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L'été 2017 aura été marqué par la superposition de chacune des problématiques du numérus clausus avec leurs combats juridiques respectifs : les reçus-collés 2017 se battant contre les classements et les quotas respectifs du concours en fin de première, les allégés 2017 et rhétoriciens ou future cohorte 2018 luttant contre l'examen d'entrée, et in fine la double cohorte 2018 et les cohortes 2019 et 2020 dont les numéros Inami ne tiennent qu'à un fil. Le dossier Inami a atteint une complexité paradoxale telle que la population générale y est complètement détachée, malgré les conséquences directes sur le système des soins de santé belge. De plus, 2017 pourrait être l'année ou les syndicats étudiants devront sacrifier une des populations que l'on défend. Mais analysons les problématiques une par une. Tout d'abord, à son installation, le concours en fin de première a été une lueur d'espoir en tant que solution durable en Fédération Wallonie Bruxelles. Je m'en réjouissais : le gouvernement avait pour une fois adopté une sélection valide tant sur le plan scientifique (tester les étudiants sur les sciences médicales de base est la façon la plus prédictive de sélectionner des étudiants en médecine, selon plusieurs études scientifiques dont les travaux du PrPowis). Le concours avait aussi été voté en majorité par les étudiants en médecine en cours de cursus comme système de sélection préférable. A l'époque, les alternatives étaient soit un examen d'entrée, soit une sélection en fin de troisième année : l'examen d'entrée est la pire manière de sélectionner des étudiants en médecine (études de Powis, Barr) et dans le cas particulier de la Belgique il aggraverait les disparités présentes dans l'enseignement secondaire ; la sélection en fin de troisième aurait été inacceptable sur un plan humain, puisque les étudiants non choisis aurait perdu 3 ans de leurs vie à étudier la médecine pour après se voir exclus. Marcourt promettait la mise en place de ce système durable, De Block garantissait les Inami à tous les étudiants ; on aurait enfin pu appliquer le lissage négatif, en contrôlant le nombre d'étudiants passant en 2ème année et enfin rattraper les surnuméraires du lissage. À la fin de multiples manifestations dont la plus grande manifestation étudiante depuis 1969 en Belgique où le CIUM avait regroupé 5.300 étudiants dans les rues de Bruxelles, on se sentait gagnants : on voyait le bout du tunnel. Puis sont arrivés les problèmes. Tout d'abord, sans savoir pourquoi, le système de classement basé sur la moyenne de fin d'année en sciences médicales a été changée en un concours boucherie organisé en une seule journée de 8h. Les quotas annoncés en 2015-2016 étaient minimes : en moyenne, 1 étudiant sur 3 aurait pu accéder en BA2. Marcourt et De Block étaient lancés dans un ping-pong communautaire-fédéral sur une histoire d'accord écrit ; les étudiants de dernières années étaient encore incertains de recevoir un numéro Inami. Finalement, les reçus-collés (nouveau spécimen dans le dossier médecine, les étudiants ayant réussi plus que 45 crédits sur 60 mais non classés au concours) se lancent dans un recours aboutissant au Conseil d'Etat : l'auditeur estime que les quotas sont non représentatifs des besoins de la population. Le 19 septembre 2016, Marcourt laisse passer tout le monde en deuxième année. Les étudiants ne le savent pas, mais avec leurs recours, les étudiants classés au concours perdent leur garantie d'avoir un numéro Inami : en effet, le système de sélection est une convention assurant un Inami à tout étudiant y étant soumis. Cette supposition n'était que théorique : on aura dû attendre juillet 2017 pour voir cela apparaître dans une modification d'un arrêté royal fait par De Block. De plus, les numéros Inami de la promotion sortant en 2021 (la première soumise au concours) ont été attribué aux étudiants sortant en 2016 : les coffres des doyens de médecine étaient désormais vides. Quelle solution allait-on développer maintenant ? De plus, la presse, souvent mal informée sur le sujet, annonçait que la méthode de sélection qu'on avait établie était "défaillante" et rejetait la faute sur Marcourt tandis que la responsabilité du manque de numéros Inami persistait au fédéral, où Mme De Block persistait à ignorer l'avis de la commission de planification visant à modifier la répartition des numéros Inami entre le nord et le sud du pays. Cette dernière avait prévu environ 600 numéros Inami pour 2016/2017 : De Block relance et affirme qu'en Wallonie, seulement 528 Inami seront disponibles pour cette année. 