Hier soir, 18h01, un courriel arrive sur la boîte mail des membres du CA, juste avant une réunion importante au sujet des comptes de l'intercommunale. Son contenu, à voir ci-contre en encadré, accuse l'intercommunale de pratiques illégales dans la conduite des marchés publics, notamment.

Philippe Lejeune, médecin et directeur général des hôpitaux au sein de l'ISPPC, est également incriminé. Le courriel, signé X, l'accuse d'avoir profité d'avantages. Il aurait notamment fait cuisiner par le personnel de l'ISPPC des repas servis lors de son bal de bourgmestre.

Car l'homme est également bourgmestre de Merbes-le-Château. Ce qui lui a d'ailleurs déjà valu quelques critiques, notamment pour son cumul ou encore pour avoir dépassé le plafond salarial autorisé au sein de l'ISPPC pour atteindre un salaire annuel brut de 334.872 euros. Les membres du Conseil d'administration de l'intercommunale carolorégienne justifiaient ce montant fin avril par le fait que l'intéressé, qui est aussi médecin, n'était pas employé par l'ISPPC mais se fait rétribuer via sa société.

La réponse du Dr Lejeune

"Concernant les accusations de fraudes sur la manière dont sont menés les marchés publics, ce n'est évidemment pas mon domaine, mais je pense que cela se fait très correctement par rapport aux centrales de marchés comme l'on voit dans tous les hôpitaux", indique le Dr Lejeune. "Ceci étant dit, si des choses doivent être vérifiées, qu'elles le soient. Nous nous devons, en tant qu'intercommunale, d'être irréprochables sur ce point."

Ensuite, le bourgmestre de Merbres-le-Château revient sur les accusations plus personnelles. "Ce qui est énervant, c'est l'acharnement", regrette l'intensiviste. "La coupe commence à être pleine. Quand ce n'est pas le salaire que je gagne, c'est la régularité de mon contrat qui est mise en cause. Et quand ce n'est pas cela, c'est le fait que je me serve dans le mobilier de l'intercommunale ou que j'organise des repas sur son dos."

Dr Philippe Lejeune:"J'ai toujours essayé de faire les choses le plus correctement possible."

Par rapport au contenu du courriel

Ce courriel reprend une série de critiques tous azimuts. "Je suis ciblé pour deux aspects : la confection des repas pour le souper annuel du bourgmestre, et le mobilier repris dans l'hôpital civil pour mon compte personnel", indique le Dr Lejeune.

Les repas

"Je n'ai jamais demandé que le personnel de l'intercommunale me confectionne les ratatouilles pour le souper annuel du bourgmestre", se défend l'intéressé. "La seule chose, et ça c'est vrai, est que j'ai besoin de quantités industrielles et que j'utilise depuis quelques années une machine se situant dans une cuisine actuellement désaffectée. Mais c'est une personne extérieure qui est chargée de préparer ces plats, que je transportais par mes propres moyens."

Le mobilier

L'hôpital civil a fermé ses portes en 2014. Appartenant au CPAS de la ville, ce dernier devait être détruit et donc vidé de ses effets sous peine de devoir débourser de l'argent pour le faire vider. "On a donc retiré tout l'appareillage et le mobilier", détaille Philippe Lejeune. "Le matériel a été distribué au sein du réseau hospitalier de l'intercommunale, à l'hôpital Vésale, à Marie-Curie : un peu partout où il y avait une utilité. Une fois fait, on s'est tourné vers les nursing, les ONG, la Croix rouge et même l'ULB, qui a repris des tensiomètres et quelques lits pour son centre de simulation." Enfin, le personnel de l'ISPPC a pris le reste. "J'ai fait une demande pour avoir du matériel, mais ce dernier n'était même pas pour moi, mais pour le CPAS de ma commune. C'est dans ce cadre que du matériel est arrivé in fine à Merbes-le-Château. Il n'a pas été volé ni extirpé de force. Ce matériel a fait plaisir à des gens."

Pourquoi cibler le Dr Lejeune ?

"Peut-être suis-je une victime collatérale d'une volonté politique médico-hospitalière. Mais je ne sais pas", indique, songeur, Philippe Lejeune. "Il y a également des élections prévues en 2018-2019. Peut-être que je gêne quelqu'un. Il y a évidemment une discussion autour des réseaux hospitaliers qui prennent forme. Ce n'est pas évident."

Quoi qu'il en soit, l'homme estime qu'un tel acharnement laisse des traces dans son fonctionnement, tant à la commune qu'à l'intercommunale. "J'essaie de rester serein et paisible. Mon âge le permet, mais ce n'est pas facile. Cela ne fait jamais plaisir, quand on a essayé de faire le mieux pour l'institution dans laquelle on travaille."

Salaire et contrat

L'homme sait qu'il revêt tantôt une fonction publique, tantôt une fonction privée. "Mais cette dernière est tout de même dans une structure publique", relève l'intéressé. "Peut-être que les nouvelles législations sur la gouvernance des intercommunales vont remettre en question mon statut, mais jusqu'à présent, je ne suis pas dans l'illégalité."

