Non le sida n'est pas révolu. L'année dernière, près d'un million de personnes sont mortes du sida, un bilan toujours très élevé. Le nombre de décès liés au sida dans les pays où MSF travaille reste vertigineux : 17.000 en République démocratique du Congo, 5.200 en République centrafricaine (RCA), 5.100 en Guinée, 28.000 au Kenya, 39.000 au Malawi, 70.000 au Mozambique... En Afrique subsaharienne, les malades arrivent dans les hôpitaux soutenus par MSF à un stade avancé, si avancé que 25 à 30% de ces personnes décèdent dans les 48 heures suivant leur arrivée.

Échec thérapeutique

Le nombre de décès liés au sida dans les pays où MSF travaille reste vertigineux.

Ce qui est différent aujourd'hui, c'est le fait que la majorité d'entre eux connaissent leur statut séropositif et qu'entre 60 et 71% des patients atteints du sida et hospitalisés avec MSF suivaient déjà un traitement. Avec de nombreux problèmes dans les services de santé, suivre le traitement de manière ininterrompue n'est pas une sinécure. Les patients font face à un échec thérapeutique lorsqu'ils ne suivent pas correctement leur traitement ou l'arrêtent, car il n'est donc plus efficace. Le virus n'est donc plus maîtrisé, les infections opportunistes peuvent survenir et certaines développent même une résistance. Trop souvent, cela est découvert trop tard ou aucune mesure n'est prise et le système immunitaire s'affaiblit davantage, avec un risque élevé de décès. MSF se concentre actuellement sur la détection précoce des patients en cas d'échec du traitement, par le biais de contrôles systématiques au niveau des centres de santé et dans la communauté. Il est essentiel de renforcer les tests de diagnostic pour détecter facilement la tuberculose, les cryptocoques et d'autres maladies opportunistes, mais qui font défaut dans de trop nombreux endroits.

De plus, il est bien sûr crucial pour les patients de commencer rapidement un traitement et de le suivre. À cette fin, diverses stratégies ont été développées avec succès pour rendre les patients moins dépendants du système de santé précaire et fournir un soutien par le biais de leurs pairs, mais elles sont encore trop peu utilisées.

Financement international en déclin

Il reste encore beaucoup à faire pour réduire la mortalité liée au sida et rendre possible le fait d'avoir une vie saine et d'être sous antirétroviraux (ARV) dans le même temps. Cependant, le succès dans le passé ne représente en rien une garantie pour l'avenir, notamment parce que les bailleurs internationaux se retirent fermement de la lutte contre le VIH/sida. Indépendamment des défis critiques auxquels sont confrontés les programmes nationaux de lutte contre le VIH, le soutien international est en déclin. On fait valoir -- de manière peu réaliste -- que les pays compenseront avec leurs propres fonds. Le désengagement des bailleurs est couvert par un discours économique extrêmement optimiste, qui est généralement loin de la réalité.

Par conséquent, l'utilisation réfléchie de chaque dollar/euro pour une meilleure couverture n'est plus à l'ordre du jour, mais plutôt comment causer le moins de dommages possible pour chaque dollar/euro retiré du fonds. Peu d'attention est accordée aux cliniciens et aux autres professionnels de la santé qui doivent à nouveau rationner le traitement antirétroviral, comme au début de l'épidémie du sida, quand le traitement en Afrique était une denrée rare et que des choix impossibles devaient être faits.

Car qu'est-ce que cela signifie quand il n'y a pas assez d'ARV ? Cela signifie que le début du traitement antirétroviral devra être différé pour protéger les patients du traitement même, en sachant qu'il ne sera pas suivi correctement, et ce même si l'on sait que cela augmentera la mortalité, les complications médicales et finalement les coûts. Cela implique également que nous devions réduire le nombre de tests et traitements recommandés ; au lieu d'avoir la maîtrise sur le virus et l'avantage sur la mort, les patients attendent d'être très malades. Et les professionnels de la santé hésiteront à faire un test de dépistage systématique du VIH s'ils savent, de toute manière, qu'ils ne peuvent ni commencer ni maintenir un traitement.

ONUSIDA

De plus, dans de nombreux pays, la révolution contre le VIH n'a pas encore vraiment commencé. Par exemple, en Afrique de l'Ouest et centrale, une personne séropositive sur trois seulement suit un traitement. Bien qu'environ un tiers des décès dans le monde dus au sida se produisent ici, ces pays sont relativement plus touchés par le désengagement des bailleurs. Puisque, la priorité est accordée aux pays qui peuvent présenter de bons résultats et les peser à l'échelle mondiale, et non dans les pays où les besoins ne sont pas satisfaits et où les lacunes dans la riposte sont meurtrières.

