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Démunis. Les hépatologues pédiatriques belges observent attentivement le défilé d'approbations par l'Europe de nouveaux médicaments. Ces médecins spécialistes n'auront pourtant pas l'opportunité de les proposer à leurs jeunes patients. Faute de remboursement. Le Pr Étienne Sokal des Cliniques universitaires Saint-Luc avait tenté en juin dernier de sensibiliser l'opinion politique à ce sujet, expliquant qu'en Belgique " les enfants n'ont pas officiellement accès aux derniers traitements ".Cet avertissement sur la nécessité de garantir l'accès aux meilleurs soins pour les enfants n'avait manifestement pas inquiété grand monde. Seule une députée fédérale a tenu à entendre Maggie De Block sur les mesures concrètes qu'elle prendrait pour remédier à cette situation préoccupante.La réponse écrite de la ministre de la Santé publique, laconique et formaliste, s'est limitée à décrire le contexte: " les nouveaux antiviraux ne sont pas enregistrés pour usage chez l'enfant. La recherche sur une utilisation sans risque et efficace chez l'enfant est en cours afin de pouvoir aider les patients les plus vulnérables ". Satisfait ou remboursé... Elle a tout à fait raison, les études cliniques sont en cours. Mais la ministre De Block semble vouloir éluder la problématique qui suit la mise sur le marché, le remboursement. " Ce qui se passe dans notre pays, c'est qu'une fois que les études ont eu lieu et qu'il y a une approbation européenne de mise sur le marché pour l'enfant, nous n'avons pas automatiquement le remboursement en Belgique. Et il n'y a pas que l'hépatite C, cela vaut pour la rectocolite et l'Humira (adalimumab). Les firmes pharmaceutiques ne vont pas introduire de dossiers de remboursement car si elles le font, elles seront obligées de renégocier leur prix ", insiste à nouveau le Pr Sokal, hépatologue pédiatrique à Saint-Luc.À l'origine, les révisions de prix conclues avec le SPF Santé poursuivent une certaine logique économique. Admettons qu'un médicament indiqué pour de l'arthrite rhumatoïde s'avère pouvoir traiter une maladie de Crohn. Le laboratoire produisant le médicament peut du jour au lendemain doubler sa population cible." Le problème est que les autorités belges veulent faire le même pour l'enfant. Ce que les firmes ne trouvent pas justifié dans le cas de l'hépatite C puisqu'elles n'augmentent que d'une poignée leurs patients. S'il y a une nouvelle indication dans une autre maladie et que la firme dope significativement ses ventes, c'est cohérent. Mais si c'est simplement une extension de remboursement à une dizaine d'enfants atteints d'hépatite C, doit-on obliger les labos à revoir leur prix ? Le système belge est tel qu'elles ne le font pas ", regrette Étienne Sokal. Durs en affaires... On peut comprendre la position des groupes pharmaceutiques, sans pour autant la cautionner. En plus, le dossier de demande de remboursement a un coût, de l'ordre de 50.000 euros. Les labos font alors comprendre aux médecins spécialistes que la pathologie concerne un trop petit nombre de patients. En conséquence, ils préfèrent encore fournir des échantillons plutôt que courir le risque d'une diminution de prix.L'hépatologue de l'UCL estime toutefois qu'il ne faut pas prendre parti, ni contre la ministre, ni contre l'industrie pharma mais réexpliquer les faits. " La réalité est qu'en Belgique, même quand les régulateurs européens ont reconnu que le médicament était bon pour les enfants, ces enfants n'ont pas droit au remboursement et donc pas accès au traitement. Et tout le monde se rejette la balle ", soupire le Pr Sokal.Bref, une situation de fait. La faute à personne. Finalement interrogé sur la responsabilité que porte dans cette histoire l'Inami, au niveau de sa Commission de remboursement des médicaments, Étienne Sokal reconnaît que c'est probablement-là que tout bloque. " Les décideurs utilisent les enfants comme n'importe quel autre bras de levier dans les négociations de prix. Ils prennent les enfants en otages ".François Remy> Suivez-nous sur les réseaux sociaux: @jdmedecin ou Le Jdm