Concernant son salaire annuel brut, s'élevant à 334.872 euros, Philippe Lejeune explique qu'il n'est pas tenu de le plafonner. "Je gagne bien ma vie, c'est sûr, mais je ne suis pas dans l'illégalité, encore une fois. Je ne suis pas le président de l'intercommunale, qui est le seul concerné par le plafond salarial. Les avis juridiques vont dans ce sens."

L'illégalité touche enfin le contrat même du directeur général des hôpitaux. "Je suis devenu directeur général des hôpitaux le 1er juillet 2000. Je suis dans ce cadre en CDI, et évalué tous les ans pour le mandat de gestion. Je dois remettre un rapport au CA qui décide s'il continue la collaboration ou non. Jusqu'à présent, j'ai eu un satisfecit général pour le mandat. J'ai toujours essayé de faire les choses le plus correctement possible."

Pas une première

Fin avril, Nicolas Tzanetatos (MR), membre de la Commission de santé publique wallonne et président de l'intercommunale était auditionné comme témoin par la police judiciaire fédérale. En cause : des doubles jetons de présence étaient versés à 18 administrateurs depuis 2008, soit un montant total de 150 à 250.000 euros.

Selon les membres du conseil d'administration, l'explication réside dans le fait que le comité de secteur et le CA se réunissaient le même jour. Or, le système de perception a perduré lorsque la règle a été modifiée en 2008.

Le parquet avait confirmé qu'une information judiciaire était ouverte afin d'écarter tout soupçon de fraude organisée. À ce stade, rien d'illégal n'a été décelé.

Le mail in extenso

Voici le contenu du mail anonyme, que Le Soir a pu se procurer. Il n'a pas été corrigé. " Vous chers membres du conseil communal du Chu, L'ISPPC est une belle entreprise ou il fait bon vivre... oui c'est ca ! Du haut de votre tour d'yvoir vous vous souciez pas des vrais problèmes et des malversations qui touchent les services Au lieu de s'occuper des remboursements des jetons payés en trop vous feriez mieux de venir sur le terrain et d'écouter Dans les services on en a raz le bol depuis les nominations truquées en grande partie, il faut savoir que les langues se délient et les témoignages vont bons trains La police a été prévenue il y a un long moment mais cela traine. Etonnement la presse ne fait pas écho des marchés publiques passés en fraude. Les entreprises doivent inviter les décideurs des cahiers de charges en vacanaces parfois en Italie et j'ai déjà entendu sur des îles en Espagne. Ces entreprises invitent ou les décideurs se font inviter mais ils partent souvent tous frais payés par les entreprises mais tout cela à quel prix ? Quel travail, quelle méthode mettre en place pour éviter ce genre de faits ? Comment expliquez vous que les repas du bal d'un directeur du CHU qui est aussi bourgmestre se font dans les cuisines de l'hôpital avec du personnel de l'hôpital transportés avec des camions de l'hôpital. Un de mes collègues m'a expliqué que le personnel devait se déclarer bénévole durant la préparation des repas mais récupéraient ensuite en stumeling les heures et avaient des promotions pour se taire. C'est vraiment de l'abus publique de biens de l'intercommunale. Question cuisine, une société de Thuin deli xl apporte régulièrement des enveloppes avec des milliers d'euros aux responsables des achats cuisines et recevaient beaucoup d'argent maintenant on ne sait pas qui reçoit mais ca continue avec la meme société Un collègue chauffeur de camion m'a dit qu'il avait du transporter à la fermeture de l'hôpital civil, une grande table du coté de merbes le château et des belles antiquités armoires de pharmacie chez un membre de l'intercommunale J'entends aussi que beaucoup de marchés sont truqués pour que ce soient toujours les mêmes sociétés qui gagnent... une société a été obligée de faire visiter son usine d'italie et d'inviter plusieurs responsables ! demandez s'ils ont payés leur voyage ? et surtout qui a gagné le marché ?... je vous le dit en mille la société qui a payé les voyages !!!! Cela démontre ainsi qu'au sommet de la pyramide que tout est permis comme nommer les proches amis pour s'assurer de leur complicité et silence... ha la loyauté à la place de la compétence ! J'espere en vous écrivant ces quelques lignes que ce système archaique stoppera ! Merci aux courageux qui me suivront et qui oseront en parler X "

