jdM : Quel est le rôle de la plateforme ehealth dans le traçage (contact-tracking) ?

F.R. : Aucun. On m'a demandé il y a deux semaines de m'occuper de la coordination pour le compte des Régions qui s'occupent du contact-tracing. Pour certains échanges de données, on utilisera le ehealthbook. Mais ehealth n'est pas impliquée dans la base de donnée centralisant les résultats des tests. Tous les patients testés positifs seront centralisés chez Sciensano (ex Institut national supérieur de santé public, ndlr). Le call-center est un environnement commun élaboré par les Communautés et Régions qui y placent leurs collaborateurs. A ce niveau, aucune donnée de santé n'y est stockée. Il y a simplement des informations sur les personnes à contacter et leur numéro de téléphone. Bien entendu, le script numéro 1 (il y a 5 scripts de coups de téléphone) permet de contacter une personne infectée pour prendre connaissance de ses contacts. Mais tout le personnel qui téléphone est tenu au secret professionnel.

Donc vous êtes une sorte de consultant dans ce dossier ?

Ecoutez, je suis un volontariste (rires). Je suis un fonctionnaire et pas un consultant. Et donc lorsqu'au début de la pandémie, on m'a demandé de tester des applis qui étaient suffisamment efficaces et sécurisées, je me suis mis à la tâche au sein du groupe de travail " Data & Technology against Corona ". Tout est expliqué sur le site www.corona-tracking.info : profils des gens, quels scripts ils utilisent, processus d'investigation des contacts, call-centers, réglementations, etc. Vous savez comme moi à quel point, face à une pandémie, il est important de pouvoir prendre contact avec les personnes ayant été en contact avec une personne infectée ! Ce afin de prendre les mesures de quarantaine et de télétravail. Pour éviter toute propagation ! La transparence du processus de tracking doit être totale sinon les gens n'ont pas confiance !

Inquiétude de certains médecins

Que peut-on dire aux médecins qui sont inquiets pour le respect de la vie privée dans la mesure où ils entretiennent au sein du colloque singulier un contrat de confiance avec leurs patients et qu'on leur demande subitement de les dépister et les " tracer " en matière de contamination éventuelle ?

Tout d'abord, les informations sur les personnes infectées viennent des médecins et des laboratoires d'analyse. C'est la source d'information. On prend contact avec la personne [infectée] et on lui demande avec qui il a été en contact deux jours avant le début des symptômes jusque 7 jours après le début des symptômes. Ces personnes de contact sont appelées SANS révéler par qui elles ont été contaminées. On leur dit seulement qu'elles sont été contaminées. Point. On évalue ensuite si ce sont des patients à haut ou bas risque. Si vous êtes resté plus de 15 minutes en contact avec une personne infectée à moins d'un mètre et demi, vous avez donné un bisou ou davantage, vous êtes à " haut risque ". Si tel n'est pas le cas et que vous n'avez pas de symptômes, vous êtes à bas risque. La personne à bas risque sera seulement invitée à respecter les distances de sécurité. Si l'infecté provient d'une collectivité comme l'école par exemple, ou qu'il vit dans une maison de repos, dans un centre de sans-abris, le médecin de référence de cette collectivité révèle alors l'identité de la personne infectée. Car imaginez une école de 600 enfants, il est important que le médecin de référence sache qui est l'enfant contaminant pour prendre les mesures. Mais dans ce cas, ce n'est plus le call-center qui contacte mais le médecin de référence. C'était déjà le cas lorsqu'un enfant attrapait par exemple la méningite dans une école. C'est le médecin du centre PMS qui s'en occupait.

Qui décide de ces critères de contact ?

Je ne suis que le coordinateur. Ce sont les médecins entre eux qui décident. Nous avons une réunion tous les jours à 12 h 30 une réunion avec des représentants de la SSMG, de Domus Medica, des virologues comme Emmanuel André. Les critères de bas et haut risque par exemple y sont décidés. Si vous vous trouvez dans un centre de sans-abri, si le médecin n'est pas présent, l'information est communiquée au directeur du centre qui est tenu lui aussi au secret professionnel.

