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Se limiter à un package de soins lourds dans l'assurance obligatoire (AO) comme on en parle depuis des lustres ? Faire porter les petits risques par des assurances privées ? C'est le chemin que semblait prendre le récent victorieux de la Primaire de la Droite et du centre, François Fillon. L'homme se targue de clarifier le rôle respectif de l'Assurance maladie et des mutuelles (qui, en France, rappelons-le, sont plutôt spécialisées dans l'assurance complémentaire).L'inspiration de François Fillon pourrait bien être un rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale 2015, dont les auteurs, cités par Le Point, écrivent que "le champ d'intervention de l'Assurance maladie obligatoire pourrait être réexaminé. L'Assurance maladie et les assurances complémentaires interviennent en effet conjointement sur un panier de soins remboursables souvent plus large que dans les autres pays européens. Pour l'Assurance maladie obligatoire, l'objectif pourrait consister, en resserrant le panier de soins remboursables, à réinvestir dans les domaines les plus essentiels et à mieux financer le progrès médical".L'objectif demeure de diminuer la part payée par le patient (après l'intervention de ce que nous appellerions l'assurance obligatoire), ce "reste à charge" qui se montait en 2015 à 44,3 milliards sur 195 milliards mais dont les ménages paient en réalité 16 milliards le reste étant remboursé par les assurances complémentaires. La part de l'AO en France se monte donc à 77%, pourcentage appréciable dans l'OCDE. Or cette part n'a cessé de monter ces dernières année en raison de l'augmentation des maladies chroniques ou maladies de longue durée (les ALD). Dans le même temps, la part remboursée aux patients ordinaires n'a cessé de baisser. Chaque patient français payant en moyenne 520 euros de sa poche chaque année (chiffre 2012), il tente de se protéger en faisant jouer toujours plus les assurances complémentaires (AC). La France est médaille d'argent en la matière en Europe. Or les AC font augmenter les tarifs et les suppléments d'honoraires des médecins et dentistes. Le système est inégalitaire car plus on est vieux plus on se couvre en AC. La Cour française des comptes propose donc que l'AO se concentre sur un nombre restreint de soins. Sortiraient de l'AO, les soins d'optique, dentaires lourds (prothèses) et le transport non-urgent des patients. Les taux de remboursement en AO augmenterait en compensation pour faire baisser la quote-part patient. Les complémentaires se concentreraient plus sur les petits bobos."D'abord remettre le pays en marche"Mais Fillon reste prudent. Rien n'a été décidé. Juste après sa victoire aux Primaires, il a exprimé son engagement sur France 2 (28 novembre) "de faire en sorte que toutes les personnes qui doivent être protégées ne soient pas moins bien remboursées". Il ne veut pas couler la sécu mais la sauver, martèle-t-il. Et certainement pas la privatiser. S'il est président, il travaillera avec tous les professions de santé et la Cnam (Inami français) pour que tous soient couverts y compris les plus modestes. Il veut mettre de l'ordre dans le salmigondis des franchises et autres tickets modérateurs et jure qu'il ne misera pas tout sur les mutuelles qui devraient prochainement se voir surveillées par un Office de contrôle. En tout état de cause, la réforme du système de soins n'est pas sa priorité. "Je veux d'abord remettre le pays en marche."Qu'en pensent les médecins ? Leurs syndicats sont méfiants. En Belgique comme en France, le corps médical sait qu'on lui reproche d'être à la source des dépenses de santé. Interrogé par le Quotidien du médecin, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF (Confédération syndicale des médecins français) souligne que "François Fillon est très attentif à la médecine libérale et a tenu des déclarations qui vont dans le bon sens. La suppression du tiers payant généralisé, l'organisation du système de santé autour des praticiens libéraux avec un médecin traitant au coeur du dispositif, ça ne peut que nous faire plaisir !"Selon le néphrologue, Fillon a eu "le courage de poser le débat de la réforme du panier de soins en proposant que la Sécu se concentre sur les maladies graves et chroniques tandis que les mutuelles prendraient en charge le petit risque." Mais cela ne règle pas les relations entre médecins et assureurs complémentaires. Côté honoraires, on se souviendra de Fillon face à Juppé expliquant qu'un médecin doit gagner plus qu'un plombier. Les médecins peuvent-ils espérer des revalorisations d'honoraires prochainement ? Restons prudent. Quant aux hôpitaux, ils attendent aussi avec prudence l'aménagement évoqué par Fillon des 35 heures. Le personnel hospitalier devra-t-il travailler 39 heures payées 35 comme c'est déjà souvent le cas aujourd'hui ?