Lorsque l'on parle de réponse à une pathologie et, à fortiori, à une épidémie ou à une pandémie, il paraît évident d'y inclure toute la population. Lorsque, dans la réponse nationale à une pandémie, une partie de la population n'a pas été prise en compte, on pourrait alors penser à la notion de santé publique, mais je pencherais plutôt à soulever des questions relatives à l'éthique et la déontologie médicale. Jusqu'à présent, dans la réponse au Covid-19, les personnes sans-abris et les personnes migrantes ont été exclues, ou oubliées. Je ne me prononcerai pas sur le terme à utiliser, mais il s'agit là d'un fait.

Les inclure dans cette lutte, c'est se préoccuper de leur santé

Leur vulnérabilité, propre à la précarité de leurs conditions de vie (accès limité à l'hygiène de base, à l'alimentation, aux soins de santé, à des moyens de subsistance, le manque de sécurité...), les rend plus fragiles face aux problèmes de santé. La littérature scientifique sur ce virus nous a montré l'importance de la riposte à donner spécifiquement dans les collectivités. La majorité de ces deux groupes de population vivent, certes pour beaucoup sans toit, mais en collectivité de plus ou moins grande taille. La société classifie rapidement les groupes et ceux-ci n'y ont pas échappé : " collectivités agréées " et " collectivités non agréées ". La majorité des personnes dont nous parlons ne sont pas répertoriées et se trouvent de facto dans des lieux non agréés. " Non reconnus ", cela veut dire aussi " non pris en compte ", et là, le problème commence.

En Belgique, les seules personnes n'ayant pas accès à l'information sur le Covid-19, aux tests et à la prise en charge, sont celles qui n'ont pas de numéro national ou de matricule, c'est-à-dire les personnes sans-abris et les personnes migrantes. " Pas de numéro, pas de test ! ". Et bien que ces personnes n'aient pas accès à l'information, elles se doivent de respecter les mesures sanitaires. Hypocrisie d'un système ou ironie sanitaire... Comment reprocher à quelqu'un vivant dehors et n'ayant accès à aucun système agréé de ne pas connaître ces mesures et de ne pas les respecter ? Comment est-ce possible d'infliger une amende à une personne sans-abri, sans revenu, au motif qu'elle doit rentrer chez elle à cause d'un couvre-feu, alors qu'elle n'a pas de chez elle ? S'agit-il ici d'un manque de cohérence ou d'un manque d'anticipation ? Comment expliquer à quelqu'un qui a faim et qui n'a pas accès à une douche, l'importance de porter un masque et de se laver les mains ? C'est donc tout un secteur non gouvernemental et associatif qui a pris en charge ces manquements de santé publique.

Il faut s'adapter à ces personnes

Comment inclure ces populations dans la réponse au Covid-19 ? Ma réponse pourrait paraître simpliste, mais je dirais : s'adapter à elles. Le Covid-19 a été expliqué aux enfants non pas avec de grands termes scientifiques, mais bien en adoptant un mode de communication qui leur était adapté. Pareil pour les fonctionnaires de l'Union européenne : les mesures sanitaires ont été traduites dans leur langue. Pour les populations sans-abris et migrantes, nous, MSF, travaillons avec des médiateurs culturels et des traducteurs ; nous allons dans leurs lieux de vie. Là, la plus grande difficulté est de pouvoir suivre et prendre soin de personnes qui sont en mouvements. Elles ne le sont pas de leur propre volonté, mais bien du fait de la poursuite incessante des forces de l'ordre, qui cherchent à les déloger d'un abri, sous prétexte que l'on ne peut pas se regrouper. Comment effectuer un suivi médical et un suivi des contacts corrects si la peur de la police et la destruction d'abris de fortune sans cesse répétée forcent les personnes à fuir ? Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est du logement basique mais digne, de l'accès à l'hygiène de base ; des besoins fondamentaux pour tout un chacun.