Pour augmenter, comme prévu, l'accès aux traitements en Afrique de l'Ouest et centrale, l'ONUSIDA estime que le financement actuel devrait être augmenté de 81%. Au contraire, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme -- souvent seul bailleur -- est même insuffisant pour l'achat d'ARV en Guinée, en RCA, au Mali et en Sierra Leone, par exemple. Donc, sans ressources additionnelles, le nombre de personnes pouvant commencer un traitement antirétroviral devra être limité. En RCA, il y a un déficit annuel en ARV pour 8000 patients, donc pas seulement un arrêt pour les nouveaux patients, mais même une pénurie pour maintenir les patients déjà sous traitement.

En Afrique de l'Ouest et centrale, le financement actuel contre le sida devrait être augmenté de 81%

Dans certains pays, le gouvernement a promis de prendre en charge l'achat, mais au vu de l'expérience passée, on peut se poser de sérieuses questions quant à savoir si ces fonds seront réellement débloqués. De plus, pour ces pays relativement petits, la question de savoir comment acheter des médicaments de qualité à des prix corrects se pose aussi. Car il n'est pas certain que le mécanisme d'achat collectif puisse être utilisé dans le respect des normes de l'Organisation mondiale de la Santé. Les patients et les professionnels de la santé craignent de plus en plus des ruptures de stock et une qualité moindre des antirétroviraux prescrits.

Continuer la bataille

Dans ces pays et dans d'autres, où le manque de fonds crée ce genre de dilemme de répartition, les bailleurs doivent joindre le geste à la parole et investir des ressources supplémentaires pour financer les besoins urgents. C'est seulement ainsi que nous pourrons éviter de perdre du terrain, durement acquis dans la lutte contre le VIH/sida.

La Journée mondiale de lutte contre le sida nous rappelle la nécessité d'être solidaire avec ces personnes qui continuent aujourd'hui à se battre pour rester en vie et qui luttent contre les obstacles que sont la négligence et la discrimination ; dans leur propre pays mais aussi au niveau international. L'épidémie du sida se poursuit, là où les caméras et la médiatisation ne sont pas. Aujourd'hui, en 2018, nous devrions parler des personnes qui continuent de mourir du sida dans l'ombre du succès.

