Encadrée sur le mur de son cabinet, la prière d'un médecin, sorte de serment d'Hippocrate à la sauce judaïque, n'est qu'un indice de plus de l'orientation religieuse d'Henri Grynberg, généraliste de 53 ans. Il faut dire que la kippa vissée sur sa tête depuis son plus jeune âge - "à trois ans, je la portais déjà, comme en témoignent plusieurs photos", se rappelle-t-il - et sa barbe fournie, qui ne cache que maladroitement son sourire chaleureux, ne laissent pas de place au doute. "C'est vrai que c'est la première chose qu'on voit", plaisante-t-il. Tout le contraire de son frère et de ses deux soeurs. "Pourtant, on a reçu la même éducation, mais on a réagi à des degrés très différents. Par exemple, je suis le seul des quatre à parler couramment hébreux et yiddish", précise-t-il.

Médecin depuis 27 ans, apprécié de tous ses patients pour son savoir, sa compassion et son humanité - "certains me disent que je fais partie de leur famille" -, Henri aurait pu épouser une autre carrière. "Quand je suis sorti du lycée, je ne savais pas du tout ce que j'allais étudier. Je ne me sentais pas assez doué dans les matières scientifiques pour m'inscrire en médecine, donc j'ai opté pour la dentisterie", explique-t-il. Mais l'expérience a tourné court. "Pendant ma session de janvier, mon professeur de biologie m'a fait comprendre que ma place était en médecine. Il m'a fallu une nuit pour me décider à changer de filière. Aujourd'hui, je remercie ce professeur. Je suis dans le milieu depuis 35 ans, études comprises. Je pense que c'est bien ça ma vie, pas autre chose. Il a été l'intermédiaire adéquat pour me le faire découvrir."

L'envie de devenir rabbin

La jeunesse d'Henri Grynberg a été bercée par la religion. Il a vécu ses dimanches au rythme de cours d'hébreux et a passé chaque année, dès son seizième printemps, un mois dans une yechivah, une école rabbinique. Il a poursuivi l'aventure une fois son diplôme de médecine en poche. "Je suis allé un an aux États-Unis dans une yechivah. J'avais envie de devenir rabbin. Mais je n'ai pas consacré une année supplémentaire à cette activité qui m'aurait permis d'obtenir le diplôme rabbinique", raconte-t-il. L'appel de la profession de médecin a été trop fort, mais n'a pas altéré sa foi. "Je continue à étudier le judaïsme. L'apprentissage est une des briques de ce que l'on bâtit au quotidien." Ce sens de la formule, nourri par un vocabulaire étoffé, Henri le doit à ses parents, "des enfants de la guerre", désireux de léguer à leur progéniture "un bagage culturel important".

D'après Henri, foi et science ne sont pas indissociables. D'ailleurs, il se laisse, de temps en temps, porter par l'irrationnel. "Je ne pense pas que tout puisse s'expliquer par la raison. Et je n'essaye pas de tout expliquer de cette manière. C'est ce qui confère à l'irrationnel toute sa beauté." Du reste, il se sert de la raison pour explorer d'autres champs de la religion. "Les questions que je me pose sur le monde sont issues d'un processus rationnel qui me permet d'interroger des concepts qui le sont moins. La science me permet d'explorer d'autres pans de la foi", précise-t-il. Et de poursuivre : "La science me permet d'avoir, par exemple, une nouvelle approche du Divin. Elle ne me dit pas ce qu'il est, mais elle m'apprend tout ce qu'il n'est pas".

Aussi, il a appris à allier religion et travail. Exemple parmi d'autres, le samedi, jour du Shabbat, il n'est pas joignable. "Ce n'est qu'une question d'organisation. Comme tout médecin, je ne travaille pas sept jours sur sept. Je me suis simplement toujours arrangé pour être en congé le samedi", détaille-t-il. Et en cas d'urgence ? "D'autres médecins me remplacent et sont joignables. Bon, si quelqu'un s'écroule devant chez moi, je vais lui porter secours, mais ce n'est pas encore arrivé", sourit-il.

Une éthique irréprochable

Pour concilier religion et travail, Henri se base sur des traités instituant l'éthique médicale juive et les gestes à suivre pour ne pas aller à l'encontre de la foi lors de l'exercice de la médecine. Toutes les pratiques à adopter dans différentes situations sont précisées.