Il faut donner les moyens à toutes les populations se trouvant (illégalement ou non) sur un territoire, de pouvoir protéger les autres et elles-mêmes, de pouvoir respecter les mesures imposées, et ce, quel que soit leur statut. Si les ministères de la Santé nous imposent de nous laver les mains, comment doivent faire les personnes qui n'ont ni savon ni eau potable, et qui n'ont plus accès aux lieux publics où elles avaient l'habitude d'aller ? La priorité ne devrait-elle pas être de donner accès à l'eau et à l'information, au lieu d'infliger des amendes à des personnes insolvables pour des choses qu'elles ont faites par manque d'informations ou parce qu'on leur a parlé dans une langue qu'elles ne comprennent pas ? Lors d'une pandémie, est-ce réaliste de donner des ordres de quitter le territoire alors que les frontières sont fermées ? Est-ce réaliste, dans ce contexte, d'empêcher les demandes d'asile alors qu'elles donnent accès à un lit, de l'eau, de la nourriture, ainsi qu'aux soins de santé dont les tests Covid-19 ? Le Portugal, par exemple, a compris la nécessité de cette prise en charge globale en santé publique et a régularisé toutes les personnes sans papiers se trouvant sur son territoire.

Ne commettons plus les mêmes erreurs

Inclure toutes les parties de la population dans la réponse à la pandémie n'est pas une option, mais bien une obligation morale, éthique et sanitaire. MSF, qui dispose de connaissances assez pointues en matière de réponse à de nombreuses épidémies, ainsi qu'en termes de vaccination de masse, a toujours mis l'accent sur la promotion de la santé, ou autrement dit le travail d'information sanitaire. La lutte contre la pandémie ne peut effectivement pas être menée uniquement dans les hôpitaux, mais bien aussi dans les communautés : auprès des personnes sans-abris et des personnes migrantes, au sein des écoles, des maisons de repos et des lieux de travail... Malheureusement, ces communautés n'ont, jusqu'à présent, pas toutes été prises en compte. À compter d'aujourd'hui, ne commettons pas les mêmes erreurs et incluons tout le monde dans la réponse au Covid-19, y compris dans le cadre de la vaccination contre celui-ci.