Non le sida n'est pas révolu. L'année dernière, près d'un million de personnes sont mortes du sida, un bilan toujours très élevé. Le nombre de décès liés au sida dans les pays où MSF travaille reste vertigineux : 17.000 en République démocratique du Congo, 5.200 en République centrafricaine (RCA), 5.100 en Guinée, 28.000 au Kenya, 39.000 au Malawi, 70.000 au Mozambique... En Afrique subsaharienne, les malades arrivent dans les hôpitaux soutenus par MSF à un stade avancé, si avancé que 25 à 30% de ces personnes décèdent dans les 48 heures suivant leur arrivée.Ce qui est différent aujourd'hui, c'est le fait que la majorité d'entre eux connaissent leur statut séropositif et qu'entre 60 et 71% des patients atteints du sida et hospitalisés avec MSF suivaient déjà un traitement. Avec de nombreux problèmes dans les services de santé, suivre le traitement de manière ininterrompue n'est pas une sinécure. Les patients font face à un échec thérapeutique lorsqu'ils ne suivent pas correctement leur traitement ou l'arrêtent, car il n'est donc plus efficace. Le virus n'est donc plus maîtrisé, les infections opportunistes peuvent survenir et certaines développent même une résistance. Trop souvent, cela est découvert trop tard ou aucune mesure n'est prise et le système immunitaire s'affaiblit davantage, avec un risque élevé de décès. MSF se concentre actuellement sur la détection précoce des patients en cas d'échec du traitement, par le biais de contrôles systématiques au niveau des centres de santé et dans la communauté. Il est essentiel de renforcer les tests de diagnostic pour détecter facilement la tuberculose, les cryptocoques et d'autres maladies opportunistes, mais qui font défaut dans de trop nombreux endroits.De plus, il est bien sûr crucial pour les patients de commencer rapidement un traitement et de le suivre. À cette fin, diverses stratégies ont été développées avec succès pour rendre les patients moins dépendants du système de santé précaire et fournir un soutien par le biais de leurs pairs, mais elles sont encore trop peu utilisées.Il reste encore beaucoup à faire pour réduire la mortalité liée au sida et rendre possible le fait d'avoir une vie saine et d'être sous antirétroviraux (ARV) dans le même temps. Cependant, le succès dans le passé ne représente en rien une garantie pour l'avenir, notamment parce que les bailleurs internationaux se retirent fermement de la lutte contre le VIH/sida. Indépendamment des défis critiques auxquels sont confrontés les programmes nationaux de lutte contre le VIH, le soutien international est en déclin. On fait valoir -- de manière peu réaliste -- que les pays compenseront avec leurs propres fonds. Le désengagement des bailleurs est couvert par un discours économique extrêmement optimiste, qui est généralement loin de la réalité.Par conséquent, l'utilisation réfléchie de chaque dollar/euro pour une meilleure couverture n'est plus à l'ordre du jour, mais plutôt comment causer le moins de dommages possible pour chaque dollar/euro retiré du fonds. Peu d'attention est accordée aux cliniciens et aux autres professionnels de la santé qui doivent à nouveau rationner le traitement antirétroviral, comme au début de l'épidémie du sida, quand le traitement en Afrique était une denrée rare et que des choix impossibles devaient être faits.Car qu'est-ce que cela signifie quand il n'y a pas assez d'ARV ? Cela signifie que le début du traitement antirétroviral devra être différé pour protéger les patients du traitement même, en sachant qu'il ne sera pas suivi correctement, et ce même si l'on sait que cela augmentera la mortalité, les complications médicales et finalement les coûts. Cela implique également que nous devions réduire le nombre de tests et traitements recommandés ; au lieu d'avoir la maîtrise sur le virus et l'avantage sur la mort, les patients attendent d'être très malades. Et les professionnels de la santé hésiteront à faire un test de dépistage systématique du VIH s'ils savent, de toute manière, qu'ils ne peuvent ni commencer ni maintenir un traitement.De plus, dans de nombreux pays, la révolution contre le VIH n'a pas encore vraiment commencé. Par exemple, en Afrique de l'Ouest et centrale, une personne séropositive sur trois seulement suit un traitement. Bien qu'environ un tiers des décès dans le monde dus au sida se produisent ici, ces pays sont relativement plus touchés par le désengagement des bailleurs. Puisque, la priorité est accordée aux pays qui peuvent présenter de bons résultats et les peser à l'échelle mondiale, et non dans les pays où les besoins ne sont pas satisfaits et où les lacunes dans la riposte sont meurtrières.Pour augmenter, comme prévu, l'accès aux traitements en Afrique de l'Ouest et centrale, l'ONUSIDA estime que le financement actuel devrait être augmenté de 81%. Au contraire, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme -- souvent seul bailleur -- est même insuffisant pour l'achat d'ARV en Guinée, en RCA, au Mali et en Sierra Leone, par exemple. Donc, sans ressources additionnelles, le nombre de personnes pouvant commencer un traitement antirétroviral devra être limité. En RCA, il y a un déficit annuel en ARV pour 8000 patients, donc pas seulement un arrêt pour les nouveaux patients, mais même une pénurie pour maintenir les patients déjà sous traitement.Dans certains pays, le gouvernement a promis de prendre en charge l'achat, mais au vu de l'expérience passée, on peut se poser de sérieuses questions quant à savoir si ces fonds seront réellement débloqués. De plus, pour ces pays relativement petits, la question de savoir comment acheter des médicaments de qualité à des prix corrects se pose aussi. Car il n'est pas certain que le mécanisme d'achat collectif puisse être utilisé dans le respect des normes de l'Organisation mondiale de la Santé. Les patients et les professionnels de la santé craignent de plus en plus des ruptures de stock et une qualité moindre des antirétroviraux prescrits.Dans ces pays et dans d'autres, où le manque de fonds crée ce genre de dilemme de répartition, les bailleurs doivent joindre le geste à la parole et investir des ressources supplémentaires pour financer les besoins urgents. C'est seulement ainsi que nous pourrons éviter de perdre du terrain, durement acquis dans la lutte contre le VIH/sida.La Journée mondiale de lutte contre le sida nous rappelle la nécessité d'être solidaire avec ces personnes qui continuent aujourd'hui à se battre pour rester en vie et qui luttent contre les obstacles que sont la négligence et la discrimination ; dans leur propre pays mais aussi au niveau international. L'épidémie du sida se poursuit, là où les caméras et la médiatisation ne sont pas. Aujourd'hui, en 2018, nous devrions parler des personnes qui continuent de mourir du sida dans l'ombre du succès.