En outre, ses contacts avec les femmes sont limités. Pas question, pour cet homme marié et père de trois enfants, de voir une relation glisser sans raison vers de l'affectivité. "Dans le privé, il faut savoir ériger soi-même des barrières qui empêchent trop de promiscuité ou de familiarité. Ici, dans le cabinet, le lien que j'ai avec mes patients et mes patientes de longue date comporte évidemment une dose de relation affective, mais il existe malgré tout une distance établie par le fait que je suis un médecin qui s'adresse à son patient. Et puis j'ai trois femmes à la maison, c'est déjà une sacrée aventure ", s'amuse-t-il.

Un mohel reconnu

Relativement rapidement, Henri Grynberg a diversifié ses activités et accédé à une certaine notoriété. À ses heures perdues, il est mohel. Comprenez circonciseur juif traditionnel. "On me demande parfois d'aller à l'étranger pour faire des circoncisions, mais j'accepte de moins en moins souvent", explique-t-il. Pour rendre un service à un de ses amis, par contre, il fait volontiers le déplacement. En Belgique, toutes les semaines ou presque, une ou deux opérations sont au programme.

Ce sont des patients africains qui ont poussé Henri à apprendre l'art de la circoncision traditionnelle. "En arrivant face à moi, un barbu avec une kippa sur la tête, il était évident pour eux que je savais circoncire. C'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il était peut-être temps d'apprendre la circoncision traditionnelle", se souvient-il. Grâce à ses nouvelles connaissances et plusieurs stages en chirurgie, il a ainsi pu contenter tous les publics. Juifs et musulmans pour des raisons religieuses, Africains attachés aux traditions et quidams poursuivant des motivations hygiéniques sont passés sur la table d'opération.

De quoi faire de sa salle d'attente un lieu multiculturel. "Mes patients viennent d'horizons très variés. On pourrait presque faire une pub pour United Colors of Benetton", blague-t-il. Mais qu'importe leur origine ou leur religion, tous les patients d'Henri Grynberg lui adressent des commentaires laudatifs. Sans exception.

