Quelle est l'accessibilité financière des personnes âgées aux maisons de repos depuis la crise sanitaire et économique des années 2020, avec l'inflation et la pénurie de personnel soignant qui s'en sont suivies ?
Après une première édition en 2016, actualisée en 2017, Solidaris publie une nouvelle mise à jour de son étude sur le coût des séjours en maison de repos, sur base de 3.806 factures d'affiliés transmises aux mutualités [1] au cours de l'année 2023.
Lire l'étude complète ici
Que nous apprend cette étude ? Qu'aller en maison de repos est devenu un luxe que pas mal de seniors ne peuvent plus se permettre... Or, si 20% des Belges ont 65 ans et plus au jour d'aujourd'hui, en 2050, les 65+ représenteront un quart de la population. Avec, en prime, davantage de pathologies chroniques et une perte d'autonomie, donc un besoin croissant de lits en MR/MRS.
La Wallonie compte actuellement 589 maisons de repos, et Bruxelles 134. On dénombrait 147.096 lits pour tout le Royaume en 2024. Une croissance de 13%, alors que celle des seniors est de... 25%. Le problème est flagrant, et donc si la demande est plus grande que l'offre, les prix ne peuvent qu'exploser. Et la qualité des soins n'est pas garantie non plus, puisqu'il manquera plus de 20% d'infirmiers en maisons de repos en 2046. Voilà pour le contexte, loin d'être rassurant.
Comptez 2.000 euros par mois
En Wallonie et à Bruxelles, le coût moyen par mois atteint désormais 1.989 euros, dont 108 euros de suppléments (lire infra). À Bruxelles, cette somme grimpe à 2.084 euros, avec des suppléments moyens de 99 euros.
"Cette tendance est particulièrement marquée dans le secteur privé où les tarifs ont explosé, atteignant une augmentation de 50% entre 2014 et 2023", soulignent les chercheurs de l'Institut Solidaris. Les maisons de repos privées affichent des prix moyens de 1.985 euros en Wallonie, et de 2.276 euros à Bruxelles.
"Le secteur public reste plus abordable, mais il reste largement insuffisant pour faire face à la demande."
L'étude montre de grandes disparités, tant régionales que provinciales. Un pensionnaire bruxellois parmi les tarifs les plus chers paie 2,4 fois ce que paie un résident wallon au tarif le plus bas. Et même entre Wallons, la différence peut atteindre 1,9. Un résident en Brabant wallon débourse 1.941 euros en moyenne... contre 1.600 dans le Hainaut.
Dans les provinces wallonnes, le secteur associatif et le secteur privé affichent un coût moyen similaire. La seule province qui fait exception est celle de Luxembourg: le secteur privé y est en moyenne 231 euros plus cher que le secteur associatif.
Une majorité de chambres individuelles
Les chambres privées représentent trois quarts des factures analysées, contre 22% pour les chambres doubles. Elles sont évidemment plus coûteuses, ce qui fait grimper le coût moyen : entre 1.459 et 3.173 euros dans la capitale, contre 1.785 à 2.460 euros en Wallonie.
Les tarifs des MR/MRS du secteur privé sont également supérieurs à ceux du secteur public ou associatif (respectivement +15% et +7% côté wallon). Par secteurs :

Résider dans une maison de repos privée coûte aujourd'hui en moyenne 275 euros de plus que dans une institution du secteur public et 123 euros de plus que dans le secteur associatif.
Suppléments: des soins, en premier
Au-delà du prix moyen déboursé chaque mois viennent souvent (= 75% des résidents) s'ajouter des frais annexes. Avec, à nouveau, de fortes disparités: 69% des résidents bruxellois payent des suppléments, contre... 86% des Wallons ! Le montant moyen - 121 euros en Wallonie et 99 euros à Bruxelles - dissimule une large fourchette dont la moyenne supérieure peut grimper jusqu'à quasi 400 euros par mois dans la capitale[2].
Que recouvrent ces "suppléments" ? Selon l'étude, ces frais annexes peuvent être répartis en trois catégories : les soins (kiné, médecin, médicaments et compléments nutritionnels, etc.), les abonnements (TV, internet et téléphone) et les autres types de suppléments (buanderie, manucure, pédicure, boissons, etc.) représentant, respectivement, 64%, 24% et 53% des notes de frais. L'addition de la facture hébergement et des suppléments permet à Solidaris de dresser un profil financier moyen de la vie en MR/MRS à l'heure actuelle.
C'est à Bruxelles que la facture est la plus élevée: 2.084 euros (95% de frais d'hébergement et 5% de suppléments). Côté wallon, le montant de la facture est moindre (1.850), mais la part de suppléments plus grande (7 %).
Impayable pour bien des pensionnés
Entre 2014 et 2023, le coût total mensuel moyen des maisons de repos a considérablement augmenté en Wallonie (+38%, et même +42% à Namur) et à Bruxelles (39%).
"Cette flambée des coûts a des conséquences inquiétantes", soulève les chercheurs de Solidaris. Plus de 75% des retraités bruxellois de plus de 69 ans et près de 50% des Wallons ne peuvent plus couvrir ces frais avec leur pension brute. "Les femmes, dont la pension est en moyenne 405 euros plus faible que celle des hommes, sont particulièrement vulnérables. Même en tenant compte des frais plus faibles pour les résidents les plus modestes, la majorité des seniors, et en particulier dans la région bruxelloise, se retrouvent dans l'impossibilité de financer leur hébergement."
Forte de ces résultats, Solidaris recommande d'agir sur trois leviers d'action :
- Réguler les prix des maisons de repos et en assurer la transparence et l'affichage (facture maximale, aides à l'infrastructure et normes d'encadrement différenciées);
- Mieux financer les pensions;
- Promouvoir des politiques du vieillissement respectueuses de la diversité (soutien à l'accompagnement à domicile et logements alternatifs, création d'un guichet unique).
C.V.
[1] À noter que si les données sont complètes pour Bruxelles où la facturation électronique via MyCareNet est généralisée, celles pour la Wallonie, où les MR/MRS utilisent encore majoritairement le format papier, se basent sur un échantillon.
[2] Solidaris souligne que l'absence de frais annexes dans ses bases de données ne garantit pas qu'aucun supplément n'a été facturé au résident. Les proportions de facture comprenant des suppléments sont vraisemblablement sous-estimées.