Le personnel des call-centers sont tenus au secret professionnel également...

Les centres de tri ne font pas de contact-tracking... Ecoutez si je me rends chez mon médecin généraliste et j'offre tous les symptômes de la maladie dont 39° de température, le médecin va demander immédiatement les personnes avec lesquelles j'ai été en contact. Imaginez que j'ai été en contact avec femme et enfants, le médecin va prendre des mesures de quarantaine avec certificat de quarantaine pour mon épouse afin qu'elle télétravaille...

Consortium éconduit

Un consortium proposait de faire le traçage via une application... Mais apparemment on a choisi un système " manuel ", savez-vous pourquoi ?

Moi, personnellement, j'aurais préféré fonctionné avec une appli, mais il n'est pas encore trop tard ! L'appli a des avantages et, paradoxalement, c'est moins intrusif au niveau vie privée qu'un call-center manuel. Ce qui est très important, c'est d'avoir un haut degré de pénétration et que les citoyens aient confiance. L'appli s'installe sur smartphone. Cela ne fonctionne pas via satellite mais via des échanges en Bluetooth. En installant l'appli, il y a un code secret installé sur votre appareil. Celui-ci ne renseigne ni qui vous êtes ni où vous êtes. Ce code génère toutes les 5 minutes un " charabia ", une info de 10 caractères sans contenu. De mon côté, je fais la même chose... Je génère du " charabia ". Nous entrons en contact à moins d'un mètre et demi (ou deux mètres), le charabia de chacun est copié respectivement sur mon appareil et le vôtre. J'insiste : cette info ne précise pas qui nous sommes ni où nous sommes entrés en contact. Deux jours après, imaginons que je sois testé positif. On va me demander mes charabias. Personne ne sait que ce sont les miens ! On connaît par contre le moment précis du contact avec vous. Votre appareil va comparer les charabias sur votre smartphone ET dans le serveur central qui indique les personnes infectées. Si j'ai été infecté, votre smartphone va vous informer que vous avez croisé " une personne infectée " mais sans révéler mon identité ". Le système vous dit simplement " il y a trois jours vous avez été en contact avec une personne infectée " mais sans préciser le lieu ni la personne. Bien sûr, si vous n'avez eu dans l'intervalle un contact qu'avec une personne, vous pourrez deviner qui c'est. Donc vous installez cette appli de manière volontaire et vous publiez le charabia de manière volontaire également. Vous pouvez aussi à certains moments éteindre l'appli. Si vous êtes en famille à la maison, par exemple, inutile de la laisser brancher. Il est possible également de ne pas publier le charabia de certaines périodes de temps. C'est le système DP-3T. Tout est expliqué sur mon site (https://www.frankrobben.be/infotheque/covid-19/contact-tracing/). Il en existe d'autres : le NOVID20, PEPP-PT (Europe), BlueTrace et TraceTogether (Singapour) et les Américains Covid Watch et Safe Paths (du M.I.T.)... Sont renseignés également les recommandations Vie privée de la Commission européenne, le Computational Privacy Group... Ce qui est vivement conseillé est le DP-3T. Le code est Open Source. Le système a été élaboré par des épidémiologistes et des spécialistes européens de la protection des données. Des universitaires.

Donc il y a encore un espoir qu'on utilise l'appli ?

J'espère ! Le Fédéral a élaboré un cadre juridique mais les Régions sont compétentes pour la prévention... Mais vous comprenez bien que si seuls 5% de la population s'inscrit dans la démarche en installant l'appli, cela ne marchera pas. Il faut entre 50 et 70% de la population. L'appli offre de grands avantages de traçabilité sans les désavantages de l'intrusion. En Norvège, par exemple, 80% l'ont installée... A la Smals, je gère 1.900 personnes. Nous avons isolé le premier cas et pratiqué le télétravail, nous n'avons eu que 12 malades...

