...

La Belgique dépense proportionnellement plus pour son secteur hospitalier que la moyenne des 9 pays (1) analysés (2) (voir graphique ci-contre). Pour Eduard Portella, il est possible et nécessaire de transférer au sein de cette enveloppe fermée une partie du budget consacré aux soins hospitaliers (85,6%) vers les soins de jour (4,3%), les soins ambulatoires (9,6%) et les soins de longue durée (0,6%). Il estime que les décideurs doivent se poser ces questions : les dépenses sont-elles appropriées, pourrions-nous faire différemment, pourrions-nous faire autre chose ? " Il faut déconstruire l'hôpital parce que les besoins des patients sont hétérogènes ", conseille l'expert. " Il faut renforcer l'hospitalisation de jour et l'aval de l'hôpital. "Dans ce système intégré, Eduard Portella estime que l'hôpital doit être à la manoeuvre parce qu'il fédère de nombreuses compétences et dispose de moyens importants. " Déconstruire l'hôpital ne signifie pas le démolir ", tempère le Catalan. " Nous constatons qu'une partie significative des patients nécessite des soins quasi permanents mais ont des besoins différents tout au long de leurs itinéraires de soins. Dès lors, nous ne pouvons pas nous contenter de répondre à ces besoins uniquement par des séjours d'hospitalisation. L'hôpital doit sortir de ses murs et participer activement à structurer et consolider l'intégration des soins. C'est une question de réalisme. "Pour Eduard Portella, dans ce modèle, il revient au management de piloter la transformation des hôpitaux et d'assumer la gestion de ce risque. " Les pouvoirs régulateurs doivent modifier leur approche et plutôt que réguler les ressources et les processus, ils doivent s'orienter vers la régulation de l'activité et des résultats. " Ce qui implique évidemment qu'ils disposent d'indicateurs de qualité leur permettant de comparer les résultats (les fameux outcomes : NDLR) des institutions.Le président d'Antares Consulting estime que la réforme hospitalière lancée par la ministre De Block ne va pas assez loin. Il ressent la création de 25 réseaux loco-régionaux comme la constitution d'archipels hospitaliers isolés. " Il faut faire collaborer l'hôpital et le médico-social. Cette organisation fait défaut en Belgique. La prochaine étape dans la construction des réseaux doit être l'intégration des structures d'aval : séjours moyens et longs termes, prise en charge à domicile, structures médico-sociales. Dans l'ensemble des pays européens, les réseaux se développent mais avec une configuration plus holistique. En France, 891 établissements ont été regroupés en 2017 en 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ce mouvement de regroupement a été lancé dans les hôpitaux avant que les lois n'aient été finalisées ", souligne Portella. Quid des hôpitaux de référence ? L'expert estime qu'ils ont une place primordiale dans le système belge mais regrette qu' " actuellement, la loi ne permette pas aux hôpitaux généraux de se spécialiser. En Belgique, il n'y a que quelques hôpitaux spécialisés : l'Huderf et l'Institut Bordet. La concentration des activités va créer des asymétries dans le profil des hôpitaux. "E. Portella identifie plusieurs avantages significatifs du travail en réseau clinique : obtention d'une taille critique nécessaire pour développer un portefeuille complet de prestations et certaines prestations spécialisées, concentration des activités offrant de meilleurs résultats et outcomes cliniques, diminution de la variabilité clinique, renforcement de la capacité à développer des projets innovants, attractivité plus grande pour les professionnels (développement de carrière), création de services partagés visant à l'optimisation des coûts.Pour réussir la constitution des réseaux, Eduard Portella conseille de créer un modèle de prise en charge cohérent fixant les mêmes objectifs aux professionnels de la santé, de renforcer les systèmes d'informations pour pouvoir disposer des données et de développer un modèle de financement aligné." La configuration des réseaux cliniques entre hôpitaux est un des sujets structurants de l'actuelle réforme hospitalière et il fait l'objet de nombreux débats parmi tous les acteurs concernés. De nombreux effets vertueux et pervers ont été évoqués dans ces débats sur ces réseaux. Il est très probable que l'impact de la mise en place de ces réseaux sur le nombre de lits sera mineur si l'activité reste inchangée ", prévient Portella. " Par ailleurs, son impact sur l'utilisation efficiente des lits ne sera perceptible que si les réseaux constitués partagent réellement le même bassin de soins et sont prêts à repenser leur manière de réaliser l'activité. "Pragmatique, l'expert en gestion hospitalière rappelle que " l'analyse comparée des systèmes de santé n'est pas une science exacte et que les rankings ne servent pas à identifier le meilleur système... Ils servent seulement à voir les choses différemment et orienter notre réflexion vers une amélioration permanente de nos services. " Une leçon pour certains experts et conseillers qui pensent détenir la " vérité " et veulent imposer les solutions d'avenir sans s'appuyer sur l'expertise des acteurs de terrain.