Hier soir, 18h01, un courriel arrive sur la boîte mail des membres du CA, juste avant une réunion importante au sujet des comptes de l'intercommunale. Son contenu, à voir ci-contre en encadré, accuse l'intercommunale de pratiques illégales dans la conduite des marchés publics, notamment.Philippe Lejeune, médecin et directeur général des hôpitaux au sein de l'ISPPC, est également incriminé. Le courriel, signé X, l'accuse d'avoir profité d'avantages. Il aurait notamment fait cuisiner par le personnel de l'ISPPC des repas servis lors de son bal de bourgmestre.Car l'homme est également bourgmestre de Merbes-le-Château. Ce qui lui a d'ailleurs déjà valu quelques critiques, notamment pour son cumul ou encore pour avoir dépassé le plafond salarial autorisé au sein de l'ISPPC pour atteindre un salaire annuel brut de 334.872 euros. Les membres du Conseil d'administration de l'intercommunale carolorégienne justifiaient ce montant fin avril par le fait que l'intéressé, qui est aussi médecin, n'était pas employé par l'ISPPC mais se fait rétribuer via sa société."Concernant les accusations de fraudes sur la manière dont sont menés les marchés publics, ce n'est évidemment pas mon domaine, mais je pense que cela se fait très correctement par rapport aux centrales de marchés comme l'on voit dans tous les hôpitaux", indique le Dr Lejeune. "Ceci étant dit, si des choses doivent être vérifiées, qu'elles le soient. Nous nous devons, en tant qu'intercommunale, d'être irréprochables sur ce point."Ensuite, le bourgmestre de Merbres-le-Château revient sur les accusations plus personnelles. "Ce qui est énervant, c'est l'acharnement", regrette l'intensiviste. "La coupe commence à être pleine. Quand ce n'est pas le salaire que je gagne, c'est la régularité de mon contrat qui est mise en cause. Et quand ce n'est pas cela, c'est le fait que je me serve dans le mobilier de l'intercommunale ou que j'organise des repas sur son dos."Ce courriel reprend une série de critiques tous azimuts. "Je suis ciblé pour deux aspects : la confection des repas pour le souper annuel du bourgmestre, et le mobilier repris dans l'hôpital civil pour mon compte personnel", indique le Dr Lejeune."Je n'ai jamais demandé que le personnel de l'intercommunale me confectionne les ratatouilles pour le souper annuel du bourgmestre", se défend l'intéressé. "La seule chose, et ça c'est vrai, est que j'ai besoin de quantités industrielles et que j'utilise depuis quelques années une machine se situant dans une cuisine actuellement désaffectée. Mais c'est une personne extérieure qui est chargée de préparer ces plats, que je transportais par mes propres moyens."L'hôpital civil a fermé ses portes en 2014. Appartenant au CPAS de la ville, ce dernier devait être détruit et donc vidé de ses effets sous peine de devoir débourser de l'argent pour le faire vider. "On a donc retiré tout l'appareillage et le mobilier", détaille Philippe Lejeune. "Le matériel a été distribué au sein du réseau hospitalier de l'intercommunale, à l'hôpital Vésale, à Marie-Curie : un peu partout où il y avait une utilité. Une fois fait, on s'est tourné vers les nursing, les ONG, la Croix rouge et même l'ULB, qui a repris des tensiomètres et quelques lits pour son centre de simulation." Enfin, le personnel de l'ISPPC a pris le reste. "J'ai fait une demande pour avoir du matériel, mais ce dernier n'était même pas pour moi, mais pour le CPAS de ma commune. C'est dans ce cadre que du matériel est arrivé in fine à Merbes-le-Château. Il n'a pas été volé ni extirpé de force. Ce matériel a fait plaisir à des gens.""Peut-être suis-je une victime collatérale d'une volonté politique médico-hospitalière. Mais je ne sais pas", indique, songeur, Philippe Lejeune. "Il y a également des élections prévues en 2018-2019. Peut-être que je gêne quelqu'un. Il y a évidemment une discussion autour des réseaux hospitaliers qui prennent forme. Ce n'est pas évident."Quoi qu'il en soit, l'homme estime qu'un tel acharnement laisse des traces dans son fonctionnement, tant à la commune qu'à l'intercommunale. "J'essaie de rester serein et paisible. Mon âge le permet, mais ce n'est pas facile. Cela ne fait jamais plaisir, quand on a essayé de faire le mieux pour l'institution dans laquelle on travaille."L'homme sait qu'il revêt tantôt une fonction publique, tantôt une fonction privée. "Mais cette dernière est tout de même dans une structure publique", relève l'intéressé. "Peut-être que les nouvelles législations sur la gouvernance des intercommunales vont remettre en question mon statut, mais jusqu'à présent, je ne suis pas dans l'illégalité."Concernant son salaire annuel brut, s'élevant à 334.872 euros, Philippe Lejeune explique qu'il n'est pas tenu de le plafonner. "Je gagne bien ma vie, c'est sûr, mais je ne suis pas dans l'illégalité, encore une fois. Je ne suis pas le président de l'intercommunale, qui est le seul concerné par le plafond salarial. Les avis juridiques vont dans ce sens."L'illégalité touche enfin le contrat même du directeur général des hôpitaux. "Je suis devenu directeur général des hôpitaux le 1er juillet 2000. Je suis dans ce cadre en CDI, et évalué tous les ans pour le mandat de gestion. Je dois remettre un rapport au CA qui décide s'il continue la collaboration ou non. Jusqu'à présent, j'ai eu un satisfecit général pour le mandat. J'ai toujours essayé de faire les choses le plus correctement possible."