Raphaël Delhalle

Lorsque l'on parle de réponse à une pathologie et, à fortiori, à une épidémie ou à une pandémie, il paraît évident d'y inclure toute la population. Lorsque, dans la réponse nationale à une pandémie, une partie de la population n'a pas été prise en compte, on pourrait alors penser à la notion de santé publique, mais je pencherais plutôt à soulever des questions relatives à l'éthique et la déontologie médicale. Jusqu'à présent, dans la réponse au Covid-19, les personnes sans-abris et les personnes migrantes ont été exclues, ou oubliées. Je ne me prononcerai pas sur le terme à utiliser, mais il s'agit là d'un fait.Leur vulnérabilité, propre à la précarité de leurs conditions de vie (accès limité à l'hygiène de base, à l'alimentation, aux soins de santé, à des moyens de subsistance, le manque de sécurité...), les rend plus fragiles face aux problèmes de santé. La littérature scientifique sur ce virus nous a montré l'importance de la riposte à donner spécifiquement dans les collectivités. La majorité de ces deux groupes de population vivent, certes pour beaucoup sans toit, mais en collectivité de plus ou moins grande taille. La société classifie rapidement les groupes et ceux-ci n'y ont pas échappé : " collectivités agréées " et " collectivités non agréées ". La majorité des personnes dont nous parlons ne sont pas répertoriées et se trouvent de facto dans des lieux non agréés. " Non reconnus ", cela veut dire aussi " non pris en compte ", et là, le problème commence.En Belgique, les seules personnes n'ayant pas accès à l'information sur le Covid-19, aux tests et à la prise en charge, sont celles qui n'ont pas de numéro national ou de matricule, c'est-à-dire les personnes sans-abris et les personnes migrantes. " Pas de numéro, pas de test ! ". Et bien que ces personnes n'aient pas accès à l'information, elles se doivent de respecter les mesures sanitaires. Hypocrisie d'un système ou ironie sanitaire... Comment reprocher à quelqu'un vivant dehors et n'ayant accès à aucun système agréé de ne pas connaître ces mesures et de ne pas les respecter ? Comment est-ce possible d'infliger une amende à une personne sans-abri, sans revenu, au motif qu'elle doit rentrer chez elle à cause d'un couvre-feu, alors qu'elle n'a pas de chez elle ? S'agit-il ici d'un manque de cohérence ou d'un manque d'anticipation ? Comment expliquer à quelqu'un qui a faim et qui n'a pas accès à une douche, l'importance de porter un masque et de se laver les mains ? C'est donc tout un secteur non gouvernemental et associatif qui a pris en charge ces manquements de santé publique.Comment inclure ces populations dans la réponse au Covid-19 ? Ma réponse pourrait paraître simpliste, mais je dirais : s'adapter à elles. Le Covid-19 a été expliqué aux enfants non pas avec de grands termes scientifiques, mais bien en adoptant un mode de communication qui leur était adapté. Pareil pour les fonctionnaires de l'Union européenne : les mesures sanitaires ont été traduites dans leur langue. Pour les populations sans-abris et migrantes, nous, MSF, travaillons avec des médiateurs culturels et des traducteurs ; nous allons dans leurs lieux de vie. Là, la plus grande difficulté est de pouvoir suivre et prendre soin de personnes qui sont en mouvements. Elles ne le sont pas de leur propre volonté, mais bien du fait de la poursuite incessante des forces de l'ordre, qui cherchent à les déloger d'un abri, sous prétexte que l'on ne peut pas se regrouper. Comment effectuer un suivi médical et un suivi des contacts corrects si la peur de la police et la destruction d'abris de fortune sans cesse répétée forcent les personnes à fuir ? Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est du logement basique mais digne, de l'accès à l'hygiène de base ; des besoins fondamentaux pour tout un chacun.Il faut donner les moyens à toutes les populations se trouvant (illégalement ou non) sur un territoire, de pouvoir protéger les autres et elles-mêmes, de pouvoir respecter les mesures imposées, et ce, quel que soit leur statut. Si les ministères de la Santé nous imposent de nous laver les mains, comment doivent faire les personnes qui n'ont ni savon ni eau potable, et qui n'ont plus accès aux lieux publics où elles avaient l'habitude d'aller ? La priorité ne devrait-elle pas être de donner accès à l'eau et à l'information, au lieu d'infliger des amendes à des personnes insolvables pour des choses qu'elles ont faites par manque d'informations ou parce qu'on leur a parlé dans une langue qu'elles ne comprennent pas ? Lors d'une pandémie, est-ce réaliste de donner des ordres de quitter le territoire alors que les frontières sont fermées ? Est-ce réaliste, dans ce contexte, d'empêcher les demandes d'asile alors qu'elles donnent accès à un lit, de l'eau, de la nourriture, ainsi qu'aux soins de santé dont les tests Covid-19 ? Le Portugal, par exemple, a compris la nécessité de cette prise en charge globale en santé publique et a régularisé toutes les personnes sans papiers se trouvant sur son territoire.Inclure toutes les parties de la population dans la réponse à la pandémie n'est pas une option, mais bien une obligation morale, éthique et sanitaire. MSF, qui dispose de connaissances assez pointues en matière de réponse à de nombreuses épidémies, ainsi qu'en termes de vaccination de masse, a toujours mis l'accent sur la promotion de la santé, ou autrement dit le travail d'information sanitaire. La lutte contre la pandémie ne peut effectivement pas être menée uniquement dans les hôpitaux, mais bien aussi dans les communautés : auprès des personnes sans-abris et des personnes migrantes, au sein des écoles, des maisons de repos et des lieux de travail... Malheureusement, ces communautés n'ont, jusqu'à présent, pas toutes été prises en compte. À compter d'aujourd'hui, ne commettons pas les mêmes erreurs et incluons tout le monde dans la réponse au Covid-19, y compris dans le cadre de la vaccination contre celui-ci.Raphaël Delhalle