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Suite à la ratification par la Belgique en 2016 du Traité d'Istanbul, relatif aux violences domestiques et aux violences faites au femmes - et sur proposition de la secrétaire d'État Zuhal Demir -, trois centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles (CPVS) ont été mis en place, respectivement au sein de l'hôpital Universitaire de Gand, du CHU Saint-Pierre de Bruxelles et du CHU de Liège. Près d'un an après son lancement, ce projet pilote démontre déjà par les chiffres qu'il correspond à une réelle demande. En septembre 2018, au CPVS de Liège, 185 victimes avaient déjà été prise en charge moins d'un an après l'ouverture, le 9 novembre 2017. Ce chiffre devrait atteindre les 230 ou 250 victimes pour l'année d'existence du centre, alors que l'objectif initial avait été fixé à 100 victimes par an.On estime en effet que jusqu'à présent seule une faible proportion des personnes victimes de violences sexuelles portait plainte. "Quand vous venez d'être violée, se présenter dans un commissariat de police et devoir dire devant d'autres personnes le motif de votre présence, ce n'est pas évident ! Après, vous étiez conduite par la police chez un médecin légiste dans un délai plus ou moins long. Il y avait donc souvent des cheminements interrompus parce que les victimes se décourageaient. Ici, l'objectif est de mettre la victime dans un cocon au sein du centre et de lui permettre d'effectuer des démarches complètes et correctes, avec une probabilité élevée d'arriver à une judiciarisation et à une condamnation des auteurs", explique Virginie Baÿ, infirmière chef de service au CPVS de Liège. Permettre une plus grande condamnation d'auteurs est en effet non seulement un objectif du point de vue judiciaire mais aussi médical. "On sait que l'espoir d'une condamnation permet un cheminement plus positif pour la victime. Cela fait partir du processus de guérison de savoir qu'une suite est possible."Rappelons en effet que pour avoir une chance de récolter des preuves ADN fiables, les prélèvements sur la victime doivent être réalisés dans un délai de 72 h. "La majorité des personnes - environ 75 % - que nous accueillons choisissent de porter plainte avec l'avantage qu'elles peuvent ne pas le faire directement. Les prélèvements sont effectués à titre conservatoire, ce qui leur laisse ensuite la possibilité ou non de porter plainte, tout de suite ou plus tard", explique Virginie Baÿ. Un an après le lancement du projet, les équipes font aussi le constat de l'extrême variabilité des problématiques et des situations rencontrées. Les personnes qui se trouvent dans des situations de domination (précarité sociale, migration, handicap mental...) sont certes plus à risque. De même, les femmes entre 18 et 50 ans représentent le plus gros des victimes... mais des femmes de 80 ans peuvent aussi se présenter, de même que quelques hommes."Il n'y pas deux histoires semblables... Nous nous étions dit, suivant peut-être en cela un certain stéréotype, que nous allions avoir pas mal de jeunes filles habillées sexy et agressées dans le cadre de soirées festives qui dérapent. Cela existe mais c'est loin de représenter la majorité des cas ! Le constat est plutôt que cela peut arriver à n'importe qui, n'importe où, n'importe quand...", analyse Virginie Baÿ.L'équipe infirmière (5,6 équivalent temps plein) du CPVS est entièrement composée de femmes, un choix assumé et argumenté. "Des études ont montré que dans la problématique des violences sexuelles, 85 % des femmes souhaitent être prises en charge par une femme. S'agissant des hommes, ils sont 100 % à vouloir être pris en charge par une femme !", explique Virginie Baÿ. Parce que les histoires sont souvent difficiles à entendre, le CPVS de Liège a par ailleurs fait le choix de faire travailler à temps partiel toutes ses infirmières. "Elles effectuent 40 % de leur horaire ici et travaillent pour le reste dans leur unité de base. C'est une spécificité du centre liégeois mais nous sommes devenus un modèle et les centres de Bruxelles et de Gand ont récemment choisi de s'aligner sur nous. La charge émotionnelle est en effet trop importante pour ne faire que ça...Certaines histoires peuvent renvoyer à des histoires personnelles. On se dit qu'on pourrait vivre la même chose, que nos parents l'ont peut-être vécu ou que nos enfants pourraient le vivre... La fatigue mentale est d'autant plus importante que la prise en charge complète d'une victime peut durer entre six et huit heures. Les équipes ont besoin de s'aérer", commente Virginie Baÿ. Prolongé d'un an, le projet pilote devrait bientôt donner lieu à l'ouverture de trois autres centres afin de couvrir au mieux tout le territoire. "Nous voulons aussi être un relais pour tous les médecins confrontés à ces cas de violences sexuelles et qui ne savent pas toujours à qui adresser leurs patientes", conclut Virginie Baÿ.Julie Luong