© Utrecht Robin/ABACAPRESS.COM
jdM : Quel est le rôle de la plateforme ehealth dans le traçage (contact-tracking) ?F.R. : Aucun. On m'a demandé il y a deux semaines de m'occuper de la coordination pour le compte des Régions qui s'occupent du contact-tracing. Pour certains échanges de données, on utilisera le ehealthbook. Mais ehealth n'est pas impliquée dans la base de donnée centralisant les résultats des tests. Tous les patients testés positifs seront centralisés chez Sciensano (ex Institut national supérieur de santé public, ndlr). Le call-center est un environnement commun élaboré par les Communautés et Régions qui y placent leurs collaborateurs. A ce niveau, aucune donnée de santé n'y est stockée. Il y a simplement des informations sur les personnes à contacter et leur numéro de téléphone. Bien entendu, le script numéro 1 (il y a 5 scripts de coups de téléphone) permet de contacter une personne infectée pour prendre connaissance de ses contacts. Mais tout le personnel qui téléphone est tenu au secret professionnel.Donc vous êtes une sorte de consultant dans ce dossier ?Ecoutez, je suis un volontariste (rires). Je suis un fonctionnaire et pas un consultant. Et donc lorsqu'au début de la pandémie, on m'a demandé de tester des applis qui étaient suffisamment efficaces et sécurisées, je me suis mis à la tâche au sein du groupe de travail " Data & Technology against Corona ". Tout est expliqué sur le site www.corona-tracking.info : profils des gens, quels scripts ils utilisent, processus d'investigation des contacts, call-centers, réglementations, etc. Vous savez comme moi à quel point, face à une pandémie, il est important de pouvoir prendre contact avec les personnes ayant été en contact avec une personne infectée ! Ce afin de prendre les mesures de quarantaine et de télétravail. Pour éviter toute propagation ! La transparence du processus de tracking doit être totale sinon les gens n'ont pas confiance !Que peut-on dire aux médecins qui sont inquiets pour le respect de la vie privée dans la mesure où ils entretiennent au sein du colloque singulier un contrat de confiance avec leurs patients et qu'on leur demande subitement de les dépister et les " tracer " en matière de contamination éventuelle ?Tout d'abord, les informations sur les personnes infectées viennent des médecins et des laboratoires d'analyse. C'est la source d'information. On prend contact avec la personne [infectée] et on lui demande avec qui il a été en contact deux jours avant le début des symptômes jusque 7 jours après le début des symptômes. Ces personnes de contact sont appelées SANS révéler par qui elles ont été contaminées. On leur dit seulement qu'elles sont été contaminées. Point. On évalue ensuite si ce sont des patients à haut ou bas risque. Si vous êtes resté plus de 15 minutes en contact avec une personne infectée à moins d'un mètre et demi, vous avez donné un bisou ou davantage, vous êtes à " haut risque ". Si tel n'est pas le cas et que vous n'avez pas de symptômes, vous êtes à bas risque. La personne à bas risque sera seulement invitée à respecter les distances de sécurité. Si l'infecté provient d'une collectivité comme l'école par exemple, ou qu'il vit dans une maison de repos, dans un centre de sans-abris, le médecin de référence de cette collectivité révèle alors l'identité de la personne infectée. Car imaginez une école de 600 enfants, il est important que le médecin de référence sache qui est l'enfant contaminant pour prendre les mesures. Mais dans ce cas, ce n'est plus le call-center qui contacte mais le médecin de référence. C'était déjà le cas lorsqu'un enfant attrapait par exemple la méningite dans une école. C'est le médecin du centre PMS qui s'en occupait.Qui décide de ces critères de contact ?Je ne suis que le coordinateur. Ce sont les médecins entre eux qui décident. Nous avons une réunion tous les jours à 12 h 30 une réunion avec des représentants de la SSMG, de Domus Medica, des virologues comme Emmanuel André. Les critères de bas et haut risque par exemple y sont décidés. Si