492 Inami étant disponibles en 2015/2016, le MR n'a pas cessé d'affirmer qu'ils avaient "augmenté les quotas". L'opinion publique pointait donc du doigt le ministre PS, et cela n'a jamais été aussi facile : aucun défenseur des étudiants en médecine francophones était présent au fédéral. Suite à l'échec du concours dès son installation, Mme De Block pose un ultimatum à Marcourt : soit un examen d'entrée, soit pas d'Inami pour les étudiants sortant en 2017. Pour rappel, le lissage négatif était toujours dans l'air comme une présence constante, et Marcourt le rappelle bien au parlement de la FWB le 22 septembre 2016 : "On peut me dire comment sélectionner mes étudiants ou en quelle quantité, mais il est une atteinte à notre dignité de m'imposer les 2 ensemble". Par cela, il faisait référence au plus grand paradoxe des deux dernières années : Maggie de Block imposait un examen d'entrée, qui est une variable binaire (soit on réussit, soit on échoue) tout en limitant le nombre de numéros Inami disponibles ; les deux se contredisent bien évidemment, puisqu'on ne peut pas prédire combien d'étudiants réussiront l'examen d'entrée tout en prévoyant assez de numéros Inami pour rembourser les surnuméraires. Pourtant, avec une bonne communication (les nouvelles paradoxales tombent, le plus souvent comme par hasard, le jeudi soir), l'idée est rentrée dans l'esprit du citoyen : "l'examen d'entrée existe depuis toujours en polytechnique, pourquoi en faire un scandale si c'est en médecine ?". Une autre problématique sensible naissante à l'époque était celle de la double cohorte, c'est-à-dire les 2 cohortes du système 7 ans et 6 ans sortant ensemble en juin 2018. 1.500 places de stage étaient manquantes ainsi que les numéros Inami correspondants : Maggie De Block menace à nouveau les étudiants en disant à Marcourt que s'il n'adopte pas d'examen d'entrée, la double cohorte francophone n'aura pas de numéros Inami. Elle se réserve le droit de contrôle, année par année, pour les cohortes 2019 et 2020, posant un chantage sur la stabilité juridique de l'examen d'entrée : s'il tombe suite aux recours, les étudiants 2018 à 2020 n'auront pas de numéros Inami non plus. Les places de stages ont été négociés suite à une action concertée du cabinet De Block et du conseil supérieur des médecins généralistes et spécialistes avec une consultation sans précédent des syndicats des étudiants : il ne manquait plus que l'attendue sélection.Marcourt se plie enfin et écrit le décret pour l'examen d'entrée, qui après correction, présente toujours des éléments douteux que les universités ne savent pas toujours interpréter : les étudiants réussissant en 2017 mais ne se classant pas au concours devront en effet passer l'examen d'entrée ... pour accéder en 2ème.L'effet de sélection sociale que l'on criait sans qu'on nous entende prend effet tout doucement en 2017 : plusieurs agences de cours privés spécifiques pour l'examen d'entrée et dont les sommes d'argent requises sont parfois exorbitantes voient le jour. Les syndicats des étudiants prennent les choses en main en été 2017 pour éviter de grosses dépenses de la part des familles des étudiants : une union sans précédents entre la presque totalité des associations francophones guidées par le CIUM, la FEF et Fédé, on mobilise plus de 30.000 euros de nos fonds communs pour défendre les reçus-collés en justice. Maggie De Block publie une révision de l'arrêté royal définissant le nombre de numéros Inami en début du mois de juillet : elle concrétise la théorie de la sélection en tant que convention de garantie d'Inami ; tout étudiant sortant d'une convention de sélection n'aura pas son code. De plus, elle annonce le lissage négatif débutant immédiatement après l'examen d'entrée. Elle annonce aussi que la