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Souvenez-vous. Mai 2016 : le Dr Anne Boucquiau quitte son poste de responsable du département " prévention " à la Fondation contre le Cancer pour rejoindre le ministre Maxime Prévot, qui la sollicite pour devenir sa cheffe de cabinet. Poste auquel elle succède à une certaine... Alda Greoli, devenue vice-présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ministre de la Culture, de l'Enfance et de l'Éducation permanente. Un départ réalisé en bonne entente avec la Fondation qui comprend ses motivations. " Je n'ai jamais eu d'ambition de carrière politique. Mais je pense fondamental que des personnes qui ont une expertise en santé et une expérience de terrain participent activement à la prise de décision en ce domaine. C'est une opportunité que je ne pouvais pas refuser, si lourde soit-elle ", souligne-t-elle. Rappelons qu'elle avait été également, entre 2005 et 2009, responsable de la cellule santé sous le règne du Dr Catherine Fonck, alors ministre de la Santé en Communauté française.Après le remaniement au sein du ministère de la Santé en Région wallonne, portefeuille repris par Alda Greoli en juillet 2017, le Dr Anne Boucquiau n'a pas vu son mandat renouvelé. " Il s'agissait d'une décision unilatérale de la ministre Greoli. " Pourquoi cet arrêt ? "C'est une prérogative du ministre de choisir ses chefs de cabinet qui doivent être sur la même longueur d'onde, partager une même vision. Il est probable que des divergences étaient à craindre..."Un détour par la politique est rarement un long fleuve tranquille. Mais il peut s'avérer très instructif : " J'ai vécu dans ma fonction de cheffe de cabinet, une expérience très riche et j'ai pu travailler sur des dossiers fondamentaux, comme le financement des hôpitaux wallons, ou encore la réorganisation partielle de la première ligne de soins. Malheureusement, mon travail sur de nombreux dossiers n'a pas pu être mené à terme, du fait de cet arrêt anticipé. " Mais elle souligne qu'elle a pu y faire de belles rencontres, de personnes mues par la motivation de servir le bien des patients. " Et puis il y a la frustration de voir le temps que les choses prennent pour changer, de voir que les avancées que l'on espérait ne sont pas toujours toutes retenues et appliquées. Ou encore de constater que de bonnes décisions ne passent pas, mais pour des mauvaises raisons... "Et pour ce qui est des changements, justement, le Dr Boucquiau se montre perplexe, en cette période clé en termes de défis liés à l'évolution de la société, au vieillissement de la population, à la pénurie de médecins généralistes, à l'e-santé, à l'hospitalisation à domicile, etc. Période où les transferts de compétences dans le domaine de la santé ramènent dans le giron de la Région wallonne la prévention, une bonne partie des soins de première ligne, le financement des hôpitaux, l'organisation des maisons de repos (et de soins)... " La Région va pouvoir assurer dans une plus grande mesure un continuum dans les soins de santé. C'est un défi majeur, mais c'est aussi une magnifique opportunité. Et pour réussir ce pari, il faut une vision large et intégrée avec une fine connaissance des réalités de terrain. Une refonte totale et rapide est nécessaire, sinon nous risquons de nous retrouver à la traîne, au détriment de nos patients et de nos soignants... "" Ceux qui ont la meilleure vision des besoins sont les soignants : les médecins, bien entendu, et l'ensemble des équipes multidisciplinaires, indispensables dans la médecine d'aujourd'hui ", soutient-elle avec vigueur. " Il faut leur donner - ainsi qu'aux patients - plus de place dans les organes de réflexion et de décision en matière de santé, sur le plan régional. À l'heure actuelle, leur place est prévue dans certains organes, comme l'AViQ mais dont la lourdeur du fonctionnement empêche toute flexibilité, pourtant nécessaire pour répondre aux changements rapides de la société. Or, il nous faut des structures souples et agiles, et ce n'est pas ce qui se dessine aujourd'hui en Wallonie. Il faut y réfléchir beaucoup plus tôt, avec les acteurs de terrain dès le début du processus. C'est dans ce sens par exemple que je travaillais régulièrement et de manière fructueuse avec la plateforme de première ligne de soins wallonne, dans laquelle les médecins sont bien représentés à travers les syndicats, les cercles ou les maisons médicales ainsi que les associations paramédicales, les pharmaciens, tous motivés à collaborer et trouver des solutions innovantes dans un cadre budgétaire qui reste contraignant. Quant à la prévention, nouvelle compétence régionale tellement importante pour tous, elle nécessite une mobilisation d'autres acteurs de terrain et une réelle volonté de changement de paradigme. Enfin, je pense que l'AViQ, jeune administration wallonne, doit être renforcée en intégrant rapidement davantage de médecins et d'expertise en santé pour pouvoir affronter les défis gigantesques qui attendent la Wallonie. Les défis sont multiples et j'espère voir émerger des réponses à la hauteur... "