vous vous trouvez dans un centre de sans-abri, si le médecin n'est pas présent, l'information est communiquée au directeur du centre qui est tenu lui aussi au secret professionnel.Le personnel des call-centers sont tenus au secret professionnel également...Les centres de tri ne font pas de contact-tracking... Ecoutez si je me rends chez mon médecin généraliste et j'offre tous les symptômes de la maladie dont 39° de température, le médecin va demander immédiatement les personnes avec lesquelles j'ai été en contact. Imaginez que j'ai été en contact avec femme et enfants, le médecin va prendre des mesures de quarantaine avec certificat de quarantaine pour mon épouse afin qu'elle télétravaille...Un consortium proposait de faire le traçage via une application... Mais apparemment on a choisi un système " manuel ", savez-vous pourquoi ?Moi, personnellement, j'aurais préféré fonctionné avec une appli, mais il n'est pas encore trop tard ! L'appli a des avantages et, paradoxalement, c'est moins intrusif au niveau vie privée qu'un call-center manuel. Ce qui est très important, c'est d'avoir un haut degré de pénétration et que les citoyens aient confiance. L'appli s'installe sur smartphone. Cela ne fonctionne pas via satellite mais via des échanges en Bluetooth. En installant l'appli, il y a un code secret installé sur votre appareil. Celui-ci ne renseigne ni qui vous êtes ni où vous êtes. Ce code génère toutes les 5 minutes un " charabia ", une info de 10 caractères sans contenu. De mon côté, je fais la même chose... Je génère du " charabia ". Nous entrons en contact à moins d'un mètre et demi (ou deux mètres), le charabia de chacun est copié respectivement sur mon appareil et le vôtre. J'insiste : cette info ne précise pas qui nous sommes ni où nous sommes entrés en contact. Deux jours après, imaginons que je sois testé positif. On va me demander mes charabias. Personne ne sait que ce sont les miens ! On connaît par contre le moment précis du contact avec vous. Votre appareil va comparer les charabias sur votre smartphone ET dans le serveur central qui indique les personnes infectées. Si j'ai été infecté, votre smartphone va vous informer que vous avez croisé " une personne infectée " mais sans révéler mon identité ". Le système vous dit simplement " il y a trois jours vous avez été en contact avec une personne infectée " mais sans préciser le lieu ni la personne. Bien sûr, si vous n'avez eu dans l'intervalle un contact qu'avec une personne, vous pourrez deviner qui c'est. Donc vous installez cette appli de manière volontaire et vous publiez le charabia de manière volontaire également. Vous pouvez aussi à certains moments éteindre l'appli. Si vous êtes en famille à la maison, par exemple, inutile de la laisser brancher. Il est possible également de ne pas publier le charabia de certaines périodes de temps. C'est le système DP-3T. Tout est expliqué sur mon site (https://www.frankrobben.be/infotheque/covid-19/contact-tracing/). Il en existe d'autres : le NOVID20, PEPP-PT (Europe), BlueTrace et TraceTogether (Singapour) et les Américains Covid Watch et Safe Paths (du M.I.T.)... Sont renseignés également les recommandations Vie privée de la Commission européenne, le Computational Privacy Group... Ce qui est vivement conseillé est le DP-3T. Le code est Open Source. Le système a été élaboré par des épidémiologistes et des spécialistes européens de la protection des données. Des universitaires.Donc il y a encore un espoir qu'on utilise l'appli ?J'espère ! Le Fédéral a élaboré un cadre juridique mais les Régions sont compétentes pour la prévention... Mais vous comprenez bien que si seuls 5% de la population s'inscrit dans la démarche en installant l'appli, cela ne marchera pas. Il faut entre 50 et 70% de la population. L'appli offre de grands avantages de traçabilité sans les désavantages de l'intrusion. En Norvège, par exemple, 80% l'ont installée... A la Smals, je gère 1.900 personnes. Nous avons isolé le premier cas et pratiqué le télétravail, nous n'avons eu que 12 malades...