délivrance d'un numéro aux cohortes 2018 et 2020 se base sur le maintien et efficacité de l'examen d'entrée : en d'autres termes, s'il tombe suite à un recours, ces 4 promotions n'auront pas de numéros Inami.Le recours contre les classements et quotas du recours échoue à deux reprises : le Conseil d'Etat estime que les étudiants peuvent encore réussir l'examen d'entrée pour passer en 2ème. La thèse des syndicats des étudiants reste quant à elle immaculée et non contestée. En effet, les quotas 2022 ont été établis illégalement : les quotas communautaires ont été déterminés avant les totaux, ce qui est illégal. Et étant illégaux, il faut se référer aux quotas précédents, qui sont... illégaux également. De l'autre côté, une initiative étudiante de la part des allégés 2017 et des rhétoriciens sortant en 2017 prend forme : ils se lancent dans un recours pour ne pas passer l'examen d'entrée. La question nous est parvenue, sous formes différentes, de plusieurs étudiants de la double cohorte par mail avant même que notre conscience ne nous la pose : "Votre organisation va-t-elle soutenir financièrement un recours contre l'examen d'entrée sachant que, s'il tombe, les étudiants des cohortes 2018 à 2020, c'est-à-dire 4 cohortes, n'auront pas de numéros Inami ?"L'attitude responsable, maximaliste certes, est bien évidemment de ne pas soutenir ce recours, même s'il aura lieu quoi qu'on fasse. Dans le contexte politique actuelle, il revient à dire que quelque centaines au maximum d'allégés et rhétoriciens s'attaquent à 4 cohortes d'étudiants attendant un numéro Inami après avoir réussi l'entièreté du cursus. L'examen est, malheureusement, leur meilleure chance de pratiquer la médecine curative.De plus, avec l'annulation simple de l'examen d'entrée, tout étudiant le contournant n'aura pas de numéro Inami : cela veut dire qu'actuellement les étudiants se battent dans un recours pour au final n'avoir aucun Inami délivré. Cela revient à dire que pour toute la durée du lissage négatif (indéterminée à ce moment), 0 diplômé en médecine sortiront avec un code Inami en fédération Wallonie Bruxelles ! Est-ce possible ? Est-ce légal ? Légalement et mathématiquement, oui. En effet, un nouveau concept s'est installé dans le dossier Inami, en 2016, malgré la confirmation de pénurie (étude Deliege 2015 : 43% de médecins partant à la pension remplacés d'ici 2025 en FWB contre 150% en Flandre) : c'est le concept de quotas critique. En effet, De Block a fixé un quota minimum de médecins diplômés par an en dessous duquel le système des soins de santé ne pourrait plus être efficace en Belgique : il a été fixé à 500 médecins par an. Donc, même si 0 médecins sont diplômés en Wallonie dans les prochaines années, du moment où la Flandre en diplôme plus que 500, c'est bon pour notre ministre de la Santé.Soutenir un recours contre l'examen d'entrée dans ce contexte socio-politique est irresponsable sur tous les fronts. Mais quelle serait une bonne manière de sauver tous les étudiants ? On y travaille depuis longtemps. Comme certains syndicats médicaux l'admettent, les "besoins de la population" n'ont pas été déterminés : les critères de l'installation du numerus clausus sont obsolètes et doivent être réévalués. Seulement grâce à des études scientifiques et épidémiologiques des besoins de première, deuxième et troisième lignes on pourra fixer les besoins précis de médecins pour la population belge. La meilleure façon de se battre contre ce système de sélection tout en sauvant la double cohorte et les cohortes 2019, 2020 et les suivantes est donc de s'attaquer au principe et fondement même du numerus clausus. C'est une procédure longue qui prend au moins un an mais réalisable théoriquement : celle-ci pourrait être la base de la reconstruction de notre système de soins de santé pour qu'il soit plus performant. Il se pourrait que le recours contre l'examen ait des conséquences catastrophiques sur la double cohorte et notre système de soins de santé, et, actuellement, ses chances de réussite sont considérables. Néanmoins, on ne laissera pas tomber les étudiants qui deviendront médecins l'année prochaine : si les mots ne suffiront plus, des actes forts seront organisés.