...

Les prothèses mammaires ont défrayé la chronique ces dernières années. Une première fois, en 2010, lorsqu'a été révélée l'escroquerie des prothèses PIP commercialisée par une entreprise du même nom du sud de la France. La société PIP utilisait du gel de silicone non conforme et moins cher (de type industriel) pour remplir ses implants. La société fut fermée immédiatement et les dirigeants de l'entreprise poursuivis pour " tromperie aggravée ". 400.000 femmes auraient été concernées dans le monde. Aucun registre n'existant à l'époque en Belgique, on ne peut qu'émettre des hypothèses en proportion du nombre de patientes concernées en France (30.000) ou en Allemagne (75.000). La RBSPS (Royan Belgian Society for Plastic Surgery) a recommandé à l'époque à toutes les femmes opérées de prendre contact avec leurs chirurgiens et de réaliser le cas échéant une échographie.Une seconde affaire a éclaté en novembre 2018, celle des " implants files ", révélée par le fameux consortium international de journalistes d'investigation, à propos de cas de BI-ALCL (Breast Implant Associated-Anaplastic Large Cell Lymphom) chez des femmes porteuses d'un implant mammaire. Les prothèses de la marque Allergan, et plus particulièrement le modèle Biocell, semblaient présenter davantage de risque de cancer que les autres.En décembre dernier, " prenant en considération toutes les données scientifiques disponibles sur le BIA-ALCL ", la RBSPS concluait que le BIA-ALCL est un état extrêmement rare, détectable et même curable, lorsqu'il est dépisté à un stade précoce. " Bien qu'il soit rare, le BIA-ALCL semble se déclarer principalement chez des femmes ayant eu à un certain moment un implant texturé. Les implants texturés peuvent encore toujours être indiqués dans le cas d'interventions esthétiques et reconstructrices afin de produire le meilleur résultat possible ou les moindres risques globaux de complications. Les informations sur le BIA-ALCL devraient être incluses dans les informations préopératoires de toute patiente bénéficiant d'un implant mammaire. Aucune donnée scientifique probante ne suggère le retrait prophylactique d'implants. Les patientes porteuses d'implants mammaires qui ne présentent aucun symptôme ou qui ne se plaignent pas ne doivent rien faire. "Le 21 novembre 2018, l'ANSM (Agence nationale française de sécurité du médicament et des produits de santé) a conseillé l'utilisation d'implants lisses pour la chirurgie esthétique et reconstructrice en attendant la décision finale d'un comité d'experts.En Belgique, la RBSPS " recommande un contrôle annuel pour les patientes ayant des implants mammaires, quelle que soit la marque ou l'enveloppe de l'implant (texturé, lisse, à nano-surface et à surface pourvue d'un revêtement en polyuréthane) ". Elle " coordonne en permanence les données et les informations disponibles avec l'AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé) au sujet du BIA-ALCL ".Le Dr Jose Budo, chirurgien plasticien vétéran dont le cabinet se trouve à Uccle émet toutefois des craintes. " J'ai l'impression de nouveau qu'on se focalise sur l'apparition de ce tissu lymphoïde chez les patientes porteuses de certains types de prothèses mammaires, en l'occurrence, les membranes texturées. Comme lors de l'affaire du PIP, on cherche un nouveau bouc émissaire. On va enlever les prothèses texturées et le problème sera réglé, dit-on. Évidemment sans reconnaître aucune faute ou erreur de la part des fabricants. Il va de soi que si on attend de prouver un lien de cause à effet direct entre toute cette problématique silicone et l'apparition de cancers ASIA (ndlr : Autoimmune/Autoinflammatory Syndrome Induced by Adjuvants), on n'y arrivera jamais. "Pour le Dr Budo, ce qui est important, c'est d'informer les patientes. Qu'elles sachent à quoi s'en tenir. " Ce n'est pas parce qu'on fume, qu'on va développer un cancer mais au moins sur le paquet de cigarette, c'est clair : on vous informe que si vous fumez, il y a un risque de cancer ! Deuxièmement, si vous achetez une voiture, vous avez une garantie carrosserie, moteur etc. Ici on implante quelque chose dans le corps des femmes et on ne leur dit rien du tout. Ce n'est pas normal. "Le Dr Budo relate le témoignage récent d'une patiente lui apprenant qu'elle venait de se voir placer " de nouveaux implants " (un nouveau modèle, s'entend) et qu'on lui avait assuré qu'aucun suivi n'était nécessaire. Que c'était pour la vie. " C'est honteux de dire cela à une patiente. On doit la mettre au courant de toutes les complications possibles liées aux prothèses en silicone. C'est fou. On recommence à zéro : on préconise d'enlever les membranes texturées et de remettre des membranes lisses. Mais on a fait cela il y a 50 ans ! "Le Dr Budo recommande la remise à la patiente d'un document simple et concis qui explique les risques. Et qu'elle puisse poser une série de questions avec une réponse claire et nette. Ensuite, la patiente et le médecin signent. Et on n'a besoin d'aucune recommandation.Malheureusement, selon ce vétéran de la chirurgie plastique, on ne peut pas dire la vérité parce que les implants mammaires représentent 60% du chiffre d'affaire des cliniques du sein. " Ce serait au patient de s'informer et au fabricant de prévenir des effets indésirables. On croit rêver ! Ce n'est pas au patient tout de même de se renseigner ! C'est à nous, chirurgiens, d'informer. Est-on revenu au temps du Dr Laennec (le père de la propédeutique médicale) ? Madame, tant que vous ne sentez rien et que vous n'avez rien, il ne faut rien faire. C'est tout de même inimaginable d'en être là au 21e siècle. "Parmi les questions que la patiente pourrait poser avant de signer, en voici six :1. Combien de temps garantissez-vous l'implant ? 5, 10, 15 ans ou à vie ?2. Une fois le délai écoulé, que se passe-t-il à ce moment-là ? Puis-je la garder ? Dois-le l'enlever ? Combien cela me coûtera-t-il si je dois la remplacer ?3. Que dois-je faire comme examen et à quel rythme pour vérifier si ma prothèse est intacte ? Si vous me garantissez 15 ans, quels examens je dois-faire au-delà ?4. Comment me garantissez-vous que la prothèse en silicone ne suintera pas (ndlr : étant donné qu'aucune membrane n'est parfaite et qu'on retrouve, selon plusieurs études, des reliquats de silicone dans le foie, les reins, les moelles épinières et même dans le cerveau), même pas un " low bleed " ?5. Si mon implant est recouvert de polyuréthane, aurais-je du toluène dans le corps ? Est-ce toxique ?6. On dit tous ces produits inoffensifs mais si je fais quand même un BI-ALCL, aurais-je quelque chose dans mon corps dans 50 ans ? Vais-je faire un syndrome ASIA (ndlr : Autoimmune/Autoinflammatory Syndrome Induced by Adjuvants) ? Si oui, le fabricant est-il responsable ? Le médecin ? Qui va me dédommager ?Pour le Dr Budo, ces précautions sont élémentaires car en l'espèce " le consentement éclairé n'est pas fait pour protéger le patient mais le médecin "...