Voici bientôt 100 ans que le prix Nobel a été remis à Jules Bordet pour sa découverte relative à l'immunité humorale. Une exposition lui rend hommage à l'ULB.
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"Jules Bordet est un des pères fondateurs de l'immunologie. C'est le premier à avoir démontré de manière claire le mécanisme par lequel les anticorps arrivent à détruire des microbes, " explique Oberdan Leo, professeur à l'ULB, vice-recteur de recherche. " Il a pu aussi démontrer que ces anticorps n'étaient pas seulement efficaces contre les microbes mais pouvaient aussi détruire des globules rouges d'une autre espèce. Il est le premier à avoir écrit que le système immunitaire n'est pas uniquement là pour défendre contre des agents infectieux mais que son rôle est plus large ; notamment faire la distinction entre le soi et le non soi, de réagir avec ce qui est étranger. De là, on peut retrouver une filiation avec toutes les questions liées à la transplantation d'organes, et la démonstration qui sera faite bien plus tard que le rejet de greffe est bien dû à une réaction immunitaire, en tout point semblable à une réaction immunitaire contre un élément infectieux. "100 ans plus tard, la sérothérapie a fait un retour spectaculaire, car c'est l'approche thérapeutique de choix pour l'immunothérapie du cancer. L'an passé, le Prix Nobel de médecine et physiologie a été attribué à deux Américains pour la découverte du traitement du cancer par inhibition de la régulation immunitaire négative." Les méthodes ont beaucoup évolué évidemment, mais la création de la discipline qui était une spin-off de la microbiologie à l'époque, aujourd'hui dépasse le cadre infectieux. Et finalement, l'immunologie est devenue une discipline médicale en soi ", poursuit le chercheur.L'exposition débute sur la vie du chercheur, illustrée par de photos de familles. " Un sourire malicieux et bienveillant qui attirait la sympathie de tous. Une intonation chantante et modulée qui trahissait l'aimable pays dont il venait, et sous une apparence de timidité, une assurance qui faisait dire, ce petit Jules sait ce qu'il veut et il ira loin ", écrit à son propos le petit fils de Pasteur. " Son père, Charles Henri Bordet était instituteur à Soignies où Jules naît en 1870. Par la suite, muté à Schaerbeek, il y reçoit l'éducation primaire, et ensuite va à l'Athénée royale de Bruxelles. Enfant précoce, il brûle les étapes et s'inscrit en faculté de médecine à 16 ans en même temps que son frère aîné ", raconte Jean-Pierre Devroey, professeur de l'ULB, membre de l'Académie royale de Belgique et arrière-petit-fils de Jules Bordet. " Le jeune prodige boucle ses deux années de candi en une et est diplômé docteur en médecine à l'âge de 22 ans en 1892. "Exposés dans la salle, ses cahiers d'écolier, montrent le soin qu'il prenait pour représenter le corps humain, et son herbier, démontrant l'intérêt qu'il avait déjà adolescent pour le domaine des sciences. Un peu plus loin, c'est le climat de l'université et de l'enseignement qui est montré avec la lanterne magique, un appareil mécanique de projection d'images.Affectueux et bienveillant, Jules a fait ses premiers travaux de recherches étant étudiant à l'Institut de botanique de Leo Herera. Et c'est ainsi qu'il a publié son premier article dans les annales de l'Institut Pasteur, signé Jules Bordet, étudiant en médecine." Dans la deuxième partie de l'exposition, c'est toute l'ambiance de la recherche qui est décrite. Comment il arrive à trouver le rôle du complément notamment. Des photos illustrent l'Institut Pasteur, où il fait ses premiers pas dans la recherche aux côté de Metchnikoff, qui reçoit le prix Nobel pour ses travaux sur le phagocytose, mais aussi Roux, le premier à avoir traité la diphtérie par un sérum ", raconte le Dr Jean-Louis Vanherweghem, commissaire scientifique de l'exposition.C'est l'Institut Pasteur qui l'envoie au Transvaal, en Afrique du Sud. " On est en 1897, juste après la guerre des Boers. La région était dépendante de l'élevage et il y eu une épidémie. Robert Koch avait été appelé comme consultant par les Anglais. En revanche les Afrikaners contacte la France qui leur envoie Bordet de l'Institut Pasteur. Koch avait immunisé le bétail par une certaine technique mais Bordet n'était pas satisfait des résultats. Il en invente une autre avec une protection par sérothérapie et l'épidémie est réglée ", poursuit le Dr Vanherwhegen.Un peu plus loin dans la salle, une lettre exposée que Bordet a écrite à Metchnikoff. Il explique dans celle-ci qu'il a pu cerner un champ de syphilitiques. Il le décrit, mais il n'est pas sûr. Et trois ans plus tard, c'est Fritz Schaudinn qui décrit le tréponème pâle en 1905. Bordet n'avait pas osé se prononcer. À la même époque, l'isolement du microbe responsable de la coqueluche sera le fruit d'une histoire familiale. Deux de ses enfants en furent victimes. En collaboration avec son beau-frère Octave Gengou, il travaille à la préparation d'un milieu de culture qui s'appellera le milieu de Bordet-Gengou. C'est en 1906 qu'ils parviennent à cultiver le bacille de la coqueluche sur leur milieu de culture.En 1907, le jeune chercheur quitte l'Institut Pasteur et dirige l'Institut Pasteur Brabant, qui culmine avec le Prix Nobel de médecine et physiologie. Un prix qu'il recevra en 1919, alors qu'il est en mission à New-York à la Fondation Rockefeller, afin de trouver des fonds pour la création de la nouvelle ULB. C'est un confrère américain qui lui apprendra la nouvelle. Son nom est avancé 115 fois entre 1902 avec 11 nominations et le prix Nobel en 1920.L'ULB tirera indirectement de nombreux bénéfices de cette nomination qui tombe au bon moment. Grâce aux dons de Rockefeller, le nouveau campus de l'hôpital universitaire de la porte de Hal verra le jour, ainsi que le nouvel hôpital St-Pierre de l'époque, la nouvelle faculté de médecine qui est aujourd'hui le ministère de la Justice et l'école d'infirmières.La dernière partie de l'exposition s'ouvre à d'autres utilisations des bactéries notamment en biotechnologie. On y voit une lampe qui fonctionne avec des bactéries qui produisent des électrons ou encore une autre approche avec des champignons, où l'on essaie de créer des nouveaux matériaux pour remplacer le plastique.