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De plus en plus d'applications et de services digitaux envahissent la santé. Un grand plaisir pour certains, désireux d'accéder à n'importe quel moment à leur dossier médical via le portail eSanté par exemple. Un calvaire pour d'autres, qui voient dans le plan d'action eSanté fédéral l'imposition d'une série de tâches administratives dont ils se seraient bien passés.En effet, bien que les avantages de l'eSanté soient largement documentés dans la littérature internationale, la Commission européenne a indiqué que son adoption s'est avérée beaucoup plus difficile et longue que prévu dans tous les pays européens. La Belgique ne fait pas exception.Le rapport du KCE confirme beaucoup d'éléments déjà connus. L'interopérabilité est importante pour que le médecin généraliste adhère à un nouveau service eSanté. Le KCE cite également d'autres facteurs liés à l'interopérabilité : la facilité d'utilisation et les pertes de temps. "Les médecins généralistes attendent des services eSanté qu'ils leur simplifient le travail et facilitent leur pratique, par exemple, en permettantd'importer facilement des résultats d'analyses. S'ils doivent les réintroduire manuellement, il n'y a pas de plus-value. "Complication supplémentaire propre à notre pays : les différentes régions utilisent chacune leurs propres systèmes. Par exemple, lorsque les médecins généralistes reçoivent les résultats de dépistages du cancer du sein ou du côlon, réalisés à l'échelle des régions, ils doivent les réintroduire manuellement dans les dossiers électroniques des patients, et ce parfois en plusieurs endroits différents. L'interopérabilité entre les logiciels et les systèmes doit donc absolument être accrue. Le KCE embraye avec une lapalissade: il faut que les avantages l'emportent sur les inconvénients. Ces avantages, surtout financiers, sont très importants aux yeux des médecins, note le Centre fédéral d'expertise. Plus que l'impact sur la qualité de la relation médecin patient.La formation et le soutien technique sont également des éléments fondamentaux, et ce, sous de nombreuses formes. Le soutien par les pairs est cité comme facilitateur important. Les 'champions' ou 'super-utilisateurs', capables de sensibiliser leurs collègues et de les encourager à adopter de nouveaux services, semblent également jouer un grand rôle, surtout visible en pratiques de groupe. Concernant le soutien technique, les médecins sont réticents à l'idée de dépendre de services externes, notamment à cause de craintes autour de la sécurité des données. " Cette méfiance est également largement rapportée dans la littérature mais ses causes restent floues ", précise le centre d'expertise.À côté de ces conclusions somme toute assez prévisibles, le KCE suggère aussi d'impliquer davantage les médecins dans le développement, les essais et l'implémentation des futurs nouveaux services, aux côtés des autorités et des développeurs de logiciels. " Une approche davantage bottom up, voire un processus de co-création avec les développeurs leur permettrait en effet de faire bénéficier ces derniers de leurs connaissances pratiques et d'identifier le type de services susceptibles d'apporter une valeur ajoutée à leur pratique de terrain."" Impliquer précocement les médecins généralistes permettrait d'adapter concrètement les services à leurs besoins, comme par exemple identifier les problèmes structurels dans l'architecture des interfaces."À la lecture des facteurs d'influence, impossible de ne pas penser aux coopératives de médecins qui se sont lancées dans l'aventure des logiciels médicaux (Medispring en tête), qui rassemblent la plupart des facteurs de réussite mentionnés par le KCE, comme l'implication des médecins et le soutien technique.En conclusion, le KCE propose 17 recommandations, parfois techniques. Il s'agit, pour résumer, de simplifier la communication autour de l'eSanté et d'inclure les acteurs de la santé dans la conception des services eSanté. Le KCE recommande également d'investir dans la formation et le soutien, typiquement dans e-santé wallonie et e-Health Academy pour la partie francophone du pays.La prime de pratique intégrée est jugée utile en tant qu'incitant au recours à l'eSanté, il faut donc la pérenniser. Enfin, on notera que les universités sont priées de renforcer la formation à l'utilisation des services eSanté dans le cursus de base en médecine.1. Utilisation des services e-santé par les médecins généralistes belges. Analyse sur la base de la prime de pratique intégrée pour la médecine générale, KCE, 19 janvier 2021.