" Veuillez patienter dans la salle d'attente ! " Quel patient n'a jamais entendu ou lu cette petite phrase dans un cabinet médical ? De la patience, il en faut effectivement parfois une bonne dose avant de pouvoir se retrouver face au médecin.

Afin de mettre à profit ce temps " perdu ", Hygia, une start-up de Blagnac, au nord-est de Toulouse, a mis au point un nouveau système qui fait démarrer la consultation dès la salle d'attente.

" Nous proposons une chaise médicalisée et connectée qui pèse le patient, prend les pulsations cardiaques, la tension, la température et l'oxymètre de pouls ", explique Pierre-Jean Brousset, PDG et fondateur d'Hygia.

Une app complémentaire

Outre la chaise Hygia Pulse, des ingénieurs et créateurs de logiciel ont développé une application complémentaire pour smartphone qui permet au patient de créer un espace numérique dans lequel il peut enregistrer les données médicales recueillies par la chaise mais aussi rentrer d'autres informations comme la date de ses dernières opérations et de ses vaccinations, et les résultats de ses dernières analyses de sang. Il a en outre la possibilité de décrire ses symptômes et de renseigner les raisons de sa visite.

Toutes ces données, le patient peut, s'il le souhaite, les partager, avec le praticien avant d'être pris en consultation. Cryptée en vue de leur protection, elles sont transférables via WiFi. La même démarche peut également s'effectuer via un écran tactile intégré à la chaise connectée. Quant au médecin, il lui suffit d'un clic pour avoir sous les yeux toutes ces informations.

Donner plus de temps au médecin

" Outre qu'il s'agit d'un moyen pour rendre le patient plus acteur de sa santé, la collecte en amont des informations médicales, avant la consultation proprement dite, permet de facto de gagner du temps et surtout d'en donner plus au médecin pour ausculter, connaître, écouter et comprendre la problématique de son patient ", assure le patron d'Hygia.

" En moyenne, les Français vont voir leur médecin généraliste cinq fois par an. Ils patientent parfois des heures dans une salle d'attente pour un rendez-vous qui durera de 15 à 16 minutes, dont à peine sept ou huit consacrées à la santé du patient. Autant optimiser ce temps... "

Dans un contexte de désertification médicale, cette innovation semble donc plus que bienvenue. Elle pourrait peut-être même contribuer à lutter contre le renoncement aux soins, qui touche de plus en plus de Français.

L'interopérabilité fait défaut

" En soi, la chaise connectée est une bonne idée ", approuve le Dr Vincent Parmentier, généraliste à Beloeil. " Mais il y a certains points qui me chagrinent, surtout la question de l'interopérabilité. "

" On parle ici d'une firme qui a créé un logiciel dont elle est propriétaire, et qui loue son dispositif. Cela permet au fabricant de conserver toutes les données dans son application sachant toutefois qu'il doit se mettre en conformité avec le Règlement général sur la protection des données. Ce fameux RGPD qui ne permet pas à une société de récolter et d'utiliser les données comme elle le veut. "

" Mais pour nous les médecins, le problème c'est que la communication entre leur logiciel et les nôtres ne se fera probablement pas. Le fabricant encode les données dans un format qui lui est propre et qui ne permet pas leur transmission vers nos logiciels médicaux et nos fiches patients. "

Deux fois le travail

Le problème que soulève à juste titre le Dr Parmentier a toujours existé entre l'informatique et la médecine. Les praticiens le rencontrent avec tous les nouveaux dispositifs en santé, par exemple une montre connectée qui enregistre les pulsations, mais également avec des équipements courants comme l'électrocardiogramme ou le spiromètre.

" Les résultats sont générés sous forme d'un PDF qu'on peut télécharger dans le dossier médical du patient, histoire d'en conserver la trace. Mais les données contenues dans ce document ne sont malheureusement pas agrégées, pas lisibles et donc pas interprétables par notre logiciel. Elles doivent être encodées manuellement et donc on fait deux fois le travail. Le gain de temps supposé est alors perdu. Pour l'instant personne n'a encore trouvé de solution. C'est vraiment le gros point noir. "

Enthousiasme et prudence

Vincent Parmentier évoque aussi la question du coût de la chaise connectée médicalisée qui devrait être commercialisée à la fin du premier trimestre 2020. Elle est proposée à la location aux médecins généralistes, mais aussi aux Ephad, pharmacies, médecine du travail et centres d'urgence, pour un prix compris entre 110 et 120 euros par mois, maintenance et support produit inclus.

Le généraliste hennuyer craint par ailleurs qu'avec tous ces gadgets, on ne s'éloigne un peu trop de ce qui fait le fondement de la médecine générale. " On ne peut pas tout faire reposer sur la rentabilité et un gain de temps. Un patient qui ne va pas bien ou qui présente des symptômes inhabituels, je vais prendre plus d'un quart d'heure pour l'examiner confortablement et réaliser une anamnèse correcte. "

Le Dr Parmentier se dit pourtant plutôt enthousiaste concernant les nouveaux dispositifs. " Quand on voit comment évoluent les relations médecins-patients et la démographie médicale, je pense que la technologie peut nous aider à faire de bons diagnostics et à réaliser des économies de temps. Mais je reste prudent. Je ne saute pas de but en blanc sur la nouveauté. J'observe. J'essaie de voir comment cela fonctionne en pratique et si l'appareil répond à un véritable besoin... "

