grande menace que nous n'ayons jamais connue pour la santé des enfants.Contrairement aux pays où la préoccupation majeure est centrée sur les personnes âgées, la santé des enfants est souvent beaucoup plus fragile dans les pays aux faibles systèmes de santé et aux ressources limitées. Dans ces pays, où de nombreuses familles connaissent déjà la douleur de perdre un enfant, les parents voient désormais l'avenir de leurs enfants menacés par la perte de services de vitaux de base, qui ont été gravement compromis ou même mis en pause.Bien qu'il soit impératif pour nous tous de réagir rapidement et directement à cette menace sanitaire mondiale, les effets de la réponse à la pandémie sur la santé des enfants, en particulier dans les contextes humanitaires, pourraient être dévastateurs. Les précédentes épidémies d'Ebola ont démontré que le nombre de personnes qui meurent de causes indirectes peut être supérieur à celui des personnes qui meurent de la maladie elle-même. Compte tenu de l'évolution mondiale croissante des priorités et des ressources en faveur de la réponse au Covid-19, les décisions que nous prenons actuellement en tant que financeurs et responsables de la mise en oeuvre des soins de santé, auront un impact crucial sur la santé des enfants, tant pendant qu'après la pandémie.Si le Covid-19 a pour l'heure touché essentiellement les adultes, nous ne savons pas encore comment il affectera les enfants aux endroits où MSF travaille, sachant que ces enfants sont souvent atteints de maladies sous-jacentes, comme la malnutrition, la tuberculose ou le VIH. Nous ne pouvons pas non plus prévoir comment le Covid-19 interagira avec les maladies infectieuses que l'on rencontre couramment à ces endroits, telles que le paludisme et la rougeole.Toutefois, la menace la plus dangereuse pour la santé des enfants ne sera pas la maladie elle-même, mais bien ses retombées indirectes. Nous verrons beaucoup plus d'enfants mourir à la suite de la réduction ou de la fermeture des services de santé infantile réguliers, et nous verrons une augmentation des décès de nouveau-nés en raison de la perte d'accès à un accouchement sûr et à des soins postnataux. Même lorsque les services de santé infantile sont maintenus, la peur et l'incompréhension dues au Covid-19 poussent les parents à éviter d'amener leurs enfants malades au sein de centres de soin, et, de ce fait, les enfants atteints de maladies mortelles arriveront trop tard pour être soignés. Si ce phénomène peut aussi arriver dans les pays à revenu élevé, il aura sans aucun doute des conséquences bien plus importantes aux endroits disposant de moins de ressources et de systèmes de santé plus faibles.Ces dernières années, nous avons déjà vu des maladies comme la rougeole et la diphtérie - qui devraient être facilement évitées par des vaccins - recommencer à se répandre dans des pays comme la République démocratique du Congo et dans les camps de réfugiés au Bangladesh. Ces types d'épidémies vont se multiplier car les activités de vaccination sont suspendues dans plusieurs pays en raison du Covid-19. On estime que, pour chaque guérison d'un adulte touché par le Covid-19 qui a lieu grâce à la suspension des activités de vaccination, plus de 100 enfants pourraient perdre la vie. Depuis l'an 2000, plus de 20 millions de décès d'enfants ont été évités grâce à la vaccination contre la rougeole ; si les cas de malnutrition venaient à augmenter, cela aurait un effet dévastateur, étant donné que la malnutrition est défavorable à la guérison de la rougeole.Au cours de l'année 2020, le paludisme tuera beaucoup plus d'enfants que le Covid-19. Les pays qui connaîtront un pic de ces deux épidémies en même temps, comme beaucoup en Afrique de l'Ouest, ne peuvent pas se permettre que le Covid-19 prenne le pas sur les activités de lutte contre le paludisme. L'Organisation mondiale de la santé prévoit des centaines de milliers de décès supplémentaires dus au paludisme, dont une majorité d'enfants, si les stratégies de contrôle et de prévention des infections ne peuvent être maintenues.Au moment où nous écrivons ces lignes, plus de 417.000 personnes sont décédées du Covid-19. Ce chiffre choque le monde entier. Pourtant, si la couverture des services de santé infantile se voit réduite sur une période similaire, cela pourrait entraîner entre 253.500 et 1.157.000 décès d'enfants supplémentaires, dus à des maladies que la concentration de l'attention mondiale sur le Covid-19 ne permettra pas d'éviter.La mesure dans laquelle des organisations comme MSF, et d'autres, pourront, pendant cette crise, éviter les décès d'enfants dans des contextes humanitaires, dépendra entièrement de notre capacité à maintenir et à développer des activités de santé infantile vitales. S'il y a bien un moment où cela sera nécessaire, c'est maintenant. Alors que les projecteurs restent braqués sur le Covid-19, les enfants les plus vulnérables risquent de mourir dans l'ombre. Nous ne devons pas permettre à cette pandémie de priver la prochaine génération de son avenir.Dr Nadia Lafferty et Dr Neal Russell, pédiatres chez Médecins sans frontières