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Pour mon TFE, j'ai choisi de faire un Récit de situation complexe et authentique (RSCA). Il s'agit d'un exercice réflexif d'auto-évaluation de pratique professionnelle et d'autoformation. Dans un premier temps, on résume la situation. Ensuite, on analyse la prise en charge. D'abord de façon subjective, personnelle. C'est la phase d'autoévaluation : quelles sont les questions soulevées par le cas, quelles sont les difficultés, les fautes, les manquements, mais aussi qu'est-ce qui a fonctionné, qu'est-ce qui était positif dans cette prise en charge. Ensuite les RBP sont revues afin de permettre une analyse " scientifique " rigoureuse et de finalement permettre une meilleure prise en charge future d'une situation semblable.Une mère très jeune consulte pour ses trois garçons de 1, 2 et 4 ans. Ils sont enrhumés. À leur entrée je remarque que l'aîné, Max, à un oeil au beurre noir et je me dis qu'il faut que je questionne à propos de cet hématome. La consultation devient difficile au moment d'examiner le grand. Il est terrorisé, hurle. Finalement la mère me dit que l'école de son fils dit qu'il ne va pas bien. Il se tape la tête contre les murs et n'est plus propre. Elle me dit très facilement que son compagnon (le père des deux cadets) est violent avec Max. La famille est déjà prise en charge par le SPJ. Ce soir-là, je ne sais pas quoi faire. Dois-je hospitaliser les enfants pour les protéger ? Est-ce une urgence ? Dois-je appeler le procureur du roi ? Je décide de les renvoyer à la maison, mais je dis à la mère que je dois la revoir. Je ne peux pas fermer les yeux sur cette violence. Le lendemain la mère rate son rendez-vous. Je prends alors contact avec le SPJ. Une équipe d'éducateur de l'AMO était déjà en place. Pourtant la situation continuait à dégénérer. Finalement mon signalement engendre la mise en pouponnière des trois garçons de façon provisoire.Ce cas permet donc de rappeler certaines recommandations en terme de prise en charge des situations de maltraitance infantile. La principale source de ce travail est la RBP produite par la SSMG en 2014.Le changement de comportement d'un enfant (le comportement du petit Max a été remarqué par l'école), l'absence d'explication crédible à des blessures, un délai anormalement long entre l'apparition de la blessure et la consultation, l'absentéisme scolaire fréquent non justifié sont des exemples de signes ou de symptômes de maltraitance.La maltraitance existe dans toutes les classes sociales. Elle est souvent liée à une accumulation de facteurs de risques qu'il est bon de connaître afin d'être attentif et d'intervenir au plus vite dans ces familles. Dans le cas présent, nous pouvons citer le jeune âge de la mère, le chômage, des antécédents de maltraitance durant l'enfance des deux parents, l'isolement social et une gestion inadéquate de la colère chez le beau-père.Il existe différent types de maltraitance : la maltraitance physique (visible par les marques laissées sur le corps du petit Max), la maltraitance psychologique (la dévalorisation, l'humiliation, les cris, les menaces ou encore le manque d'expression affective envers l'enfant), la négligence (physique, médicale, éducative ou psychologique), et la maltraitance sexuelle.Le médecin de famille a un rôle particulier dans la détection de la maltraitance. Bien souvent il connaît les différents membres de la famille ainsi que le contexte social, culturel et économique. Les visites à domicile et le suivi dans le temps sont des atouts de la médecine générale. Pourtant, seuls 2 à 3% des signalements de maltraitance infantile proviennent de médecins généralistes. Les principales raisons à ce faible taux, avancées par les généralistes interrogés par le KCE, sont qu'ils ont peur de se tromper et de porter de graves accusations à tort. Ils craignent de briser la relation de confiance qui existait et ainsi de perdre le suivi de l'enfant. De plus, ils rapportent un manque de confiance global dans les services d'aide existants, qu'ils savent débordés. Il est important d'envisager la maltraitance comme faisant parti de tout diagnostic différentiel. La maltraitance sera suspectée dès qu'il y a des arguments sérieux mais pas de preuves suffisantes. Il est important d'oser y penser, et d'oser aborder le sujet de façon active sans attendre que la victime dénonce d'elle-même la violence.La gravité de la maltraitance, le degré d'urgence, le risque de récidive, les moyens de protections et la collaboration des adultes responsables de l'enfant doivent être évalués afin d'estimer la sécurité de l'enfant. C'est sur ce point que j'ai eu le plus de difficultés. Il n'y a malheureusement pas d'outils concret qui permette d'établir un score de gravité ou d'urgence.Enfin, il est important de s'entourer de personnes qualifiées et de faire appel aux intervenants compétents comme les équipes SOS-enfants, SAJ, SPJ, ou même demander au procureur du roi une mesure de protection du mineur dans les cas plus extrêmes.