Coordination: laurent.zanella@roularta.be

" Veuillez patienter dans la salle d'attente ! " Quel patient n'a jamais entendu ou lu cette petite phrase dans un cabinet médical ? De la patience, il en faut effectivement parfois une bonne dose avant de pouvoir se retrouver face au médecin.Afin de mettre à profit ce temps " perdu ", Hygia, une start-up de Blagnac, au nord-est de Toulouse, a mis au point un nouveau système qui fait démarrer la consultation dès la salle d'attente." Nous proposons une chaise médicalisée et connectée qui pèse le patient, prend les pulsations cardiaques, la tension, la température et l'oxymètre de pouls ", explique Pierre-Jean Brousset, PDG et fondateur d'Hygia.Outre la chaise Hygia Pulse, des ingénieurs et créateurs de logiciel ont développé une application complémentaire pour smartphone qui permet au patient de créer un espace numérique dans lequel il peut enregistrer les données médicales recueillies par la chaise mais aussi rentrer d'autres informations comme la date de ses dernières opérations et de ses vaccinations, et les résultats de ses dernières analyses de sang. Il a en outre la possibilité de décrire ses symptômes et de renseigner les raisons de sa visite.Toutes ces données, le patient peut, s'il le souhaite, les partager, avec le praticien avant d'être pris en consultation. Cryptée en vue de leur protection, elles sont transférables via WiFi. La même démarche peut également s'effectuer via un écran tactile intégré à la chaise connectée. Quant au médecin, il lui suffit d'un clic pour avoir sous les yeux toutes ces informations." Outre qu'il s'agit d'un moyen pour rendre le patient plus acteur de sa santé, la collecte en amont des informations médicales, avant la consultation proprement dite, permet de facto de gagner du temps et surtout d'en donner plus au médecin pour ausculter, connaître, écouter et comprendre la problématique de son patient ", assure le patron d'Hygia." En moyenne, les Français vont voir leur médecin généraliste cinq fois par an. Ils patientent parfois des heures dans une salle d'attente pour un rendez-vous qui durera de 15 à 16 minutes, dont à peine sept ou huit consacrées à la santé du patient. Autant optimiser ce temps... "Dans un contexte de désertification médicale, cette innovation semble donc plus que bienvenue. Elle pourrait peut-être même contribuer à lutter contre le renoncement aux soins, qui touche de plus en plus de Français." En soi, la chaise connectée est une bonne idée ", approuve le Dr Vincent Parmentier, généraliste à Beloeil. " Mais il y a certains points qui me chagrinent, surtout la question de l'interopérabilité. "" On parle ici d'une firme qui a créé un logiciel dont elle est propriétaire, et qui loue son dispositif. Cela permet au fabricant de conserver toutes les données dans son application sachant toutefois qu'il doit se mettre en conformité avec le Règlement général sur la protection des données. Ce fameux RGPD qui ne permet pas à une société de récolter et d'utiliser les données comme elle le veut. "" Mais pour nous les médecins, le problème c'est que la communication entre leur logiciel et les nôtres ne se fera probablement pas. Le fabricant encode les données dans un format qui lui est propre et qui ne permet pas leur transmission vers nos logiciels médicaux et nos fiches patients. "Le problème que soulève à juste titre le Dr Parmentier a toujours existé entre l'informatique et la médecine. Les praticiens le rencontrent avec tous les nouveaux dispositifs en santé, par exemple une montre connectée qui enregistre les pulsations, mais également avec des équipements courants comme l'électrocardiogramme ou le spiromètre." Les résultats sont générés sous forme d'un PDF qu'on peut télécharger dans le dossier médical du patient, histoire d'en conserver la trace. Mais les données contenues dans ce document ne sont malheureusement pas agrégées, pas lisibles et donc pas interprétables par notre logiciel. Elles doivent être encodées manuellement et donc on fait deux fois le travail. Le gain de temps supposé est alors perdu. Pour l'instant personne n'a encore trouvé de solution. C'est vraiment le gros point noir. "Vincent Parmentier évoque aussi la question du coût de la chaise connectée médicalisée qui devrait être commercialisée à la fin du premier trimestre 2020. Elle est proposée à la location aux médecins généralistes, mais aussi aux Ephad, pharmacies, médecine du travail et centres d'urgence, pour un prix compris entre 110 et 120 euros par mois, maintenance et support produit inclus.Le généraliste hennuyer craint par ailleurs qu'avec tous ces gadgets, on ne s'éloigne un peu trop de ce qui fait le fondement de la médecine générale. " On ne peut pas tout faire reposer sur la rentabilité et un gain de temps. Un patient qui ne va pas bien ou qui présente des symptômes inhabituels, je vais prendre plus d'un quart d'heure pour l'examiner confortablement et réaliser une anamnèse correcte. "Le Dr Parmentier se dit pourtant plutôt enthousiaste concernant les nouveaux dispositifs. " Quand on voit comment évoluent les relations médecins-patients et la démographie médicale, je pense que la technologie peut nous aider à faire de bons diagnostics et à réaliser des économies de temps. Mais je reste prudent. Je ne saute pas de but en blanc sur la nouveauté. J'observe. J'essaie de voir comment cela fonctionne en pratique et si l'appareil répond à un véritable besoin... "