Encadrée sur le mur de son cabinet, la prière d'un médecin, sorte de serment d'Hippocrate à la sauce judaïque, n'est qu'un indice de plus de l'orientation religieuse d'Henri Grynberg, généraliste de 53 ans. Il faut dire que la kippa vissée sur sa tête depuis son plus jeune âge - "à trois ans, je la portais déjà, comme en témoignent plusieurs photos", se rappelle-t-il - et sa barbe fournie, qui ne cache que maladroitement son sourire chaleureux, ne laissent pas de place au doute. "C'est vrai que c'est la première chose qu'on voit", plaisante-t-il. Tout le contraire de son frère et de ses deux soeurs. "Pourtant, on a reçu la même éducation, mais on a réagi à des degrés très différents. Par exemple, je suis le seul des quatre à parler couramment hébreux et yiddish", précise-t-il.Médecin depuis 27 ans, apprécié de tous ses patients pour son savoir, sa compassion et son humanité - "certains me disent que je fais partie de leur famille" -, Henri aurait pu épouser une autre carrière. "Quand je suis sorti du lycée, je ne savais pas du tout ce que j'allais étudier. Je ne me sentais pas assez doué dans les matières scientifiques pour m'inscrire en médecine, donc j'ai opté pour la dentisterie", explique-t-il. Mais l'expérience a tourné court. "Pendant ma session de janvier, mon professeur de biologie m'a fait comprendre que ma place était en médecine. Il m'a fallu une nuit pour me décider à changer de filière. Aujourd'hui, je remercie ce professeur. Je suis dans le milieu depuis 35 ans, études comprises. Je pense que c'est bien ça ma vie, pas autre chose. Il a été l'intermédiaire adéquat pour me le faire découvrir."La jeunesse d'Henri Grynberg a été bercée par la religion. Il a vécu ses dimanches au rythme de cours d'hébreux et a passé chaque année, dès son seizième printemps, un mois dans une yechivah, une école rabbinique. Il a poursuivi l'aventure une fois son diplôme de médecine en poche. "Je suis allé un an aux États-Unis dans une yechivah. J'avais envie de devenir rabbin. Mais je n'ai pas consacré une année supplémentaire à cette activité qui m'aurait permis d'obtenir le diplôme rabbinique", raconte-t-il. L'appel de la profession de médecin a été trop fort, mais n'a pas altéré sa foi. "Je continue à étudier le judaïsme. L'apprentissage est une des briques de ce que l'on bâtit au quotidien." Ce sens de la formule, nourri par un vocabulaire étoffé, Henri le doit à ses parents, "des enfants de la guerre", désireux de léguer à leur progéniture "un bagage culturel important".D'après Henri, foi et science ne sont pas indissociables. D'ailleurs, il se laisse, de temps en temps, porter par l'irrationnel. "Je ne pense pas que tout puisse s'expliquer par la raison. Et je n'essaye pas de tout expliquer de cette manière. C'est ce qui confère à l'irrationnel toute sa beauté." Du reste, il se sert de la raison pour explorer d'autres champs de la religion. "Les questions que je me pose sur le monde sont issues d'un processus rationnel qui me permet d'interroger des concepts qui le sont moins. La science me permet d'explorer d'autres pans de la foi", précise-t-il. Et de poursuivre : "La science me permet d'avoir, par exemple, une nouvelle approche du Divin. Elle ne me dit pas ce qu'il est, mais elle m'apprend tout ce qu'il n'est pas".Aussi, il a appris à allier religion et travail. Exemple parmi d'autres, le samedi, jour du Shabbat, il n'est pas joignable. "Ce n'est qu'une question d'organisation. Comme tout médecin, je ne travaille pas sept jours sur sept. Je me suis simplement toujours arrangé pour être en congé le samedi", détaille-t-il. Et en cas d'urgence ? "D'autres médecins me remplacent et sont joignables. Bon, si quelqu'un s'écroule devant chez moi, je vais lui porter secours, mais ce n'est pas encore arrivé", sourit-il.Pour concilier religion et travail, Henri se base sur des traités instituant l'éthique médicale juive et les gestes à suivre pour ne pas aller à l'encontre de la foi lors de l'exercice de la médecine. Toutes les pratiques à adopter dans différentes situations sont précisées.En outre, ses contacts avec les femmes sont limités. Pas question, pour cet homme marié et père de trois enfants, de voir une relation glisser sans raison vers de l'affectivité. "Dans le privé, il faut savoir ériger soi-même des barrières qui empêchent trop de promiscuité ou de familiarité. Ici, dans le cabinet, le lien que j'ai avec mes patients et mes patientes de longue date comporte évidemment une dose de relation affective, mais il existe malgré tout une distance établie par le fait que je suis un médecin qui s'adresse à son patient. Et puis j'ai trois femmes à la maison, c'est déjà une sacrée aventure ", s'amuse-t-il.Relativement rapidement, Henri Grynberg a diversifié ses activités et accédé à une certaine notoriété. À ses heures perdues, il est mohel. Comprenez circonciseur juif traditionnel. "On me demande parfois d'aller à l'étranger pour faire des circoncisions, mais j'accepte de moins en moins souvent", explique-t-il. Pour rendre un service à un de ses amis, par contre, il fait volontiers le déplacement. En Belgique, toutes les semaines ou presque, une ou deux opérations sont au programme.Ce sont des patients africains qui ont poussé Henri à apprendre l'art de la circoncision traditionnelle. "En arrivant face à moi, un barbu avec une kippa sur la tête, il était évident pour eux que je savais circoncire. C'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il était peut-être temps d'apprendre la circoncision traditionnelle", se souvient-il. Grâce à ses nouvelles connaissances et plusieurs stages en chirurgie, il a ainsi pu contenter tous les publics. Juifs et musulmans pour des raisons religieuses, Africains attachés aux traditions et quidams poursuivant des motivations hygiéniques sont passés sur la table d'opération. De quoi faire de sa salle d'attente un lieu multiculturel. "Mes patients viennent d'horizons très variés. On pourrait presque faire une pub pour United Colors of Benetton", blague-t-il. Mais qu'importe leur origine ou leur religion, tous les patients d'Henri Grynberg lui adressent des commentaires laudatifs. Sans exception.